Le patron de Tesla a-t-il vraiment divisé son salaire par deux ?

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ARGENT - Elon Musk, PDG du constructeur automobile Tesla, a annoncé qu’il réduisait son salaire au minimum légal en Californie.

La nouvelle a de quoi surprendre, surtout dans un pays qui a fait sienne la devise "Bigger is better" ("Plus c’est gros, meilleur c’est"). Elon Musk, le patron et co-fondateur du constructeur de voitures de luxe électriques Tesla, a réduit son salaire par deux pour l’année 2014. Le montant de sa rémunération de base était alors de 35.360 dollars (33.000 euros), avant de passer à 37.440 dollars en 2015.  Soit moins que le revenu médian annuel américain par habitant (39.351 dollars) sans compter qu’il ne compte pas toucher cet argent. 

Un salaire en chute de 49% pour le patron. Elon Musk, 43 ans, n’est pas n’importe quel homme d’affaires : c’est lui qui a participé au développement de Paypal, l’un des services de paiement en ligne les plus répandus, avant de le revendre à eBay en 2002 pour près de 1,5 milliard de dollars. Une opération qui lui permet de récupérer personnellement plus de 175 millions d’euros, qu’il investit dès l’année suivante dans un nouveau projet : les voitures électriques de luxe Tesla.

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© JOHANNES EISELE/AFP

Depuis, la marque n'a cessé de se développer et a acquis une solide réputation, provoquant l’enthousiasme des investisseurs : l’entreprise vaut aujourd’hui en Bourse pas moins de 26 milliards de dollars. Mais Tesla n’a toujours pas gagné d’argent et a perdu 294 millions de dollars en 2014, pour un chiffre d'affaires de 3,2 milliards.

Estimant que l’entreprise est encore en plein développement et qu’il n’a personnellement pas besoin de cet argent, Elon Husk refuse depuis le début de toucher son salaire, même s’il est réduit drastiquement. Donc, oui, non seulement il a divisé son salaire par deux mais il ne va même pas le recevoir. Il faut dire qu’il a intérêt à faire passer le développement de Tesla avant celui de sa rémunération : il détient 26,7% des parts de l’entreprise et a tout intérêt à ce que sa valeur augmente. Ce qui est déjà en partie fait, puisque cette participation vaut aujourd’hui 7,6 milliards de dollars, alors qu’elle ne pesait qu’un peu plus d’un milliard début 2013. En deux ans, il a donc multiplié ce montant par sept. 

Un cas pas si isolé mais des raisons très variables. En réduisant son salaire, Elon Husk réalise donc un joli coup de communication qui ne peut que renforcer l’image cool de sa marque, et donc in fine sa valeur. Ce choix détone dans un monde de l’entreprise où les rémunérations des dirigeants ont tendance à augmenter plus vite que le reste. Et pourtant, d’autres PDG ont suivi le même chemin que le PDG de Tesla, mais pour des raisons très diverses.

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© JOSE MANDOJANA / AFP

Le dernier exemple en date concerne Dan Price, PDG d’une société de services de paiements, qui a décidé de diviser son salaire par 14 pour faire en sorte qu’aucun de ses employés ne gagne moins de 70.000 dollars annuels, soit 65.000 euros. Motif invoqué ? Il a lu un article sur le lien entre revenus et bonheur et en a conclu que ses employés seraient plus efficaces s’ils étaient plus heureux. Mais ce n’est pas tout, ce choix est aussi politique puisqu’il intervient en plein débat aux Etats-Unis sur les rémunérations des patrons, qui ont atteint de nouveaux records dans la finance. Sa décision est donc un plaidoyer en faveur d’une limitation des revenus ou de l’écart entre la base et la direction d’une entreprise.

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En 2012, celui qui est alors à la tête de PSA Peugeot-Citroën décide de renoncer à la part variable de son salaire (1,6 million d’euro) pour se contenter de 1,3 million. Mais cette fois-ci, point d’équité ou de quête du bonheur : si Philippe Varin a consenti un tel effort, c’est pour éviter de provoquer un scandale dans une société alors dans la tourmente et qui venait d’annoncer la suppression de 5.000 postes en France. Dans le même genre, on peut citer Satoru Iwata, patron de Nintendo, qui décide en 2011 de renoncer à la moitié de son salaire fixe : l’entreprise enregistre alors des chiffres de ventes très décevants et le PDG veut se mettre au diapason du reste de l’entreprise… mais aussi conserver son poste. La manœuvre sera d’ailleurs répétée en 2014.

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© ERIC PIERMONT/AFP

Le timing de tels "sacrifices" est en effet rarement anodin. Lorsque, fin 2011, le patron de Publicis, Maurice Levy, renonce à tout salaire fixe pour ne toucher qu’une part variable en fonction des résultats de l’entreprise, on peut se demander si cela n’est pas lié au fait qu’il va toucher quelques mois plus tard un bonus de 16 millions d’euros. Une manière de minimiser la polémique qui ne manque d’éclater quelques mois plus tard dans un contexte électoral où certains candidats vont proposer 75% d’imposition sur la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Un hasard du calendrier qu’on retrouve aussi en Allemagne, lorsque le PDG de Volkswagen annonce début 2013 renoncer à 30% de sa rémunération (14 millions au lieu des 20 prévus) : le pays débat alors du salaire de ses patrons et les législateurs envisagent même une loi limitant l’écart entre le bas et le haut de la hiérarchie au sein d’une entreprise. Un traitement préventif qui s’avèrera finalement inutile : le parlement allemand a finalement renoncé à son projet de loi.

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