Un poème de Günter Grass suscite un tollé

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Solène Cordier avec agences
"Minable", "éternel antisémite" font partie des qualificatifs lancés contre le Nobel de littérature.

La polémique enfle depuis mercredi, date à laquelle le prix Nobel de littérature allemand Günter Grass a publié dans la presse un poème intitulé "Ce qui doit être dit", où il dénonce la politique israélienne vis-à-vis de l'Iran.

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L'auteur du Tambour évoque dans ce texte une possible “extinction du peuple iranien” et demande notamment que l'Allemagne ne livre plus de sous-marins à Israël. Il écrit que la puissance nucléaire israélienne est “un danger pour la paix fragile dans le monde”, tandis que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad est qualifié de simple “grande gueule”.

Le silence de l'Occident dénoncé

Dans ce texte en neuf strophes, qui s'apparente plus à un pamphlet qu'à une œuvre poétique, l'écrivain dénonce en outre "l'hypocrisie de l'Occident" qui se tait face à cette menace.

Günter Grass explique cette attitude par la peur d'être taxé d'antisémitisme :

"Le silence général sur cet état de fait
silence auquel s'est soumis mon propre silence,
pèse sur moi comme un mensonge
une contrainte qui s'exerce sous peine de sanction
en cas de transgression ;
le verdict d'"antisémitisme" est courant."

"Minable"

Paru simultanément dans de grands quotidiens du monde entier comme leSüddeutsche Zeitung, La Reppublica, El Paiset leNew York Times, ce texte a provoqué un tollé, notamment en Israël.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a choisi d'y répondre lui aussi par un poème, dans lequel il écrit que "la comparaison honteuse de Günter Grass entre Israël et l'Iran, un régime qui nie l'Holocauste et menace d'anéantir Israël, en dit bien plus sur M. Grass que sur Israël".

Quant au porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, il a déclaré que "ce passage de Günter Grass de la fiction à la science-fiction est de très mauvais goût, son poème est minable et manque totalement de grâce".

"Plus pathétique qu'antisémite"

La presse israélienne, de gauche comme de droite, a condamné la publication du poème.

Pour l'historien Tom Segev, l'écrivain allemand était "plus pathétique qu'antisémite". "La comparaison entre Israël et l'Iran est injuste car contrairement à l'Iran, Israël n'a jamais menacé d'effacer de la carte un autre pays", ajoute Tom Segev dans le Haaretz, quotidien marqué à gauche.

Dans le quotidien de centre-droit Maariv, le commentateur Shai Golden estime de son côté que ces déclarations "n'attestent pas forcément d'un antisémitisme mais du refus de Günter Grass d'assumer sa responsabilité pour ses crimes historiques".

"Je suis d'accord avec presque tout ce qu'il a dit. Mais il n'a tout simplement pas le droit moral et historique de le dire", estime le commentateur, invoquant "la trahison du principe de l'expiation auquel chaque Allemand doit s'engager pour toujours en parlant d'Israël et des juifs".

Grass dénonce une campagne

En Allemagne, le quotidien berlinois Die Welt titrait en Une mercredi "Günter Grass, l'éternel antisémite". D'autres commentateurs se sont interrogés sur la sénilité de l'écrivain âgé de 84 ans.

Günter Grass a répondu jeudi à ces attaques dans des interviews télévisées. Il dénonce une campagne de dénigrement visant à détruire sa réputation, admettant toutefois qu'il aurait dû évoquer dans son texte le "gouvernement actuel d'Israël" plutôt qu'"Israël" en général.

Connu pour ses positions de gauche, Günter Grass avait reconnu en 2006 avoir fait partie des Waffen SS dans sa jeunesse.