Le flop du titre-restaurant dématérialisé

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Olivier Samain et , modifié à
CONSO - Un an après sa mise en circulation, la version numérique du "chèque resto" peine à s’imposer.

C'était l'une des mesures-phare du "choc de simplification" présenté en 2014 par le gouvernement : la possibilité pour les salariés d'utiliser une carte pré-payée à puce pour payer leurs repas et une partie de leurs achats alimentaires, à la place des traditionnels titres-restaurant "papier". Mais un an jour pour jour après sa mise en circulation, le constat est plus que mitigé : à peine plus de 3% des titres-restaurant en circulation sont dématérialisés. Il faut dire que leur version papier permet des usages détournés devenus impossible avec la version numérique.

Un système censé être plus simple. Ticket restaurant, Chèque déjeuner, Chèque restaurant, Chèque de table, etc. : le marché du titre-restaurant est utilisé par 3,5 millions de salariés et représente pas moins de 5 milliards d’euros par an en France. Mais leur version papier est devenue un véritable casse-tête pour les restaurateurs : démarches administratives, frais de commission, délais avant d’être payé, etc. Sans oublier les opérations mathématiques pour l’usager, obligé de calculer au plus juste pour que le montant de la facture corresponde à la valeur de ses titres-restaurant. Le 2 avril 2014, une version dématérialisée (carte à puce ou application sur smartphone) faisait donc son apparition et les commerçants se sont tous équipés de lecteurs de carte. Sauf qu’un an après, rares sont les consommateurs à s’y être convertis.

Mais qui met fin aux petit arrangements. Si les consommateurs rechignent à utiliser la version dématérialisée du titre-restaurant, c’est surtout parce qu’elle offre bien moins de liberté que la version papier. Certains s’en servaient pour se payer un bon restaurant le dimanche alors que c’est interdit, d’autres l’utilisaient pour payer des petits services, pour le donner à leurs proches ou encore pour faire des courses pas vraiment alimentaires. Bref, le principe du coup de pouce de l'employeur pour la pause repas était dévoyé.

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© ERIC PIERMONT/AFP

"Cette petite dérive d’utilisation chez les commerçants, ce n’est plus possible avec la carte", confirme Serge Ragozin, patron de Monéo, le leader du secteur du titre restaurant dématérialisé. "Et pourtant les avantages pour les salariés sont très importants : contrairement au papier, on peut payer au centime près, alors que lorsque vous avez un ticket le commerçant ne peut pas vous rendre la monnaie. Et puis si vous perdez votre carnet, si vous le laissez dans la machine à laver : le carnet est perdu. Avec la carte, vous faites opposition, nous vous envoyons une nouvelle carte et dès la première utilisation vous retrouvez le solde que vous aviez avant la perte", poursuit-il.

Des avantages visiblement pas suffisants pour convaincre les utilisateurs, mais aussi les employeurs : au nom d'une forme de paix sociale, beaucoup ont renoncé à bousculer les habitudes de leurs salariés.

La solution radicale envisagée : interdire la version papier. Le point de bascule est donc loin d’être franchi mais les partisans de la dématérialisation continuent leur lobbying et ont une solution : prévoir par la loi l'interdiction pure et simple des titres-papier, à compter, par exemple, du 1er janvier 2016. Le sénateur UMP de la Somme, Stéphane Bignon, a ainsi proposé un amendement à la loi Macron. Son texte a été rejeté en commission mais il compte remettre le couvert en séance.