Le bras de fer entre industriels et grandes surfaces au cœur de la pénurie de beurre

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Pauline Jacot, avec T.LM. , modifié à
Une partie des industriels du beurre ne livrent plus les enseignes, en raison de la flambée des prix, ce qui augmente de fait la pénurie.

La tendance est de plus en plus visible dans les supermarchés : le beurre manque dans les rayons. Pour expliquer cette pénurie, il y a bien sûr la baisse de production de lait et la hausse de la demande mondiale, en Chine et aux États-Unis. Mais il y a également une autre raison : un blocage entre les industriels et les grandes surfaces. En ce moment, un bras de fer est en cours au sujet du prix, car le cours du beurre a explosé. De manière assez logique, les industriels veulent profiter de cette hausse et demandent donc des augmentations de prix des barquettes de beurre en grande surface. Pas question, répond la grande distribution. Conséquence : les industriels ne veulent pas livrer ces enseignes.

Différence entre les grandes marques et les autres. On pourra objecter que l'on trouve malgré tout des grandes marques dans les rayonnages. C'est tout à fait logique : ils n'ont pas le choix. Les marques comme Président, Elle et Vire ou encore St Hubert sont sous contrat pour un an et sont obligés de vendre au prix du contrat, même si les coûts ont augmenté depuis. En revanche, les marques de distributeurs (les "MDD") telles que les marques repères et autres petits prix ont des contrats de 6 mois, de 3 mois, voire moins. Ces industriels peuvent donc logiquement décider de ne plus livrer la grande surface si elle refuse de payer plus.

 

"Marché intérieur moins rémunérateur". "Ces contrats ne sont pas renouvelés pour l'instant et c'est pour ça que les distributeurs ne sont plus achalandés. On n'approvisionne pas le marché intérieur car il est moins rémunérateur que le marché mondial. C'est un choix d'industriels", résume André Bonnard, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait. Pour être pleinement rémunérateur, estiment les professionnels, il faudrait que les grandes surfaces augmentent de 5 à 10% les prix des barquettes de beurre en grande surface.

Le beurre, 10% du lait français. Côté producteurs de lait, cette pénurie de beurre n'est pas non plus une manne financière exceptionnelle. Pour une raison très simple : moins de 10% du lait en France sert à faire du beurre. Ils en profitent donc un petit peu sur cette partie-là, mais sur les 90% restants, les prix restent extrêmement bas. Il faut bien comprendre que ce n’est pas le lait qui est recherché, mais bien le produit fini, en l’occurrence ici le beurre.

Des prix qui vont rester élevés. Pour faire revenir les marques des distributeurs dans les rayons, tout va dépendre de la volonté des grandes surfaces. Vont-elles remonter leur prix d’achat ? Selon les professionnels de la filière, le problème peut être réglé du jour au lendemain. Certains ont bon espoir, car le beurre est d'après eux l’un des produit essentiels d’une supermarché. Ce qui est sûr, c’est que les prix vont rester élevés, parce que les stocks resteront toujours très faibles et la demande très importante.

Trois autres raisons pour expliquer cette pénurie

On l'a vu, les blocages entre les industriels et les grandes surfaces expliquent en partie les pénuries que vous constatez éventuellement dans vos rayons. Mais ce n'est pas tout : 

- Les vaches ont leurs petits pendant l'hiver et produisent moins de lait à cette période de l'année. Au printemps, cet effet devrait s'estomper et faire remonter la production globale.

- Les conditions climatiques difficiles de l'année 2016 et du printemps 2017 expliquent une offre plus faible cet automne. 

- Le beurre est de mieux en mieux considéré par les consommateurs. Autrefois relégué comme une vulgaire matière grasse dangereuse pour la santé, il est aujourd'hui réhabilité est de plus en plus utilisé dans les cuisines de France et d'ailleurs.