Egypte : les chrétiens dans la crainte de représailles

Selon l'ONG Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), depuis mercredi au moins 25 églises ont été incendiées et des attaques ont visé de nombreuses écoles, maisons et échoppes coptes dans 10 des 27 provinces d'Egypte.
Selon l'ONG Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), depuis mercredi au moins 25 églises ont été incendiées et des attaques ont visé de nombreuses écoles, maisons et échoppes coptes dans 10 des 27 provinces d'Egypte. © Reuters
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Charles Carrasco , modifié à
Des églises coptes ont été incendiées. Les Frères musulmans les accusent d’avoir soutenu la destitution de Morsi.

L’INFO. Villes "fantômes", familles "effrayées" : après deux jours d'attaques islamistes contre des églises et des familles coptes, les chrétiens d’Egypte vivent dans la peur d'une "guerre de représailles" après l'assaut sanglant des forces de l'ordre contre les partisans de Mohamed Morsi qui ont fait plus de 500 morts selon le dernier bilan. La communauté copte, qui représente 10% des habitants du pays, est régulièrement la cible des islamistes.

Des assaillants pro-Morsi. "Les gens sont effrayés, personne n'ose sortir", raconte à l'Agence France Presse, Marco, un ingénieur de 27 ans vivant à Sohag, dans le centre du pays. Depuis mercredi soir, sa ville n'est plus qu'un "paysage de désolation", une "ville fantôme" où les assaillants "savaient où vivaient les coptes" et ont incendié plusieurs églises avant de s'en prendre aux maisons. Des magasins auraient également été pillés. Les assaillants étaient, selon lui, "des gens qui scandaient des slogans pro-Morsi et portaient des bandeaux portant l'inscription ‘Frères musulmans’ autour du front".

Tawadros II egypte 930

© Max PPP

Au moins 25 églises incendiées. Après la dispersion sanglante de manifestations pro-Morsi par la police et l'armée au Caire mercredi, une série d'attaques a visé la communauté copte. Le Maspero Youth Union, un mouvement copte de la jeunesse, a aussitôt dénoncé une "guerre de représailles" contre cette minorité, parce que son patriarche Tawadros II avait soutenu l'armée lors de la destitution et l'arrestation de Mohamed Morsi le 3 juillet. Les coptes sont attaqués "sans raison et sans qu'ils n'aient commis aucun crime, excepté celui d'être chrétiens dans un pays dont l'une des factions politiques mène une guerre religieuse", affirme ce mouvement. Avant même le coup de force des militaires et les violences qui ont suivi, les Frères musulmans accusaient régulièrement les coptes de soutenir l'ancien régime de Hosni Moubarak, tombé début 2011.

Selon l'ONG Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), depuis mercredi au moins 25 églises ont été incendiées et des attaques ont visé de nombreuses écoles, maisons et échoppes coptes dans 10 des 27 provinces d’Egypte.

Egypte, Hazem el Beblaoui /al-Beblawi, Premier ministre

© REUTERS

Une "ligne rouge" pour le gouvernement. Après ces attaques, le gouvernement d’intérim a immédiatement haussé le ton. Il a affirmé que les attaques contre une communauté religieuse étaient une "ligne rouge" à ne pas franchir, assurant qu'il "répondrait avec fermeté" à toute nouvelle tentative. Peu après, le ministère de la Défense, tenu par le nouvel homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi, promettait de reconstruire à ses frais les églises détruites. Dans la matinée, le Premier ministre a annoncé avoir rencontré Tawadros II pour lui témoigner sa "solidarité", alors que les autorités multiplient les déclarations sur les agressions contre les chrétiens, en faisant porter la responsabilité aux Frères musulmans.

En outre, plus de 80 partisans de Morsi, dont des membres des Frères musulmans, seront déférés devant un tribunal militaire pour répondre notamment d'incendies d'églises lors d'affrontements mercredi à Suez, rapporte l'agence officielle Mena. Le porte-parole de la confrérie, Gehad al-Haddad, a accusé les autorités de "créer des violences confessionnelles comme l'avait fait Moubarak avant de tomber".

Un manque de forces de l’ordre. Mais les annonces gouvernementales sont loin de convaincre sur le terrain. "L'Etat doit intervenir pour protéger la population. Il faut des actions concrètes après les grands discours", lance Ishak Ibrahim, en charge des questions religieuses au sein de l'EIPR. S'il note un "discours haineux" à l'encontre des chrétiens dans tout le pays, habituellement plutôt de la part des salafistes que des Frères musulmans, il souligne que la plupart des attaques ont eu lieu hors des grandes villes, où les forces de l'ordre sont peu présentes.