Microcrédit : "Si on croit en vous, vous vous dépassez"

L'Adie organise régulièrement des formations pour les entrepreneurs "microfinancés".
L'Adie organise régulièrement des formations pour les entrepreneurs "microfinancés". © Adie
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Clément Lesaffre , modifié à
A l’occasion de la semaine du microcrédit, trois entrepreneurs racontent le cheminement qui les a conduits vers ce type de financement pour "créer leur propre emploi".
TÉMOIGNAGE

Petites mais fortes. Les entreprises créées par le biais du microcrédit résistent aussi bien, voire mieux que celles fondées avec un financement traditionnel. C’est ce que montre une enquête de l’Adie, l’association pour le droit à l'initiative économique, publiée à l’occasion de la semaine du microcrédit. Après deux ans, 76% des entreprises qu’elle accompagne sont encore debout, contre 73% des entreprises individuelles en France. Au bout de trois ans, 63% des structures montées avec un microcrédit sont encore en activité, juste au-dessus de la moyenne nationale à 62%.

1,3 emploi créé par entreprise. Les entreprises qui bénéficient de ces prêts d’un faible montant créent en moyenne 1,3 emploi. Elles constituent surtout un formidable moyen de retrouver le monde du travail pour des personnes qui en étaient exclues. Au-delà du fait de créer sa propre activité, le microcrédit lance une dynamique : parmi les entrepreneurs "microfinancés" qui cessent finalement leur activité, plus de la moitié retrouvent un emploi salarié ou créent une seconde entreprise.

Accompagnement de projet. Michèle Leprêtre, Pauline Tassel et Nasreddine Nagga ont tous les trois fait appel à l’Adie pour "créer leur propre emploi" alors qu’ils étaient au chômage. Grâce au microcrédit, ils ont pu se lancer à leur compte et surmonter les difficultés inhérentes au statut d’entrepreneur. Néanmoins, tous l’affirment : l’argent c’est bien, l’accompagnement c’est mieux. Sans les bénévoles qui les ont conseillé, leur situation serait très différente. Dans la conjoncture actuelle, leurs parcours respectifs montrent que le chômage n’est pas une fatalité.

Michèle Leprêtre, 65 ans, confiturière

En 2012, quand Michèle Leprêtre se retrouve licenciée après une longue carrière dans des associations culturelles, elle craint de ne jamais sortir du chômage : "Je faisais des recherches pour retrouver un emploi mais il n’y avait pas beaucoup de résultats, notamment à cause de mon âge", se souvient Michèle. Elle se prend en main et effectue un bilan de compétences avec une association. "Il en est ressorti que j’avais un profil créatif et une appétence pour le commercial". Deux compétences que Michèle décide d’allier à sa passion depuis qu’elle est "toute petite" : les confitures.

Formation professionnelle. La sexagénaire s’adresse alors à l’Adie qui l’oriente vers la couveuse d’entreprises des Yvelines pour qu’elle mûrisse son projet. "A l’époque, je ne voulais pas faire les marchés. Je pensais que les salons me correspondraient mieux et à terme, l’idée était d’ouvrir une boutique", explique Michèle. Elle effectue alors une formation de confiturière professionnelle mais l’expérience la déstabilise : "J’ai réalisé qu’il y avait un monde entre faire sa confiture à la maison et en faire à l’échelle industrielle".

" Après trois ans, je commence à être rentable "

Michèle ne se décourage pas et décide de participer au concours Talents Gourmands où elle se distingue en tant que finaliste devant un jury prestigieux composé de chefs étoilés et de meilleurs ouvriers de France. Repérée, on lui propose de vendre ses confitures dans un salon dans les Yvelines. "Il fallait que je fasse 400 pots, c’était énorme !" Pour relever le défi, elle sollicite un microcrédit "de quelques centaines d’euros" auprès de l’Adie pour acheter du matériel. "Je ne pensais pas y arriver mais finalement j’ai cuisiné et vendu 400 pots."

Près de 300 pots par mois. L’Adie propose ensuite à Michèle de vendre ses confitures dans une boutique éphémère dans la station de métro de la Porte de Bagnolet, à Paris. "Ça m’a permis de voir ce que la vente en direct donnait. C’est vraiment là que mon activité a décollé", assure-t-elle. C’était en 2014 et depuis la sexagénaire enchaîne les salons et les marchés événementiels. Elle produit entre 250 et 300 pots de confiture par mois qu’elle vend aussi en ligne, dans des box ou dans les catalogues des comités d’entreprise. "Après trois ans, je commence à être rentable", se réjouit l’entrepreneuse. "Sans le microcrédit, tout cela ne serait jamais arrivé. Mais plus que l’argent, c’est l’accompagnement de l’Adie qui m’a porté. Si on croit en vous, vous vous dépassez."

Pauline Tassel, 31 ans, assistante et formatrice numérique

Pauline Tassel aussi travaillait dans le monde associatif. Jusqu’en 2015, elle animait des formations à l’usage des réseaux sociaux pour les jeunes, en Bretagne. Quand l’association a fermé, elle a vu l’opportunité de se lancer à son compte. Elle contacte alors l’Adie pour l’aider à réaliser l’étude de faisabilité. Son référent lui propose un microcrédit de 2.000 euros pour acheter le matériel informatique nécessaire, mais également la possibilité d’intégrer une microfranchise solidaire récente : Mon Assistant Numérique.

" Seule, je n’y serais pas allée "

Réseau d’entrepreneurs. Pauline est immédiatement séduite par le concept. "C’était l’occasion d’être indépendante tout en faisant partie d’un réseau de gens avec les mêmes problématiques que les miennes", explique la trentenaire. La microfranchise est composée d’entrepreneurs individuels qui s’épaulent les uns les autres et partagent leur expérience. Au sein de Mon Assistant Numérique, Pauline initie des particuliers, notamment des jeunes retraités, à l’informatique et travaille avec des TPE de la région du Trégor.

"Seule, je n’y serais pas allée". "Au total, nous sommes une trentaine de franchisés dans toute la France. Nous échangeons régulièrement ensemble, nous collaborons sur des projets. Chacun apporte ses compétences techniques et relationnelles", détaille la jeune femme. "Seule, je n’y serais pas allée", assure Pauline. "Sans le microcrédit, je n’aurais pas eu les fonds nécessaires et mon projet aurait été bien différent". Un an après avoir commencé son activité, elle parvient à se dégager un petit salaire et se ménage une vie équilibrée entre son travail et sa vie familiale.

Nasreddine Nagga, 28 ans, serrurier

Comment monter son entreprise quand aucune banque n’accepte de vous prêter de l’argent ? Un dilemme en apparence insoluble auquel a été confronté Nasreddine Nagga en 2011. Alors âgé de 23 ans, le jeune homme d’origine tunisienne est licencié "au plus fort de la crise" par son employeur, une entreprise de nettoyage industriel. "Je me suis retrouvé au chômage et il n’y avait aucune offre d’emploi. Les mois passaient et il fallait bien que je paye mon loyer donc je me suis endetté", raconte-t-il.

" Sans le microcrédit je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui "

Interdit de prêt. Résultat, Nasreddine se retrouve fiché Banque de France. "Au moment où je voulais monter ma propre entreprise, les portes des banques traditionnelles se fermaient. C’était un gros coup dur". Il entend parler de l’Adie et leur présente son projet : une entreprise de serrurerie – métier pour lequel il avait suivi une formation - basée à La Rochelle. L’Adie lui accorde un microcrédit d’un montant de 7.000 euros. De quoi acheter un véhicule, des outils et faire la promotion de sa société dans la région.

Deux emplois créés. Cinq ans après, l’entreprise de Nasreddine est devenue une SARL et le patron emploie deux personnes. "J’ai une personne en BTS technico-commercial et un contrat jeune. Malheureusement, ce ne sont pas encore des CDI mais c’est un objectif que je me fixe", affirme l’entrepreneur. Nasreddine souhaite également microfranchiser son entreprise et réfléchit au projet avec l’Adie. Autre motif de satisfaction pour lui : il a fait table rase de son passé bancaire. "J’ai remboursé la totalité de mon microcrédit, payé mes dettes et je ne suis plus fiché Banque de France. Sans l’Adie qui m’a accompagné tout au long du lancement de mon entreprise, tout cela n’aurait pas été possible et je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui".