Merkel réélue : qui y gagne, qui y perd ?

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Alexis Toulon , modifié à
Si les Allemands ont plébiscité la chancelière, les Européens sont bien plus divisés.

Angela Merkel sort plus forte que jamais des élections législatives allemandes de dimanche. Les électeurs allemands, en reconduisant pour un troisième mandat la chancelière, ont validé sa politique internationale et économique.

Mais en Europe, Angela Merkel est synonyme de politique d'austérité. Si les pays du Nord se félicitent du maintien de la rigueur, ceux du Sud s'inquiètent d'une cure d'austérité prolongée qui pourrait pénaliser le retour de la croissance. Au-delà des messages de félicitations convenus, les réactions sont très différentes d'une capitale à l'autre.

Pour eux, c'est une bonne nouvelle

• Le Royaume-Uni applaudit la victoire de la chancelière. David Cameron a rapidement félicité Angela Merkel via son compte Twitter.

La presse anglaise, comme le quotidien conservateur Daily Mail, juge qu'Angela Merkel "est devenue la Thatcher d'Allemagne". Le Royaume-Uni a un lien particulier avec l'Allemagne : ils sont un contrepoids à la France et représentent les deux premières économies du Nord en Europe. Sans oublier qu'ils défendent les politiques de rigueur, qu'ils s'appliquent eux-mêmes. Londres et Berlin se sont notamment entendus pour faire baisser le budget européen pour la période 2014-2020.

• La Pologne voit dans cette élection une continuation dans les relations polono-allemandes car le CDU est "un partenaire sûr" selon le Premier ministre Donald Tusk. La Pologne n'a pas souffert de la crise de la dette grâce à un faible endettement des ménages et entreprises. Quand la crise est arrivée, sa monnaie s'est dépréciée, ce qui lui a permis de gagner en compétitivité sans augmenter le coût de sa dette. Aujourd'hui, le pays est en croissance mais reste très dépendant de l'Allemagne, son premier partenaire économique et qui importe plus du quart de la production polonaise. Le Premier ministre a donc tout intérêt à soigner son puissant voisin. 

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Pour eux, c'est une mauvaise nouvelle

• La Grèce est le pays de la zone euro qui a le plus souffert de la crise et de l'austérité imposée par la Troïka, et l'Allemagne n'y est pas pour rien. Les médias sont donc inquiets : sur la chaîne Star, un commentateur économique analyse amèrement que "la situation (d'austérité ndlr) pour la Grèce ne va pas changer". Selon un éditorialiste du journal To Vima, la population aurait préféré une victoire du candidat social démocrate. Les sondages publiés dans les journaux montrent que la 79% des Grecs avaient une mauvaise opinion de la chancelière, 10% seulement pensaient que sa réélection pouvait être positive pour le pays. Lors du débat avec Angela Merkel, Peer Steinbrueck avait d'ailleurs pointé "la dose mortelle d'austérité" imposée à la Grèce par la chancelière. Angela Merkel avait estimé que "la Grèce n'aurait jamais dû être admise dans la zone euro".

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• L'Espagne, confronté à un taux chômage de 26,26%, a sombré dans la récession depuis deux ans avec une demande intérieure en berne. L'Etat, les régions et les banques sont très endettées. De nombreux Espagnols voient la chancelière comme symbole du régime d'austérité auquel le pays est confronté et qui prévoit 150 milliards d'euros d'économies d'ici fin 2014. Le Premier ministre, Mariano Rajoy, s'est contenté d'envoyer un télégramme de félicitations à Angela Merkel dans lequel il plaide pour "une Europe forte, compétitive, solidaire, unie et prospère".

• L'Italie, est en récession depuis deux ans et a du mal à trouver une stabilité politique. Après un gouvernement technocratique mené par Mario Monti pour faire adopter des mesures urgentes d'austérité, le pays a traversé une crise politique. Dans ces conditions, les investisseurs se montrent inquiets. Le pays et les entreprises ont du mal à emprunter. La BCE pourrait favoriser l'accès au crédit, mais elle reste sur la même ligne que Berlin quant à la possible recapitalisation des banques. L'Italie n'est donc pas maître de son destin. Malgré cela, le Premier ministre, Enrico Letta, a félicité la chancelière pour son "brillant résultat électoral".

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• Le Portugal pourrait avoir besoin d'un nouveau plan d'aide. La Cour constitutionnelle a rejeté un projet de loi visant à licencier des fonctionnaires, une des mesures d'austérité mises en place par le gouvernement de Passos Coelho avec ses créanciers, dont l'Union européenne, Allemagne en tête.  Dans ce contexte, Luís Almeida Sampaio, ambassadeur du Portugal en Allemagne, a déclaré aux journalistes que si son pays a traditionnellement des liens avec la France et le Royaume-Uni, l'avenir des Portugais est "plus lié que jamais à celui des Allemands". Selon le Wall Street Journal, le Portugal serait en tête des problèmes à traiter en urgence dans l'eurozone. Les regards se portent donc sur Merkel.

• Chypre connaît une forte crise bancaire et de la dette. Le pays, déjà soumis à une forte politique de rigueur et de taxes des dépôts par l'Union européenne, voit d'un mauvais œil le retour de Merkel et de sa ligne de rigueur. Toutefois, Nicos Anastasiades, président de Chypre "pense que nous allons voir une Angela Merkel différente après cette élection".

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Pour eux, ça ne change pas grand chose

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• La France, par la voix de François Hollande, a félicité la chancelière et l'a invitée à Paris. Le président assure de sa "volonté de continuer à travailler inlassablement au rapprochement de la France et de l’Allemagne et de poursuivre leur coopération étroite pour relever les nouveaux défis de la construction européenne". Toutefois, cette élection laisse le président face à un partenaire intransigeant et en position de force, qui mène une politique opposée à celle qu'il prône. Mais François Hollande conserve sa place de leader de l'opposition européenne face à Angela Merkel auprès de nombreux pays européens.  Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a déclaré sur iTélé : "La responsabilité commune que nous avons est de réorienter l'Europe, de faire en sorte que cette région, qui est la seule zone en récession du monde, redevienne une zone de croissance, et donc il y a un certain nombre de décisions à prendre. La responsabilité de la France et de l'Allemagne est considérable".

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• L'Union européenne et son président ont adressé leurs félicitations à Angela Merkel et mettent en avant une coopération renforcée. L'Union dépend énormément de l'Allemagne pour son fonctionnement et reste en attente des prochaines élections pour définir sa future politique.

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