Génocide arménien : la France isolée ?

Le texte prévoit un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende pour toute personne niant publiquement le génocide.
Le texte prévoit un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende pour toute personne niant publiquement le génocide. © Reuters
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Charles Carrasco , modifié à
DÉCRYPTAGE – Plusieurs pays ont reconnu le génocide mais peu l'ont inscrit dans la loi.

La question du génocide arménien est restée très longtemps taboue. Jeudi, la France a fait un grand pas pour sa reconnaissance en inscrivant dans "le marbre" de la loi la pénalisation des génocides, dont celui de l'Arménie. Ce texte prévoit un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende pour toute personne niant publiquement l’un des deux génocides reconnu par la loi française. Jusqu’à présent, seule la négation du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale était punie par la loi. Si cette loi a déclenché une levée de boucliers en Turquie, la France est loin d'être le seul pays à avoir reconnu le génocide. Par contre, c'est l'un des seuls à le pénaliser. 

Ceux qui l'ont reconnu. Officiellement, l'Uruguay a été le premier pays à reconnaître le génocide arménien en 1965, suivi dans les années 80 par Chypre. La véritable prise en compte du génocide arménien n'est apparue réellement qu'en 1987. Le Parlement européen  et le Conseil de l'Europe reconnaissent conjointement le génocide qui a eu lieu entre avril 1915 et juillet 1916 et qui a coûté la vie à plus d'un million d'Arméniens.

Deux autres puissances mondiales se sont également prononcées sur les massacres perpétrés sur le peuple arménien : la Chambre des représentants des Etats-Unis en 1984 et la Douma russe en 1995. Toutes les deux ont reconnu le caractère de "génocide".

Depuis, la Suède, le Liban , le Vatican, l'Argentine ou bien encore le Canada ont reconnu le génocide arménien. Le Bundestag allemand a accepté une résolution condamnant les massacres mais ne reconnaît pas le "génocide" tout comme la Grande-Bretagne.

Ceux qui le pénalisent. Deux pays ont voté la pénalisation de la négation du génocide arménien. En Suisse, c'est "l'affaire Perincek" qui a fait jurisprudence. A plusieurs reprises, Dogu Perincek, le président du parti des travailleurs de Turquie, a nié publiquement le génocide arménien lors de plusieurs déplacements en Suisse. En 2007, il a été condamné par le tribunal fédéral suisse. C'est une première mondiale. : le tribunal a considéré que la négation du génocide constitue une menace pour l'identité du peuple arménien.

En 2011, la Slovaquie a également voté un projet de loi criminalisant la négation du génocide. Dès 2009, le ministre de la Justice, Stefan Harabin avait annoncé qu'il préparait une modification de la loi punissant ceux qui nient l'Holocauste juif, en l'étendant au génocide arménien. Désormais, ce délit est puni de cinq ans d'emprisonnement.

Ceux qui ne l'ont pas encore reconnu. La Turquie, où la question est toujours très sensible, refuse toujours de reconnaître le génocide. Certains députés UMP, comme Renaud Muselier, parle de "négationnisme d'Etat". Toujours est-il que le débat sur la reconnaissance du génocide arménien est lancé dans plusieurs pays. C'est le cas en Israël où la gauche laïque fait pression pour promouvoir une motion à l'Assemblée. Le président de la "Knesset", Reuven Rivlin, a annoncé qu’une discussion sur cette question se tiendra le 27 décembre prochain. Mais les négociations ont peu de chances d'aboutir car le gouvernement a précisé ne pas vouloir nuire à leur partenariat stratégique avec l'Azerbaïdjan, un fidèle allié de la Turquie.