Pourquoi Sarkozy gêne l’UMP

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DÉCRYPTAGE - Le principal parti d’opposition a beau tout essayer, seul l’ancien président fait parler de lui.

Il a promis qu’il ne parlerait plus, pas qu’il ne ferait plus parler. Depuis ses bureaux de la rue Mirosmenil, où il se prépare de moins en moins discrètement à son éventuel retour, Nicolas Sarkozy continue de monopoliser l’attention de la droite républicaine. Et quoique fasse l’UMP, c’est toujours lui qui revient au centre des discussions. Pour le meilleur et pour le pire.

Il éclipse les efforts de fond de l’UMP. Depuis la victoire de François Hollande le 6 mai 2012, le principal parti d’opposition s’est davantage distingué par ses querelles intestines que par sa production d’idées programmatiques. Pour en finir avec cette impression de n’être qu’une écurie de candidats potentiels à la présidence, l’UMP organise mercredi un séminaire sur son futur projet économique et social.

Mais déjà, l’ombre de Nicolas Sarkozy plane sur ce moment censé montrer une image d’unité. Les mesures qui seront mises sur la table seront ainsi analysées au prisme sarkozyste. L’abrogation des 35 heures sera mise sur la table, comme la baisse massive de la dépense publique ou la réduction de la durée d’indemnisation du chômage. Des mesures proposées au candidat Sarkozy, qui les avaient alors repoussées. En actant certaines propositions, les ténors de l’UMP pourraient ainsi prendre le contre-pied de l’ancien président. Ou marcher dans ses pas. Les commentateurs commenteront.

Les médias ne parlent que de lui. Les journalistes manquent à Nicolas Sarkozy. S’il a décidé de s’astreindre à une cure de silence médiatique après sa défaite, l’ancien président recommence à recevoir les plumitifs de la place de Paris. Et quand Nicolas Sarkozy consent à lâcher quelques mots, il fait la Une des journaux le lendemain. Quand Le Point se fait l’écho des derniers propos du reclus de la rue Mirosmenil - "la question n’est pas de savoir si je veux ou ne veux pas revenir. Je ne peux pas ne pas revenir. Je n’ai pas le choix. C’est une fatalité" - le microcosme ne parle plus que de ça.

Les ténors de l’UMP, eux, sont contraints de faire l’exégèse de la parole sarkozyste, pour en minorer la portée… ou l’inverse. Qualifié "d'Harlem Désir de droite" par Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé a éludé, assurant tout de même qu’il "dirait [à l’ancien président, Ndlr] que je suis persuadé que les horreurs que j'ai pu lire dans les journaux, qui lui sont attribuées, ne sont pas vraies." Le patron de l’UMP a également dû démentir la rumeur selon laquelle Nadine Morano devait sa future investiture comme tête de liste aux européennes à la seule volonté de Nicolas Sarkozy. Et quand Le Nouvel observateur croit savoir que Nicolas Sarkozy envisagerait la création d’un autre parti, Copé fulmine : "c'est totalement faux, vraiment totalement, totalement bidon, d'ailleurs ce serait inimaginable !".

copé et fillon

Il empêche l’émergence d’un autre leadership. Qu’il est compliqué de passer derrière l’hyperactif Nicolas Sarkozy… Depuis sa conquête à la hussarde de l’UMP, Jean-François Copé peine à assumer son rôle de patron de l’UMP. La faute d’abord à des sondages qui font de lui l’un des plus impopulaires de son camp. La faute à une famille politique qui, pour partie - appelons-les les fillonistes -, ne lui a pas pardonné l’exercice démocratique interne raté, et qui s’emploie à lui savonner la planche à la moindre occasion. La faute aussi, et surtout, à la figure tutélaire que représente Nicolas Sarkozy pour le peuple de droite.

Les plus sarkozystes vont ainsi jusqu’à souhaiter que leur champion passe outre la primaire prévue par les statuts de l’UMP. Parce qu’il est ancien président, parce qu’il est le plus populaire et parce qu’il est Nicolas Sarkozy, tout simplement. Pas vraiment au goût de tous, surtout chez ceux qui plaident pour le renouvellement, comme Xavier Bertrand : "s'il veut revenir sur son engagement de ne plus être candidat, c'est son droit, et dans ces conditions-là il y aura un débat dans le cadre des primaires", a ainsi déclaré dimanche dernier l’ancien ministre du Travail lors du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI

Les sondages n’en ont que pour lui. En politique, les absents ont toujours raison. Alain Juppé, longtemps mis de côté par le peuple de droite, ne dira pas le contraire, lui qui a pris du recul et est ainsi devenu la personnalité politique préférée des Français en septembre dernier. Nicolas Sarkozy en est aussi une illustration flagrante. Battu parce que les Français ne voulaient plus de lui, il est aujourd’hui plébiscité par toutes les enquêtes d’opinion.
 
Selon un sondage Ifop pour Le Figaro paru la semaine dernière, 71% des sympathisants UMP souhaitent que Nicolas Sarkozy soit le candidat du parti à l'élection présidentielle, contre 15% pour Alain Juppé et 7% pour François Fillon. Et si la présidentielle se rejouait demain, Nicolas Sarkozy obtiendrait 46% contre 27% pour François Hollande.

sarkozy et gueant

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 Ses amis alimentent la chronique judiciaire. Certes, Nicolas Sarkozy a été blanchi dans l’affaire Bettencourt. Mais l’ancien président est encore sous la menace des affaires Karachi et Tapie. Et quand ce n’est pas lui qui truste les pages judiciaires des journaux, ses amis prennent sa place. Ainsi son fidèle Claude Guéant a-t-il été placé en garde à vue et longuement entendu cette semaine dans le cadre d’une enquête pour détournement de fonds publics. L'ancien ministre de l'Intérieur est suspecté d’avoir touché des primes en liquide. Michel Gaudin, l'ex-directeur général de la police et membre du premier cercle de Nicolas Sarkozy, dont il est toujours le directeur de cabinet, a lui aussi été entendu. Ce qui fait dire aux amis de Nicolas Sarkozy que la justice est instrumentalisée par l’actuelle majorité pour salir celui qu’elle craint d’affronter demain. Et on en revient toujours à Nicolas Sarkozy…