Combien la neige et le froid vont-ils coûter à l’économie ?

Le froid a paralysé une partie des transporteurs routiers qui circulaient dans le bassin parisien.
Le froid a paralysé une partie des transporteurs routiers qui circulaient dans le bassin parisien. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Agriculture, énergie, commerce… Chaque secteur de l’économie est touché différemment par les chutes de neige et les températures hivernales que la France connaît actuellement.

Il est certes trop tôt pour dire avec précision l’effet que les flocons tombés depuis mardi vont avoir sur la productivité française. Mais avec des transports en commun perturbés, des routes paralysées et une partie de la France globalement au ralenti, plusieurs secteurs ont souffert durant cette semaine où l’hiver s’est montré bien rude.

Les routiers frappés de plein fouet. Pour le transport routier, la facture est d’ores et déjà salée. Selon les estimations de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), jeudi, le manque à gagner s’élève à environ 60 millions d’euros par jour. Avec des perturbations mardi, mercredi, jeudi et vraisemblablement vendredi, les pertes devraient facilement dépasser les 200 millions d’euros. Pour un secteur qui pèse 57 milliards d’euros par an, la baisse est au moins de 0,35% pour 2018. Et la FNTR est sceptique sur la possibilité de rattraper ce manque, malgré l'autorisation donnée aux conducteurs de rouler le week-end : ceux qui ont été bloqués depuis mardi après-midi pourront difficilement circuler samedi et dimanche.

Moins de clients dans les restaurants. C’est un fait : les camions bloqués peuvent difficilement acheminer les marchandises qu’ils transportent. "Les restaurateurs sont très mal desservis au niveau des livraisons, ce qui a posé un certain nombre de problèmes", estime-t-on à l’Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih). Les transporteurs routiers affirment que sans livraison, le marché national de Rungis pourrait d’ailleurs ne pas tenir au-delà de la fin de semaine.

Le froid se fait aussi ressentir sur le nombre de couverts assurés dans le secteur de la restauration : "La fréquentation de nos établissements a aussi chuté brutalement compte tenu des conditions climatiques. Pour certains, la baisse est allée jusqu'à 50% pour le service du midi, voire pire pour le service du soir", regrette l’Umih, qui parle d’une moyenne de -20 à -30% de fréquentation, avec en plus des salariés qui ne peuvent pas se rendre sur leur lieu de travail. Les pertes pourraient aller jusqu’à 20 millions d’euros par jour, comme lorsque la neige avait recouvert la France à l’hiver 2013.

Chantiers arrêtés, parcelles inondées. D’autres secteurs pâtissent également des conditions climatiques difficiles dans le bassin parisien depuis plusieurs jours. Par exemple, les ouvriers du BTP qui travaillent en extérieur ne peuvent pas couler de béton lorsque la température est trop froide. Les arrêts des chantiers sont donc plus nombreux. Pour assurer un revenu aux salariés, le secteur a néanmoins instauré un système de chômage-intempéries, qui permet aux ouvriers d’être rémunérés à hauteur de 75% de leur salaire.

" On vend davantage d’électricité car la demande est plus forte "

Contacté par Europe1.fr, la FNSEA, principal syndicat agricole, estime qu’il est "encore trop tôt pour faire une évaluation. Les champs sont encore gorgés d'eau et les réserves sont pleines. Les assurances ne sont pas encore en mesure d’évaluer l’importance des dégâts" du froid et de la neige sur la production. Après des semaines de crues sur certaines parcelles, les perspectives s’assombrissent encore un peu plus avant les récoltes du printemps et de l’été.

Fromages à raclette et soupes s'écoulent mieux. Plusieurs secteurs profitent pourtant du froid. "Les produits d'hiver comme les soupes, les fromages raclette ou le chocolat en poudre bénéficient d'une hausse de leurs ventes d'environ 30%, dans les conditions que nous connaissons cette semaine", avance Weathernews, un cabinet spécialisé dans l'étude des liens entre climat et économie. Des températures qui approchent les 0 degrés, ce sont aussi des chauffages et des vêtements d’hiver plus prisés. Avec des soldes toujours en cours et un froid qui devrait perdurer après vendredi, les magasins qui proposent des écharpes ou des polaires devraient réaliser de meilleures ventes samedi, le jour de la semaine où les Français consomment le plus.

Avec une consommation de chauffage plus importante, le secteur de l'énergie est un autre gagnant du froid. "On vend davantage d’électricité car la demande est plus forte", confirme à Europe1.fr EDF, rejoint par RTE, le gestionnaire du réseau : "À chaque degré en moins, 2.400 MégaWatts (MW) sont consommés en plus, soit l’équivalent d’une ville comme Paris. Jeudi soir, la pointe sera à 87.700 MW, contre 94.000 MW pour la pointe de l’année dernière et 102 MW pour la vague de froid exceptionnelle de l’hiver 2012." Pour l’heure, EDF se veut rassurant et assure ne prévoir aucune pénurie dans les jours qui viennent : "Nous ne sommes pas dans une phase d’alerte."

Un effet de court terme ? Les conséquences positives vont-elles finalement l’emporter sur les effets négatifs du climat que l’on connaît actuellement ? "L'effet froid peut être un facteur d'accélération du PIB d'un trimestre sur l'autre", estime auprès de L’Expansion Vladimir Passeron, statisticien à l’Insee. Même si ce petit coup de fouet n’est que temporaire : "Le froid a un effet favorable sur la mesure de la croissance à très court terme, mais cet aléa climatique n'a pas d'effet sur la tendance." Ce n’est donc pas dans l’évolution du mercure qu’il faut scruter les variations futures de la croissance, au beau fixe actuellement.