Internet peut-il booster le marché automobile ?

À un mois jour pour jour du salon de l'auto de Genève, les constructeurs peuvent déjà apprécier dans leur rétro les chiffres de janvier
À un mois jour pour jour du salon de l'auto de Genève, les constructeurs peuvent déjà apprécier dans leur rétro les chiffres de janvier © MAXPPP
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PLEIN PHARES - Le secteur de l'automobile est loin d'être à la pointe du numérique. Mais doit-il changer ? 

Les marques automobiles françaises ne connaissent, certes, pas d'erreur de démarrage en ce début d'année. À la veille du salon de l'automobile de Genève, qui ouvre ses portes jeudi, les constructeurs tricolores peuvent déjà apprécier dans leur rétro les chiffres de février : les immatriculations de voitures neuves ont continué à progresse, de +4,2 % pour PSA et 1,7 % pour Renault. Pourtant, le marché français dans son ensemble a reculé de 1,4%. Et le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) s'attend tout juste à un "marché stable" en 2014... alors qu'en 2013, il est tombé à ses plus bas niveaux depuis 15 ans.

Comment faire alors pour réellement dynamiser le secteur ? Les modèles présentés en Suisse cette semaine devraient donner une idée des futurs produits phares des marques. Mais pour beaucoup d'observateurs, le marché auto doit entamer une révolution… qui pourrait passer par internet, où les constructeurs, français comme étrangers, sont (quasi) absents.

>> Le secteur est-il digne de l'ère d'internet et des Smartphones ?  Doit-il changer ? Les consommateurs seraient-il gagnant ? Éléments de réponse.

Le web a révolutionné la manière de consommer… Dire que les marques n'ont pas du tout posé leurs roues sur la toile est faux. "Elles ont fait des progrès considérables, il y a de très beaux sites", reconnait Flavien Neuvy, responsable de l'Observatoire Cetelem, contacté par Europe1.fr. En quelques clics, les consommateurs peuvent changer la teinte d'une carrosserie, modifier la couleur d'un habitacle ou ajouter des accessoires, sans avoir à se déplacer.

Dans le jargon du marketing, on appelle ça le "car-configurator". Fini l'étalage de modèles en masse sur un parking, place à l'exposition personnalisée, chez soi, sur internet. "Depuis peut-être plus de cinq ans, les constructeurs ont sophistiqué leurs sites. Ces derniers peuvent générer des demandes d'essais en concession. Là dessus, les marques sont plutôt mûres", ajoute Antoine Durand, du cabinet LSFinteractive, spécialisé dans les stratégies web, contacté par Europe1.fr.  

Bandeau e-drive

© Reuters

Et lorsqu'il pousse les portes d'une concession, le client dispose désormais d'informations techniques très précises sur le modèle qu'il a sélectionné. "Nous sommes en train de quitter un commerce de masse, et internet a accéléré ce processus. Chaque client se vit comme étant différent des autres ", souligne auprès de Reuters Philippe Moati, professeur spécialisé à l'université Paris-Diderot. "Les concessionnaires sont stupéfaits : parfois, les clients font 300 kms pour aller chercher le modèle qu'ils souhaitent, parce qu'ils l'ont trouvé via internet", relate Flavien Neuvy.

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… Mais les constructeurs sont en retard. Il n'empêche : "la majeure partie des constructeurs n’a pas encore parfaitement intégré le canal digital", constatait, en septembre 2012, une vaste étude du cabinet spécialisé Accenture. À l'époque, les sondés disaient visiter, en moyenne, 14 sites avant d’acheter un véhicule. Preuve que la communication n'était pas encore rodée. Et si, comme le souligne Philippe Moati, "l'automobile (…) est en train de rattraper un peu son retard", il reste encore des lacunes profondes.

Pas assez de suivi. Principal point sur lequel les marques ont encore du retard : l'après essai de la voiture. "Il y a encore un choc de culture entre le personnel de la communication, du marketing, et les vendeurs. Les vendeurs font tout pour conclure la vente sur le moment. Mais si le client hésite et décide de rentrer chez lui, comment le relancer ? Internet peut être un bon moyen", décrypte le consultant spécialisé Antoine Durand. "Il manque aujourd'hui un bout de la chaîne. Le concessionnaire sait que client vient au magasin. Mais la marque, non", explique-t-il. 

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En clair, les vendeurs ne jouent pas encore complétement le jeu. En recueillant des informations sur le client et en les centralisant, les constructeurs pourraient relancer les clients plus efficacement. "Avec des mails envoyés à des fréquences raisonnables, ils pourraient se rappeler à l'esprit des clients, et éventuelement lui faire parvenir des offres promo ou le réaiguiller sur d'autres modèles", assure Antoine Durand. Et d'insister : "c'est pareil sur les réseaux sociaux. Les marques ont de nombreux fans mais elles ne s'en servent pas. Elles pourraient faire davantage de travail de présence à l'esprit, en postant des informations ludiques, en les faisant participer à des jeux etc".

La vente sur internet, c'est pour quand ? En outre, aujourd'hui, la vente de voitures via un site d'une marque n'existe presque pas... à part Mercedes, qui propose (depuis décembre dernier!) en ligne ses Mercedes-Benz Classe A et B, CLA et CLS Shooting Brake, comme le souligne Challenge. "Ce qui est frappant, c'est que l'e-commerce ne connait pas la crise. Mais le seul secteur à ne pas en profiter, c'est l'automobile", constate ainsi Flavien Neuvy. "La distribution automobile a rarement été fer de lance en matière d'innovation commerciale", commente également Philippe Moati.

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Mais si les constructeurs ne se convertissent pas à l'e-commerce, c'est que les clients sont encore frileux. Selon diverses études, à peine plus d'un tiers des Français seraient prêts à acheter une voiture sans passer par la case vendeur. "Aujourd'hui toutes les expériences sont négatives, à la fin le client va toujours dans le point de vente", souligne ainsi Bernard Cambier, directeur commercial de Renault en France. "Les gens ne vont pas acheter une voiture sur internet. C'est un achat trop engageant, sur un montant trop important", renchérit le consultant Antoine Durand.

Les clients seraient, certes, moins frileux si internet permettait d'offrir de meilleurs prix. Mais cela passerait par des économies dans les concessions (personnel, éclairage, entretien etc.). Or, les constructeurs sont soumis à la pression de leurs concessionnaires, qui s'inquiètent de perdre leurs emplois. Les principales enseignes de distribution automobile ont déjà vu leurs effectifs passer de 177.400 personnes en 2009 à 159.500 environ en 2012, soit une hémorragie de près de 17.000 emplois en trois ans (-10%).

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Baisser les prix sans licencier, c'est possible ? En Allemagne, par exemple, BMW réfléchit à vendre sa future i3 sur internet. Mais, comme le détaille ici Usine Nouvelle, les concessionnaires allemands auraient obtenu un report de ce projet, au moins temporairement.

Pourtant, selon Flavien Neuvy, de l'Observatoire Cetelem, les constructeurs et les consommateurs seraient gagnant à un développement des ventes en ligne. Et cela peut se faire sans fermer des concessions. "Il faut partager les ventes entre internet et les concessions", estime l'expert. "Le web peut provoquer des intentions d'achats, c'est un vrai levier. Les véhicules qui ne se vendent pas en point de vente, par exemple, pourraient faire l'objet de promos sur internet. Lorsque le client hésite, la possibilité de pouvoir acheter sans se déplacer, sur un site avec de bons arguments, peut susciter l'achat".

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