Les banques rechignent à prêter ? La BCE leur force (encore) la main

© PHILIPPE HUGUEN/AFP
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FINANCE - La Banque centrale européenne a fait le point sur la situation financière de la zone euro et fait deux annonces : les rachats de dette continuent et la pression sur les banques se renforce.

Malgré une série de mesures exceptionnelles, l'économie de la zone euro reste encore convalescente. Partant de ce constat, la Banque centrale européenne a annoncé jeudi un renforcement de sa politique. Au menu : injection de nouvelles liquidités via de nouveaux rachats de dette et coup de pression sur les banques pour qu'elle cesse d'accumuler de l'argent et accorde davantage de prêts.

Le constat de la BCE. L'autorité bancaire européenne a dressé un panorama économique de la zone euro et mis à jour ses prévisions. La BCE a ainsi revu à la hausse ses prévisions de croissance du PIB pour 2015 et 2017, mais cette dernière reste insuffisante pour que la zone euro cesse d'être soutenue. D'autant que l'inflation ne devrait pas repartir comme la BCE l'anticipait : elle s'est établie à 0,1% en novembre, alors qu'elle est censée naviguer entre 1,5 et 2%. Pour le président de l'institution, Mario Draghi, de nouvelles mesures s'imposent.

Les annonces de la BCE. Cette dernière a d'abord renforcé la puissance de feu de son "bazooka", le surnom de son programme de rachat de dette : sa durée est rallongée d'au moins six mois, jusqu'en mars 2017, et il va désormais concerner de nouveaux titres. Pour rappel, cette technique a deux utilités : en rachetant des titres de dette à leurs détenteurs, la BCE injecte de l'argent frais dans le système monétaire. Elle fluidifie donc le système et peut aussi générer davantage d'inflation. Ce procédé à un autre avantage : en réduisant le nombre de titres de dette disponible sur le marché, elle est censée les rendre en même temps plus attrayant pour les investisseurs. D'ici au printemps 2017, la BCE aura ainsi injecté près de 1.500 milliards d'euros.

La BCE a déjà mené de telles opérations de "Quantity Easing" (QE), tablant sur le fait que l'argent réinjecté dans le système financier serait utilisé par les banques pour accorder de nouveaux prêts aux entreprises et aux particuliers, et ainsi stimuler l'activité. Sauf que les banques ne jouent pas le jeu et préfèrent toujours stocker de grandes quantité d'argent plutôt que le prêter. La BCE a donc durci un peu plus une mesure inédite prise en juin 2015 : rendre le taux de dépôt négatif. Ce dernier, qui était de -0,2% va passer à -,03%. En clair, lorsqu'une banque qui dispose d'argent frais décide de le stocker temporairement à la BCE, il ne gagne pas d'argent mais en perd : pour 100 euros placés, il ne récupérait 99,80 euros. Ce sera désormais 99,70 euros. L'objectif de la manoeuvre est limpide : inciter les banques à ne pas garder cet argent mais à le prêter. 

Les marchés plutôt déçus. A force de multiplier les mesures non conventionnelles, la BCE était très attendue par les marchés, qui espéraient de nouvelles mesures encore plus fortes. Mario Draghi a bien annoncé une montée en puissance de ses outils, mais ce n'est visiblement pas assez pour les investisseurs, qui se sont habitués à un tel régime d'exception pourtant déjà très favorable.

Les marchés européens ont donc mal réagi aux annonces de la BCE : à 16 heures, le CAC 40 perdait de plus de 3%, le Dax allemand 2,3%, l'Ibex espagnol 1,4% et l'Athex grec 1,3%. De son côté, l'euro a repris de la valeur par rapport au dollar pour s'échanger à 1,0798 dollar.