Filtrage : avertissement pour Hadopi

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Jean-Louis Dell'oro , modifié à
Une décision de la Cour de justice européenne interdit le filtrage généralisé d'Internet.

L'esprit de la loi Hadopi vient de subir un rude coup. Le 24 novembre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé illégal le filtrage généralisé d'Internet par les fournisseurs d'accès à Internet. Quelles sont les conséquences pour la loi Hadopi en France et son éventuel renforcement ? Europe1.fr fait le point.

Sur quoi la justice européenne se prononçait-elle ? La CJUE devait trancher une affaire opposant une société belge qui collecte les droits d'auteurs, la Sabam (sorte de Sacem belge), et un fournisseur d'accès à Internet : Scarlet Extended. En 2004, la Sabam avait demandé à la justice belge d'obliger le fournisseur d'accès à Internet (FAI) à bloquer tous les échanges d'œuvres illégalement téléchargées qui transitent par son réseau.

Quelles sont les conclusions de la Cour ? Dans son arrêt du 24 novembre, la Cour de justice européenne rappelle qu'une directive européenne sur le commerce en ligne proscrit "des mesures qui obligeraient un fournisseur d'accès à Internet à procéder à une surveillance générale des informations qu'il transmet sur son réseau".

Bloquer de façon préventive les échanges entre internautes reviendrait en effet à instaurer un système de filtrage généralisé attentatoire aux libertés individuelles. De telles mesures restreindraient abusivement la liberté d'expression et les droits fondamentaux des citoyens.

Quel est le danger du filtrage généralisé ? Il existe un risque de bloquer aveuglément tous les sites Internet qui proposent des œuvres illicites, alors qu'ils peuvent également proposer des œuvres autorisées par leurs auteurs. Il y aussi un risque de censure infondée. Sans parler de la gestion des données privées des internautes ou du pouvoir abusif de sanctionner tel ou tel internaute sans aucune décision de justice. En avril dernier, l'Allemagne a ainsi renoncé au filtrage d'Internet au profit d'une suppression des données à la source.

Quelle est la conséquence pour les ayants droits ? Les ayants droits n'ont pas tous les droits. En tout cas pas plus que les citoyens ordinaires. La justice européenne, si elle reconnaît le droit d'auteur, estime que celui-ci ne doit pas prendre le pas sur les autres droits des citoyens.

"En adoptant l’injonction obligeant le FAI à mettre en place le système de filtrage litigieux, la juridiction nationale concernée ne respecterait pas l’exigence d’assurer un juste équilibre entre le droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, d’autre part", précise la Cour.

Que prévoit la loi Hadopi ? La législation française autorise les ayants droits à réclamer des comptes au cas par cas à la justice pour sanctionner les internautes. Dans les faits, les ayants droits font appel à des sociétés spécialisées. Ces dernières, qui ont reçu une autorisation spéciale de l'Etat, peuvent alors rechercher sur le web les internautes qui sont dans l'illégalité.

Que va changer la décision de la Cour en France ? D'après le site spécialisé ZDnet, cet arrêt "pourrait interdire tout déploiement de système de DPI". Le DPI ou "deep packet inspection" est une technique qui permet d'observer à la loupe les paquets de données échangées sur le réseau des réseaux.

Cet arrêt tombe mal pour le gouvernement qui souhaite justement renforcer la surveillance d'Internet en musclant la loi Hadopi. D'ailleurs, la Haute autorité qui surveille le web vient d'être saisie de la question du "streaming", autrement dit du fait de regarder des vidéos visibles directement en ligne sans avoir besoin de les télécharger. Avec cet arrêt, la marge de manœuvre de l'Etat est considérablement réduite.

En revanche, les demandes qui ne visent qu'un site en particulier, comme la récente fermeture de Copwatch, restent valides.