Catastrophe ferroviaire en Espagne : "aucun problème opérationnel"

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et Mélanie Taravant , modifié à
Le conducteur du train accidenté en Espagne a reconnu qu'il roulait bien au dessus des vitesses réglementaires.

Un excès de vitesse à l'origine de l'accident ferroviaire de Saint-Jacques-de-Compostelle ? C'est du moins la piste privilégiée par les enquêteurs espagnols. La presse espagnole pointe elle aussi du doigt une vitesse excessive sur un tronçon limité à 80 kilomètres/heure. Toutefois, aucune cause officielle n'a été communiquée pour expliquer le déraillement du train, qui a fait au moins 78 morts mercredi soir. Europe1.fr résume les différentes pistes évoquées.

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La piste de l'acte de malveillance écartée. Dans un pays encore marqué par les attentats de 2004 à Madrid, l'hypothèse terroriste a toutefois été rapidement écartée par les autorités espagnoles. "Cela a été un déraillement très violent. (…) Nous n'avons aucun indice permettant de parler d'autre chose" que d'un accident, a déclaré le préfet de Galice, Samuel Juarez, interrogé par la radio Cadena Ser. Des propos confirmés par la police locale qui assure qu'aucun élément matériel ne permet d'accréditer la thèse d'un attentat.

"Pas de problème opérationnel". Le train "n'a eu aucun problème opérationnel" et venait de passer une révision technique le matin même, a affirmé jeudi le président de la compagnie ferroviaire publique Renfe. "Ce que nous savons, c'est que le train n'a eu aucun problème opérationnel, le train avait passé une révision le matin même", a déclaré Julio Gómez-Pomar Rodríguez, interrogé par la radio privée Cadena Cope.

25.07 déraillement Compostelle nuit

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Une vitesse excessive. Le conducteur l'a lui-même reconnu. Joint par les autorités de la compagnie ferroviaire Renfe, alors qu'il était piégé dans un wagon juste après l'accident, l'un des conducteurs du train qui transportait 222 personnes, a reconnu qu'il circulait bien au dessus des vitesses réglementaires. "Nous sommes des êtres humains ! Nous sommes des êtres humains ! (…) J'espère qu'il n'y a pas de mort parce que je les aurais sur ma conscience", s'est-il exclamé sur le canal interne de la radio de Renfe, selon El Pais. Selon ses propres aveux, le conducteur circulait à une vitesse de 190 km/h, au lieu des 80km/h réglementaires.

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Une sortie de route liée à un virage très courbée. Le train accidenté, un alvia capable d'atteindre 250 km/h, circulait sur une ligne de grande vitesse. Et le déraillement s'est déroulé au niveau d'un virage avec une courbe très prononcée, à hauteur à environ quatre kilomètres de la gare de Saint-Jacques de Compostelle, la ville de pèlerinage mondialement célèbre. "D'habitude, les trains vont très lentement dans cette zone, je ne comprends pas pourquoi celui-là roulait si vite", a commenté un riverain au micro d'Europe 1.

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"Il semble que dans un virage le train ait commencé à se retourner, nous avons fait beaucoup de tonneaux et plusieurs wagons se sont empilés les uns sur les autres", a raconté un passager, cité par la radio Cadena Ser. Selon les spécialistes, il s'agirait donc d'une sortie de route, similaire à ce qu'il se produit avec les voitures qui négocient mal un virage à cause d'une vitesse trop élevée.

Mais un porte-parole de la compagnie ferroviaire a jugé "très aventureux" d'attribuer l'accident à un excès de vitesse, rapporte Le Figaro. Même son de cloche du côté d'Adif, l'équivalent des Réseaux ferrés de France (RFF) en Espagne, pour qui la seule vitesse ne peut pas expliquer la violence de ce choc et pour qui il pourrait y avoir d'autres causes. Deux enquêtes ont d'ores et déjà été ouvertes pour déterminer le scénario du drame. "Nous connaîtrons sous peu la vitesse quand nous analyserons les boîtes noires du train", a ajouté le porte-parole de Renfe.

25.07 Déraillement Compostelle Espagne

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Un problème de balise ? Les enquêteurs devront également déterminer comment le train a pu circuler si vite alors que les vitesses sont censées être extrêmement réglementées. "C'est la vitesse qui peut être mise en cause. Mais cette hypothèse soulève d'autres questions. Pourquoi le train roulait si vite à cet endroit ?", s'est interrogé sur Europe 1 Bernard Robin, cheminot, spécialiste de la sécurité ferroviaire, qui écarte d'emblée la piste du retard.

Un problème de balise pourrait toutefois expliquer ce manque de vigilance concernant la vitesse du conducteur. Quand un train dépasse la vitesse autorisée, des balises de vitesses se déclenchent. Il s'agit d'un système de contrôle qui envoie un signal sonore au conducteur pour l'avertir de son excès de vitesse. S'il ne réagit pas, le train est généralement stoppé automatiquement. "Dans certains cas, il y a des systèmes d'alerte qui veillent à ce que les conducteurs de train respectent bien les conditions de circulation : les signaux qui sont fermés, les feux rouges, les passages à vitesse réduite", précise Bernard Robin.

Dans le cas présent, aucune balise ne s'est déclenchée. Y-a-t-il eu une défaillance, ou même, une absence de balise ? Selon des cheminots contactés par Europe 1, l'Espagne a modernisé assez tard son réseau et il se peut donc que certains endroits ne soient pas équipés de ces balises de vitesse. "Ces systèmes-là n'agissent pas partout mais sur les lignes à grande vitesse, ils sont quasiment généralisés. Il n'est pas sûr que cette ligne en soit équipée", abonde le cheminot.

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Un réseau défaillant ? Contrairement à une idée reçue, le réseau ferré espagnol est l'un des plus modernes d'Europe. Il ne s'agit en effet pas du tout d'un réseau préhistorique, laissé à l'abandon. Au contraire, l'Espagne dénombre un grand nombre de lignes à grande vitesse. C'est d'ailleurs le cas de la ligne où s'est déroulé l'accident. Cette voie a été mise en service il y a deux ans et les trains qui l'empruntent sont des modèles très récents.

L'Espagne a toutefois mis du temps à moderniser son réseau et à se mettre aux normes européennes. Il a fallu par exemple adapter l'écartement des rails qui était différent ce ceux en Allemagne et en France. Mais, en dix ans, le pays a largement rattrapé son retard pour même finir par dépasser ses voisins européens. D'ailleurs, l'Espagne a connu très peu de catastrophes ferroviaires. La dernière remonte à 1972, où 77 personnes avaient été tuées dans le déraillement d'un train reliant Cadix à Séville.

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