Trois conseils pour concilier passion et vie de famille

© ALEJANDRO PAGNI / AFP / EUROPE 1
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Difficile de vivre avec quelqu’un qui ne partage pas, du tout, nos passions. Comme souvent, il y a un subtil équilibre à trouver.

Nous vous en parlions dans cet article, le football peut nous mettre dans tous nos états, surtout en ces temps de Coupe du monde. Le supporter acquiert et partage des connaissances sur son équipe, il organise son budget en fonction des matches qu’il compte aller voir ou du maillot qu’il veut s’acheter, il traverse la France ou le monde pour suivre ses idoles, il réserve ses soirées des mois à l’avance pour voir les match etc. "L’affection que porte un supporter à son équipe est de l’ordre de l’état amoureux : irrationnelle", décrypte le psychiatre Guy Maruani.

Mais que faire pour concilier de telles passions avec une vie de famille ? Pour trouver du temps et de l’énergie pour son/sa conjoint(e), pour ses enfants ? La question dépasse largement le cadre du football. Que l’on soit passionné de n’importe quel sport, de cheval, de littérature, de moto ou de Johnny Hallyday, il est parfois difficile de composer avec ceux qui ne partagent nos "délires", comme ils disent. Pour le/la conjoint(e), idem : il est souvent compliqué de trouver sa place. Comment parvenir à l’équilibre ?

Fixez-vous des règles… et prenez conscience du risque de les enfreindre

Tout l’enjeu sera d’éviter que votre passion ne prenne trop de place. La première chose à faire, c’est de dialoguer avec votre conjoint(e) et de fixer ensemble des limites. Vous êtes un fan de l’équipe de France ? Vous ne pouvez pas manquer un seul de leur match ? Alors faîtes l’impasse sur les autres matches de la Coupe du monde, pour consacrer des moments à votre famille. Il est important de montrer que l’on fait des efforts, des concessions. Dégagez-vous du temps pour profiter des vôtres (un dîner en amoureux, un jeu au parc, une sortie en famille…) mais aussi pour d’autres tâches plus ingrates (ménages, paperasse, logistique…) que votre passion risque de vous faire oublier.

" Surprenez-le/la en n’étant pas forcément là quand il ou elle rentrera de son match ou de son cours de danse "

Si vous êtes d’accord, pourquoi ne pas écrire noir sur blanc cette règle ? Cela vous aidera à vous fixer des objectifs concrets. "Demander à l’autre d’y consacrer moins de temps, c’est trop vague. Et cela ne sera jamais suivi de réussite. Il vaut mieux lui dire que tel ou tel moment doit être réservé au couple", suggère le psychiatre Stéphanie Hahusseau dans Psychologies magazine.

Et si les règles sont claires, le "passionné" prendra plus facilement conscience, en les enfreignant, qu’il est allé trop loin. Et qu’il s’expose, ainsi, à une réaction de l’autre. "Votre conjoint(e) rentre plus tard que prévu ? Pourquoi l’attendre en ronchonnant ? Sortez avec des amis, allez au cinéma, surprenez-le/la en n’étant pas forcément là quand il ou elle rentrera de son match de foot ou de son cours de danse. Un tel acte d’individuation est bien plus porteur que les mots, répétés des dizaines de fois. Et ainsi, en mettant l’autre parfois ’en danger’, vous lui faites sentir l’effet émotionnel que peut avoir son comportement", conseille Stéphanie Hahusseau.

Intéressez-vous à la passion de l’autre, sans vous forcer

Lorsque la passion de l’autre nous est totalement étrangère, difficile de s’y intéresser. Comment l’écouter parler de foot alors qu’on ne sait même pas ce qu’est un hors-jeu ? Comment prêter attention à toutes ses remarques sur le jardinage alors qu’on ne fait pas la différence entre une tulipe et un lys ? "Maintenir l’attention à l'autre, c'est la base du couple. Il est important que chacun se sente regardé, aimé, digne d’intérêt", explique pourtant à Europe 1 Jean-Paul Mialet, psychiatre et auteur de L’amour à l’épreuve du temps.

Lorsque vous écoutez votre partenaire, essayez de trouver "l’universel" dans sa passion, ce qui pourrait parler à tout le monde et même à vous. Et, surtout, maniez l’ironie avec précaution : si cela peut faire rire à petite dose, cela peut, aussi, vexer. À l'inverse, si vous êtes passionné, tentez de trouver les mots pour en parler à votre partenaire. N’utilisez pas trop de jargon, ne vous énervez pas si il/elle ne comprend pas et tentez de trouver ce qui, dans votre passion, pourrait l’intéresser : pour le football, par exemple, il y a l’esprit d’équipe, de compétition, le patriotisme, le dépassement de soi ou l’amour du suspense ; ou, dans le jardinage, le rapport à la nature, à la patience, aux parfums, à la beauté, à la vie.

" Beaucoup d'adultes vivent leurs rêves à travers leurs enfants. Si ces derniers aiment ça tant mieux, mais si ce n'est pas le cas, c'est dangereux "

Mais il n’est pas non plus nécessaire de tout partager, tout le temps. Pour vivre nos passions, nous avons besoin de liberté, d’espace, pour les vivre seul ou avec d'autres passionnés, qui n’iront pas vous contrarier avec leurs remarques, leurs questions, ou leur ennui manifeste. Idem, si vous sacrifiez tout pour la passion de l’autre, le risque est de vous lasser non seulement de la passion, mais aussi de l’autre. "Accepter la passion de l’autre ne veut pas dire passer son temps à la vivre. Sinon, on s’oublie, on perd sa personnalité. L’enjeu réside davantage dans la communication autour de la passion, plus que dans le temps passé à la vivre ensemble", résume Stéphanie Hahusseau.

Proposez à vos enfants de partager... sans jamais les contraindre 

Lorsque l’on a une passion chevillée au corps, qu’elle donne tant de sens à notre existence, la tentation est grande de vouloir la transmettre à nos enfants… ou même de vouloir faire d’eux ce que l’on a jamais su devenir : une star du foot, un virtuose de la musique, un jockey hors pair… "Beaucoup d'adultes vivent leurs rêves à travers leurs enfants. Si ces derniers aiment ça tant mieux, mais si ce n'est pas le cas, c'est dangereux", alerte la psychothérapeute Florence Beuken dans Madame Le Figaro. Car l’enfant n’osera pas toujours dire "non" à ses parents. Et il peut passer toute sa jeunesse à faire quelque chose qu’il n’aime pas, voire qui le fait souffrir.

Pourtant, "une passion partagée peut faire vivre la relation parent-enfant", nuance Florence Beuken. En effet, à travers une même passion, parents et enfants peuvent se nourrir l’un l’autre, et nouer des liens hors pair. La clé ? Ne jamais rien imposer, proposer en douceur, et porter une attention continue à la réaction de l’enfant. Si la passion n’est pas proposée sous la contrainte, il osera davantage dire qu’il n’aime pas, surtout si vous lui posez des questions (Tu as ressentis quoi ? Tu prends du plaisir ? Tu as le sentiment de progresser ? Tu te vois faire ça l’année prochaine ? etc.). Dans le cas où la passion n’est pas partagée, le parent devra apprendre à l’accepter. Et aider son enfant à trouver la sienne.