La bourse s'envole : faut-il sourire ou avoir peur ?

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BONNE NOUVELLE ? - Le CAC 40 a brièvement franchi la barre des 5.000 points cette semaine, et pourrait réitérer l'exploit.

Barre symbolique. La Bourse de Paris a franchi brièvement mercredi le seuil symbolique des 5.000 points, son plus haut niveau depuis mai 2008. Si le CAC 40 est légèrement retombé jeudi, l'essai à de fortes chances d'être transformé à court terme.

L'embellie se retrouve d'ailleurs au niveau mondial. L'indice général de Wall Street, le S'P500, a connu une progression de 40% sur un an, sa plus forte depuis 30 ans. Le Nasdaq, la bourse américaine des nouvelles technologies, a même, elle aussi, récemment franchi la barre des 5.000 points, du jamais vu depuis l'éclatement de la bulle internet de l'an 2000. Paris est même l'une des rares grandes places boursières à ne pas encore avoir retrouvé ses niveaux record des années 2000, qui flirtaient avec les 7.000 points. Signe que les bourses respirent à plein poumon : les bonus de Wall Street n’ont jamais été aussi élevés depuis 2008.

>> Mais faut-il pour autant s'en réjouir ? Pas vraiment…

Comment expliquer cette envolée ? Le retour de la croissance mondiale explique en partie ce regain de vitalité. Les analystes attendent entre 3% et 4% pour 2015 et 2016. Or, les entreprises du CAC 40 sont des groupes mondiaux, et réalisent les trois quarts de leurs profits à l'étranger. Les bénéfices des entreprises cotées à Paris ont ainsi crû, en moyenne, de 37% en 2014. Et plus les entreprises se portent bien, plus elles attirent les investisseurs.

L'autre explication, en tout cas pour les bourses européennes, est à puiser du côté de la BCE. La Banque centrale européenne a déjà investi une dizaine de milliards d'euros sur les 1.140 prévus dans son programme de rachat de dette publique. En clair, la BCE rachète de la dette publique détenue par des banques ou fonds privés. Ces derniers gagnent en liquidité, et peuvent donc investir en bourse. "On rase gratis. La BCE dit : 'vous pouvez entrer dans le magasin de la bourse, acheter ce que vous voulez, ça ne coûte quasi rien. Il y a un excès de liquidité qui fait que l'on est incité à acheter des actions", décrypte pour Europe 1 l'économiste Marc Touati.

La bulle grossit plus vite que l'économie.  Le verdissement des indicateurs boursiers laisse penser que la crise est derrière nous. Et c'est vrai, au moins au niveau mondial. Plus aucun analyste ne prévoit de récession, en tout cas à court terme. Le hic ? Les bourses s'emballent beaucoup trop vite. Les investisseurs placent beaucoup plus d'argent que les entreprises ne font de profit. Et ils risquent de se rendre compte un jour qu'elles ne pourront pas les rembourser. On pourra alors dire que toute la liquidité qui circule aujourd'hui aura été gâchée.

Fin février, les entreprises européennes de l'indice Stoxx 600, qui agrègent plusieurs indices d'Europe, étaient par exemple valorisés 24 fois leurs résultats. En clair, leurs actions valaient 24 fois leurs bénéfices réels. Certains groupes "affichent des capitalisations de plusieurs milliards pour des résultats ridicules. La bulle ne touche plus que la high-tech, comme dans les années 2000, c'est tout le marché qui est touché", s'inquiète ainsi Peter Schiff, président du courtier Euro Pacific Capital, cité par Challenges.

"Cela risque d'aller trop loin par rapport à l'économie réelle. Il y a plus de risque que ça ne baisse que ça n'augmente. Acheter du CAC aujourd'hui, ça peut être dangereux", confirme l'économiste Marc Touati. Thomas Renault, enseignant-chercheur à la Sorbonne et à l’IESEG Paris, cité par Rue 89, prédit même une "crise majeure" aux alentours de 2016 au niveau mondial.

Banque Centrale Européenne BCE 1280

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Coucou, revoici les subprimes. Il ne faut, toutefois, pas dramatiser, nuancent certains analystes. Et si la bulle risque de dégrossir, le mot crise est un peu exagéré. "Les fondamentaux sont là. A l'époque (avant la crise de 2008 ndlr), les entreprises cotées n'offraient pas de cash-flow positifs et ne versaient pas de dividendes… Certaines sociétés valaient alors jusqu'à 200 fois leurs bénéfices!", assure Wayne Kaufman, le directeur de l'analyse de Phoenix Financial, cité par Challenges.

Le hic, c'est que les entreprises ne sont pas seules à peser dans la balance. Les ménages, eux aussi, inquiètent. En 2008, la crise est partie des subprimes : ces crédits accordés à des ménages américains précaires qui n'ont jamais réussi à rembourser, et qui s'étaient propagés sur toutes les places boursières du monde. Or, les "subprimes" sont bel et bien de retour. Selon l'institut Equifax, 40% des 200 milliards de dollars de crédits à la consommation en circulation aux États-Unis sont affiliés à des ménages à risque.

Ces chiffres sont difficiles à vérifier, mais ils sont appuyés par d'autres tous aussi préoccupants. Ainsi dans un dossier titré "Bulles financières : attention, danger d’explosions", Les Echos relatent une hausse de 57% des prêts étudiants en cinq ans aux États-Unis, une hausse continue des prêts immobiliers douteux en Chine depuis 2012, et surtout un volume de prêts automobiles américains qui a augmenté d'un tiers en cinq ans, "et beaucoup d'entre eux sont des subprimes".

On ignore aujourd'hui combien de ces titres se retrouvent sur les places boursières et s'échangent avec l'argent de la BCE. Mais comme le résume Edouard Tétreau, gérant de Mediafin, dans une tribune aux Echos : au États-Unis en tout cas, "l’argent ruisselle effectivement pour les pauvres. Mais sous forme d’emprunt. Après l’euphorie du moment, nous allons donc connaître un nouveau choc systémique mondial". Pour sa part, il le prévoit "quelque part entre 2016 et 2018".

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