Orange veut se retirer d'Israël et contrarie Netanyahou

Partner Israël Orange
Une boutique Partner en Israël. © MENAHEM KAHANA / AFP
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avec AFP , modifié à
L'opérateur français veut rompre le partenariat avec son homologue controversé Partner, qui utilise son image dans l'Etat hébreu, et les colonies.

"Notre intention est de nous retirer d'Israël". Stéphane Richard, le PDG d'Orange, a suscité un vif émoi en Israël mercredi soir. Le dirigeant, en visite au Caire, a en effet annoncé son intention de revenir sur ses liens avec l'opérateur israélien Partner, dont les activités dans les territoires palestiniens sont décriées. Et cela a fait réagir jusqu'au plus haut sommet de l'Etat hébreu. 

Le point de départ : Partner, un partenaire encombrant. Partner est l'un des principaux opérateurs de télécoms d'Israël. Fondé en 1999, il noue un partenariat avec France Télécom pour utiliser l'image d'Orange au sein de l'Etat hébreu. Couleurs, logo, design… Les boutiques de Partner ressemblent ainsi à s'y méprendre à celles d'Orange. En échange, Partner verse une importante redevance au groupe français.

Mais ce partenariat, Orange commence à le voir d'un très mauvais œil. D'abord d'un point de vue économique : il s'agit du seul contrat de marque au monde entre Orange, présent dans 29 pays, et une entreprise qui n'est pas une filiale. Orange ne veut plus maintenir sa marque dans un pays où il n'est pas, ou plus, opérateur.

Ensuite pour l'image de marque de l'entreprise : fin mai, cinq ONG et deux syndicats, dont CCFD-Terre Solidaire, l'Association France Palestine Solidarité et la CGT ont demandé à Orange "de communiquer publiquement sa volonté de désengagement et de dénoncer les atteintes aux droits humains commises par Partner". Selon un rapport de ces organisations, Partner, en exerçant des activités économiques dans les colonies israéliennes, "contribuerait à leur viabilité économique et à leur maintien, et aiderait ainsi à perpétuer une situation considérée comme illégale par la communauté internationale".

La décision de Stéphane Richard. Mercredi, Stéphane Richard, PDG d'Orange, leur a donc répondu : "notre intention est de nous retirer d'Israël". "Cela va prendre du temps [mais] nous allons certainement le faire", a-t-il ajouté en anglais lors d'une conférence de presse au Caire, où il effectue une visite auprès de l'opérateur égyptien Mobinil, dont l'entreprise française est actionnaire à près de 100%. "Je suis prêt à abandonner demain matin" les liens avec Partner mais "sans exposer Orange à des risques énormes" sur le plan légal ou financier, a précisé le PDG. En clair, il le fera si ça ne coûte pas trop cher. Et s'il ne risque pas un conflit avec les autorités israéliennes.

La colère d’Israël... Jeudi matin la déclaration faisait la Une de toute la presse. "La face noire d'Orange", titrait même Israël Hayom, un grand quotidien populaire. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a appelé jeudi le gouvernement français à se démarquer de la décision "malheureuse" de l'opérateur de téléphonie Orange de se désengager à terme d'Israël. "J'appelle le gouvernement français à publiquement rejeter les déclarations et les agissements malheureux d'une compagnie dont il est en partie le propriétaire", a déclaré Benjamin Netanyahu cité par ses services dans un communiqué.

Un peu plus tôt, c'est le porte-parole des Affaires étrangères israéliennes, Emmanuel Nahshon, qui avait réagi en demandant des excuses de la part d'Orange. "Notre ambassadeur (en France) s'est adressé aux autorités françaises pour obtenir des explications", a-t-il ajouté. 

... de Partner... La direction de Partner a pour sa part accusé jeudi le patron du groupe français d'avoir cédé aux pressions des organisations pro-palestiniennes, et a appelé l'opinion israélienne à se mobiliser. "Je suis très, très en colère. Je pense que ce qu'il a dit est le résultat de pressions très importantes des (groupes) pro-palestiniens", s'est indigné Isaac Benbenisti, appelé à prendre la présidence de Partner le 1er juillet, sur la radio militaire israélienne.

Pour ce dernier, il ne s'agit pas d'une attaque contre son entreprise mais contre Israël en tant qu'Etat. "Nous devons nous mobiliser en tant que pays pour nous occuper de ce sujet. Israël est attaqué dans le monde. Ils essayent de nous isoler. Ce même Stéphane Richard est lui aussi soumis à ces pressions". Et son message commence à être relayé : jeudi, dans certaines boutiques Partner, on pu apercevoir des manifestations de salariés en soutien à leur direction.

... et du député des Français de la région. Député UDI des Français de l’étranger de la huitième circonscription, Meyer Habib a également relayé la colère d'une partie des Israéliens, vendredi matin, sur Europe 1. A ses yeux, le PDG d'Orange "a fait une faute. (...) Ce n’est pas logique, ce n’est pas normal et cela s’appelle du boycott". Et l'élu de souligner qu'il a "demandé la démission de Stéphane Richard". "Il y a un silence assourdissant de la part du gouvernement, qui attise l’antisionisme, le nouvel antisémitisme", a ajouté Meyer Habib, avant de faire dériver le débat sur un terrain très glissant : "On est exactement dans le fond : la détestation d’Israel, le boycott d’Israël", a-t-il assuré, avant de faire un parallèle douteux avec les terroristes Amedy Coulibaly et Mohamed Merah.

Orange tente de calmer le jeu. Face à ces réactions, Orange a d'abord expliqué que sa décision n'était pas motivé pour des raisons politiques. L'opérateur "n'a en aucun cas vocation à prendre part, sous une quelconque forme, à un débat politique", est-il expliqué dans un communiqué. Plus tard dans la journée, le directeur général adjoint du groupe a tenté de calmé le jeu en affirmant qu'Orange ne comptait pas se retirer complètement d’Israël, soulignant que l'opérateur de téléphonie disposait dans le pays d'un centre de recherches et d'une filiale de services pour médias en ligne. 

Fabius veut éteinte l'incendie. La France est "fermement opposée au boycott d'Israël", a déclaré vendredi le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Le chef de la diplomatie assure ne pas nier à Stéphane Richard le droit "de définir la stratégie commerciale de son entreprise".