L'OCDE a un plan pour lutter contre l'évasion fiscale

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avec agences , modifié à
IMPÔT - L'OCDE promet "la fin de la récréation" pour les multinationales habituées à fuir le fisc, grâce à un plan international dévoilé lundi.

La fraude fiscale et sa déclinaison légale - l'optimisation fiscale - n'ont cessé de prendre de l'ampleur : les Etats perdent ainsi chaque année entre 90 et 214 milliards d'euros, soit 4 à 10% des revenus mondiaux de l'impôt sur les sociétés. Une estimation basse, comme l'a reconnu l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avant de dévoiler lundi ses propositions pour lutter contre ces stratégies d'évitement prisées par les multinationales. Cette "première refonte des normes fiscales internationales depuis presque un siècle" doit être validée par le G20, au niveau des ministres des Finances cette semaine puis des chefs d'Etat en novembre.

Les Etats en quête de réponse. McDonald's, Starbuck's, Apple, Google, etc. : nombre de grandes entreprises exploitent les divergences entre législations nationales et les subtilités de la comptabilité pour être taxées le moins possible. Quitte à déclarer des bénéfices dans des pays où elles n'ont aucune activité, les paradis fiscaux, et à les minorer dans des Etats qui sont pourtant ses principaux marchés. Le tout en évoluant dans une zone grise par rapport à la légalité, aidés par des cabinets spécialisés.

Après avoir longtemps fermé les yeux, voire avoir encouragé ces pratiques dans certains cas, les Etats ont décidé de réagir après la crise des subprimes : il est devenu difficile de continuer à venir en aide aux secteur privé quand ce dernier finance de moins en moins l'Etat. Le G20, qui réunit les principales puissances économiques du monde, ont donc chargé l'OCDE de proposer une liste de mesures permettant de mieux lutter contre l'évasion fiscale. Un catalogue que l'organisation internationale a présenté lundi.

Quelles mesures pour lutter contre les tricheurs ? L'OCDE a distingué quinze "actions" pour obliger les entreprises à payer leurs impôts là où elles sont réellement actives. Au menu des propositions : limiter la déductibilité des intérêts, encadrer les niches liées aux brevets (patent boxes), s'informer mutuellement des régimes fiscaux préférentiels de certaines sociétés (rescrits fiscaux ou tax rulings en anglais). Les multinationales réalisant au moins 750 millions d'euros de chiffre d'affaires devraient détailler leurs activités pays par pays, et ces informations seraient partagées par les administrations fiscales mais pas rendues publiques. Des pratiques de collecte et partage des données "BEPS" sont également prévues, ainsi qu'un cadre et des orientations pour le partage des renseignement en matière de planification fiscale des sociétés. Enfin, un traité multilatéral serait rédigé l'an prochain, pour dispenser les pays de renégocier une à une leurs conventions bilatérales.

Le commerce en ligne, le grand oublié. En revanche, la boîte à outils de l'OCDE ne contient aucune réponse au défi posé par les entreprises numériques. Dans leur cas, localiser la création de valeur et la source des bénéfices est plus compliqué et les géants du Web l'ont bien compris. Nombre des dernières révélations sur l’optimisation fiscale ont concerné des sociétés telles que Google, Apple, Amazon ou encore Facebook. A titre d'exemple, ce dernier aurait dû payer 23 millions d'euros d'impôts sur les sociétés en France pour l'année 2012. Mais à force de déplacer son chiffre d'affaires français vers l'Irlande et les bénéfices vers les Iles Caïmans, le réseau social n'a payé que... 240.000 euros au fisc français. Embarrassant à plus d'un titre : d'abord pour le symbole, ensuite parce que la pression fiscale ne repose par conséquent que sur les entreprises plus petites ou respectueuses de l'esprit de la loi.

Des propositions jugées trop légères pour beaucoup. Du côté des ONG engagées contre l’optimisation fiscale, la feuille de route dévoiéle par l'OCDE est donc insuffisante. "Beaucoup des propositions sont faibles et continueront à offrir aux multinationales des occasions de relocaliser les bénéfices hors du pays où ils sont réalisés et, ce faisant, de réduire les recettes fiscales", a réagi le Tax Justice Network.

"Les leçons n'ont pas été tirées des derniers scandales", regrette dans un communiqué Manon Aubry, d'Oxfam : "l'OCDE a vidé la proposition de son contenu: garder ces informations confidentielles rend complètement inopérant l'effet dissuasif du reporting pays par pays, alors même qu'il s'agit d'un de ses objectif premiers". Lucie Watrinet, de CCFD-Terre Solidaire, déplore elle "des aménagements flous et complexes de règles vieilles de plus d'un siècle". Toutes deux soulignent que seules 10 à 15% des entreprises internationales sont concernées par le plan de l'OCDE, qu'elles jugent trop indulgent sur les "rulings", épinglés lors du scandale LuxLeaks, ou sur la fiscalité des brevets.


Le BEPS, projet de l'OCDE contre l'évasion fiscalepar Europe1fr