Ces éditeurs qui courtisent les blogueurs

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Livres offerts en échange de "critiques" : le web s’agite en cette rentrée littéraire 2010.

C’est Noël avant Noël. Pour certains blogueurs spécialisés, la rentrée littéraire 2010 se traduit par une boîte aux lettres, non-virtuelle, bien remplie. Car les maisons d’édition sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers les blogueurs, hésitant de moins en moins à leur envoyer des romans en avant-première. Un "cadeau" empoisonné ?

Alexandra est une jeune professeure de lettres de 33 ans qui lit par "gourmandise". Elle a envoyé un seul mail à une maison d’édition. C’était il y a deux ans, alors qu’elle se lançait dans l’aventure du blog littéraire. Cette année, sans rien demander, elle a déjà reçu une petite quinzaine de livres.

"Voici notre catalogue, choisissez"

A chaque maison d’édition, sa stratégie, raconte Alexandra. Certaines donnent le choix, proposant : "voici notre catalogue, choisissez un livre". D’autres prennent le temps de nouer une relation et orientent les blogueurs sur le mode : "ça, ça devrait vous plaire". Les dernières arrosent et pratiquent "les envois massifs". "Dommage", estime la jeune femme.

En bonus, dans les colis envoyés aux blogueurs, se trouve souvent un cadeau surprise : un engagement à envoyer leur billet à la maison d’édition, avant publication. Un contrôle qu’Alexandra a toujours refusé. "Je ne vais pas cracher dans la soupe" mais "je ne voudrais pas me dire que la maison d’édition m’a achetée", argumente-t-elle.

Au Diable Vauvert, une jeune maison d’édition qui fête ses 10 ans, Anne Vaudoyer assure, de son côté, ne s’autoriser "aucun droit de regard" sur les posts des blogueurs. L’attachée de presse préfère leur reconnaître "une fraîcheur" que n’auraient plus les journalistes. Surtout, argumente-t-elle, le blog est un bon partenaire parce qu’il est extensible à l’infini. Un ouvrage qui n’aurait pas l’honneur d’une pleine page dans un journal y trouvera sans difficulté sa place.

Comment fonctionne cette "blogosphère" ?

D’où une tentation, celle du "post à moindre frais", qui peut se transformer en piège. "Certains blogueurs prennent le service de presse comme un distributeur de cadeaux. Ils se sentent considérés, ils n’ont pas envie de décevoir, alors ils font un ‘petit’ article", s’inquiète Abeline Majorel. Cette amoureuse des lettres coordonne le travail de plusieurs blogueurs pour Chroniquesdelarentréelittéraire.com et déplore une "course à la lecture, une course à la publication".

Face à ces blogueurs boulimiques, parfois difficilement repérables sur la toile et dont l'influence réelle reste à mesurer, les maisons d’édition restent, elles, très mal armées. Anne Vaudoyer explique s’appuyer sur le moteur de recherche Google pour connaître les blogs les plus visibles. Mais Abeline Majorel assure de son côté que la plupart des maisons d’édition ont "une méconnaissance absolue de la blogosphère". Et de se souvenir de cette attachée de presse censée avoir été formée spécialement pour le web et qui au premier rendez-vous découvrait… Facebook. Il reste 12 mois pour se préparer avant la rentrée littéraire 2011.