Comment trouver les financements indispensables à la lutte contre le réchauffement climatique ?

Emmanuel Macron a présidé le One Planet Summit, à Boulogne.
Emmanuel Macron a présidé le One Planet Summit, à Boulogne. © ludovic MARIN / AFP
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Le Sommet de Paris qui réunit des dirigeants de tous les pays du globe doit donner un nouvel élan à la lutte contre le réchauffement climatique, notamment en réglant la question du financement.

"On est en train de perdre la bataille contre le réchauffement climatique". Au moment d’accueillir à Paris pour un sommet sur le climat, le One Planet Summit, des dirigeants venus de tous les pays, Emmanuel Macron dresse un constat amer. "Nous sommes très loin de l'objectif de l'accord de Paris de contenir la hausse des températures sous le seuil de 2 degrés, et si possible 1,5 degré", ajoute-t-il dans une interview au Monde. Toute la bonne volonté du monde, les initiatives locales et les investissements philanthropiques ne sauveront pas la planète sans une implication globale.

C’est justement tout l’enjeu du One Planet Summit, qui s’est tenu à Boulogne mardi : aller chercher de nouveaux financements, dans tous les secteurs de l’économie. En plus des États, qui doivent maintenir leurs engagements, "ce sont les régions, les villes, les acteurs privés, l'ensemble du secteur financier privé et public qu'il faut dorénavant mobiliser", estime Emmanuel Macron. A juste titre, car les solutions de financement vert sont nombreuses.

  • Les contributions des États, des promesses à tenir

Le premier objectif du Sommet de Paris est de faire en sorte que les pays augmentent, ou a minima maintiennent leurs contributions en faveur du climat. L’Agence internationale de l’énergie estime qu’il faut dédier 3.000 milliards d’euros d'investissements dans le secteur énergétique chaque année pendant 30 ans pour contenir l'augmentation des températures à un minimum de 2°C. Or, on en est encore loin : en 2016, le total dépensé s’élevait à seulement 326 milliards d’euros. Sur ce total, les pays du Nord ont promis lors de la Cop21 de porter à 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 leurs financements climat aux pays du Sud, somme sur laquelle ces derniers réclament des garanties.

Il y a la question des montants mais aussi de ce qu’on en fait. Ainsi, Oxfam déplore que seulement 17% des fonds consacrés par la France au climat soient destinés à l’adaptation, autrement dit les projets concrets qui permettent aux pays vulnérables de gérer les conséquences du réchauffement climatique (construction de digues, structures d’accueil des réfugiés…). Puisqu’il est trop tard pour anticiper le changement climatique, les pays doivent désormais se consacrer à la lutte contre ses effets néfastes.

  • Les obligations vertes, une piste avec du potentiel

Parmi les instruments de la finance verte figurent les "green bonds", ou obligations vertes. Émises par les États, les collectivités locales ou les entreprises, elles visent à financer des projets de développement durable et de transition énergétique. La France est plutôt un bon élève en la matière. Depuis 2013, elle est le troisième émetteur mondial de "green bonds". Mieux, en 2017, la France a émis 17 milliards d’euros d’obligations vertes, soit 13% du total mondial, ce qui la place en première position, devant les États-Unis et la Chine, notamment grâce à l’État français, qui a émis une obligation de 7 milliards d’euros, mais aussi grâce à des entreprises comme Engie, EDF ou SNCF Réseau qui y ont recours pour financer leurs projets.

Mais le poids des obligations vertes reste faible. Elles représentent actuellement 760 milliards d’euros dans le monde, sur un encours de plus de 85.000 milliards d’euros d’obligations, soit même pas 1% du total. Rien du tout donc, pour un concept apparu il y a tout de même une dizaine d’années. Malgré tout, les obligations vertes commencent à faire leur trou dans les salles de marché : en 2017, elles ont dépassé pour la première fois le seuil symbolique des 100 milliards de dollars (85 milliards d’euros).

  • Plus impliquer les fonds souverains et les fondations

Au milieu des annonces qui sortiront du One Planet Summit figure la mise en place d’une coalition de fonds souverains. La Norvège, le Qatar, le Koweït, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et la Nouvelle-Zélande vont s’associer pour verdir leurs portefeuilles. Ce n’est pas anodin : ensemble ils gèrent plusieurs milliers de milliards d’euros d’actifs.

Autre coalition qui va voir le jour, celle des "philanthropes". Selon Le Monde, une dizaine de fondations "dont celles de Michael Bloomberg, Bill Gates ou encore Richard Branson", vont consacrer une plus grande partie de leurs fonds à des actions en faveur du climat. Enfin, une centaine de fonds d’investissement et de fonds de pensions, "dont les géants américains CalPERS et BlackRock, ou la banque britannique HSBC", vont élaborer "une stratégie collective de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les douze mois qui viennent".

  • L'illusion d'une taxe sur les transactions financières

L’idée qui revient le plus souvent est la mise en place d’une taxe sur les transactions financières (TTF) qui servirait à financer la lutte contre le réchauffement climatique. En France, c’est un outil qui existe déjà mais qui reste limité puisqu’il s’agit d’une taxe de 0,30% sur les opérations financières supérieures à un milliard d’euros. Dimanche les ministres de l'Économie Bruno Le Maire, de la Transition écologique Nicolas Hulot, des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et de la Recherche Frédérique Vidal, se sont déclarés favorables à la création d’une TTF à l’échelle européenne, dans une tribune au JDD.

Mais la création d’une telle taxe est un vieux serpent de mer. Cela fait des années qu’une dizaine de pays européens débattent de la question sans jamais réussir à se mettre d’accord. Le 26 septembre, lors de son discours sur l’Europe à La Sorbonne, Emmanuel Macron a assuré qu’il allait proposer à l’UE un projet de TTF. Mais si onze pays n’ont pas réussi à se mettre d’accord, un accord à 28 semble hautement improbable, d’autant plus que l’Allemagne, jusqu’ici moteur des discussions sur le sujet, est désormais dirigée par une coalition plus conservatrice.

  • Une épargne verte pour impliquer les citoyens

Financer la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas que l’affaire des États et des riches investisseurs. Tous les citoyens peuvent s’impliquer, à leur échelle. "Nous souhaitons que tous les citoyens puissent financer les projets verts", a ainsi déclaré Bruno Le Maire, mardi sur France Inter. A cet effet, "tous les contrats d'assurance-vie pourront désormais bénéficier d'un support en unités de compte (des contrats à capital non garanti, ndlr), labellisé climat", a annoncé le ministre de l'Économie.

Autre produit d’épargne qui finance des projets verts, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) représente plus de 100 milliards d'euros d’encours. C’est plus de deux fois moins que les 271 milliards placés par les Français sur leurs Livret A, alors que les intérêts sont identiques (0,75% actuellement). Seule différence entre les deux livrets : le plafond, 12.000 euros sur le LDDS contre 22.950 sur le Livret A. Dans le cas du LDDS, la Caisse des Dépôts est chargée de s'assurer que les sommes placées soient bien utilisées en faveur du climat, comme l’a affirmé Bruno Le Maire mardi : "Nous donnons la garantie à tous les Français que chaque euro placé sur le LDD servira à financer des projets verts".