L'Académie Française à la lettre

© REUTERS
  • Copié
Adrien Oster , modifié à
Un livre rassemble une centaine de lettres de candidats à un fauteuil sous la Coupole.

Il y a les lettres d’amour, les lettres perdues ou les lettres de trop, il y a aussi les Lettres à l’Académie Française, de Christophe Carlier, parues en février aux éditions Les Arènes.

Christophe Carlier accompagne la centaine de lettres qu’il a rassemblées (parmi les 3000 conservées aux archives de l’Institut de France) de commentaires éclairés – il a travaillé dix ans au service du dictionnaire de l’Académie Française – et de reproductions des lettres originales.

Officiellement, chacun peut intégrer l’Académie Française. Les Immortels, le surnom des Académiciens, sont élus à vie, ils ne désignent leurs nouveaux membres qu’au décès d’un des leurs. On parle alors de fauteuil vacant.

Pour faire acte de candidature, un courrier suffit. Un usage "aussi vieux que l’Académie française" impose en effet à tout candidat d’écrire au Secrétaire perpétuel pour formuler sa demande. Bossuet, Voltaire, Tocqueville ou Lévi-Strauss, les Académiciens ont tous pris la plume pour briguer un siège sous la coupole.

Simple formalité pour certains, décisive pour d’autres, la lettre de candidature à l’Académie Française est un exercice de style éminemment stratégique. Les lettres rassemblées par Christophe Carlier forment à la fois "une chronique de la vie littéraire, un manuel d’éloquence et une galerie d’autoportraits".

On y trouve des candidats modestes, Charles Nodier, élu en 1883, prvilégie la simplicité : "Je verrais sans peine, cependant, l’Académie fixer son choix sur un plus digne aspirant ; cela n’est probablement pas difficile". Des nonchalants, comme Louis Pasteur en 1881, le scientifique se contente de deux phrases et d’une formule de politesse. Ou des acharnés, entre 1955 et 1978, le Vicomte de Venel envoie une trentaine de lettres de candidature. Il ne sera jamais élu à l’Académie Française.

D’autres figures de la littérature française, autrement plus illustres que le malheureux Vicomte, ont également essuyé le refus des Immortels. Molière, Pascal, Rousseau, Diderot, Balzac, Flaubert, Stendhal, Maupassant, Baudelaire, Zola, ou Proust, la liste est longue. On retiendra la fin de non-recevoir donnée à la candidature d’Alexandre Dumas père en 1840, l’Académie lui préférant son fils, élu 34 ans plus tard.

Ces lettres disent également beaucoup à propos de l’histoire de l’Institution crée par le cardinal de Richelieu en 1635. La candidature de Françoise Parturier en 1971 est la première où apparaît le mot "féministe". La romancière ne sera pas reçue mais préparera les esprits à l’élection de Marguerite Yourcenar, première femme à intégrer l’Académie Française, en 1980.