Les entreprises soupçonnées de hors-jeu fiscal toujours plus nombreuses

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IMPÔT - McDonald’s fait depuis jeudi l’objet d’une enquête européenne pour ses montages fiscaux. Et elle est loin d’être la première entreprise inquiétée.

Des flux d’argent qui partent des restaurants pour converger vers le Luxembourg avant de prendre la direction de la Suisse, pour ensuite aboutir dans une succursale américaine dont on ne sait pas trop à quoi elle sert. Le montage financier et fiscal de McDonald’s en Europe est en tout cas suffisamment complexe et trouble pour avoir conduit la Commission européenne à se pencher dessus. Bruxelles a en effet annoncé jeudi l’ouverture d’une enquête sur les pratiques fiscales de la chaîne de fast-food et du Luxembourg. Et ce n’est pas une première : de plus en plus de multinationales se retrouvent dans le viseur des autorités européennes. Retour sur les principales enquêtes en cours sur une optimisation fiscale de plus en plus contestée.

McDonald’s, dernier concerné. Le groupe de restauration rapide est le dernier en date à faire l’objet d’une enquête européenne. Margrethe Vestager, la commissaire chargée de la politique de concurrence, le soupçonne d’avoir conclu avec le Luxembourg des accords fiscaux - "des tax rulling" -  illégaux au regard du droit européen. Un accord fiscal "qui accepte que McDonald's ne paie d'impôt ni au Luxembourg ni aux États-Unis sur leur revenu des redevances européennes doit être examiné de façon très minutieuse au regard des règles en matière d'aides d'État", a-t-elle estimé. Une ONG et trois fédérations fédérales sont à l’origine de cette enquête : selon leurs calculs, cette stratégie de planification fiscale aurait permis à McDonald’s de diminuer son exposition fiscale en Europe "d'un milliard d'euros entre 2009 et 2013".  Ce que le groupe américain dément formellement, tout comme le Luxembourg.

Fiat et Starbucks déjà épinglés. Au printemps 2014, la Commission européenne ouvrait une enquête sur l’accord fiscal fait sur mesure par les Pays-Bas pour Starbucks, ainsi que celui accordé par le Luxembourg à Fiat. Quatre mois plus tard, Bruxelles dévoilait ses conclusions : à ses yeux, il y a bien entorse au droit européen. Chaque entreprise aurait ainsi réussi à "gagner" de 20 à 30 millions. Et la Commission européenne de dénoncer le rôle des Etats qui ont conclu de tels accords, qu’elle considère comme des aides d’Etats illégales qui ont porté préjudice aux autres pays de l’UE. Chose rare, chacune des entreprises est depuis sommée de rembourser les sommes ainsi gagnées.

L’affaire n’est pas pour autant close : devenus à leur tour un paradis pour les sociétés amatrices de montages fiscaux complexes, les Pays-Bas ont décidé de réagir pour éviter de voir partir toutes les entreprises ainsi attirées. (Renault-Nissan ou EADS pour n’en citer que deux). Le 27 novembre, le gouvernement néerlandais annonçait donc qu’elle allait faire appel de cette décision.

Apple et Amazon sous enquête. La Commission européenne a également ouvert une enquête sur le statut fiscal accordé à Apple par l’Irlande et sur celui accordé par le Luxembourg à Amazon. Ses conclusions n’ont pas encore été publiées mais on sait ce qu’il leur est reproché. Apple est soupçonné d’avoir conclu un accord fiscal lui permettant de déplacer tout son chiffre d’affaires réalisé en Europe en Irlande. Les acheteurs d’un produit de la marque à la pomme n’ont qu’à regarder leur facture : elle est établie depuis Dublin. Une stratégie tout sauf anodine : Apple aurait réussi à obtenir un taux d’imposition de 2% pendant plus de 20 ans. Et pas si isolée : la justice américaine a elle aussi épinglée l’entreprise.

Amazon est accusé d’avoir mis en place un système similaire, mais le marchand en ligne a, lui, décidé de faire amende honorable : le 26 mai 2015, il annonçait qu’il allait désormais déclarer son chiffre d’affaires et ses revenus par pays. Et donc payer le juste prix fiscal dans chacun de ces Etats.

Jusqu’à 350 entreprises potentiellement concernées ? Si les autorités européennes ont commencé à se réveiller, le chantier qui les attend est colossal. D’abord en raison de la mondialisation, qui pousse les sociétés à adopter des montages financiers et fiscaux toujours plus compliqués. Ensuite en raison de l’essor de l’économie en ligne, pour laquelle il est plus difficile d’identifier où se crée la valeur ajoutée et donc où des impôts doivent être payés.

Le LuxLeak a montré que près de 340 entreprises bénéficieraient des "douceurs fiscales" offertes par le Luxembourg : Vodafone, Walt Disney, Timberland, Skype, Schroders, Mylan, Ikea, HSBC, Heinz, AIG, Bombardier, etc. Les Français ne sont pas en reste : LVMH, les assureurs Axa et CNP Assurances, les groupes bancaires BNP Paribas et BPCE (Banque Populaire – Caisse d’Epargne), mais aussi les groupes financiers Rotschild et Wendel.