Xavier Emmanuelli claque la porte du Samu social

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avec agences , modifié à
Le médecin dénonce le manque de moyens du service d'urgence qu'il avait créé en 1993.

C'était le combat de sa vie. Et pourtant, le docteur Xavier Emmanuelli jette l'éponge. A 72 ans, le fondateur du Samu social de Paris claque la porte face au manque de moyens qu'il dénonce. Dans un entretien à Charlie Hebdo, le Dr Emmanuelli explique que la situation budgétaire "n'est plus gérable".

Christophe Deltombe, président d'Emmaüs France, a qualifié mercredi matin sur Europe 1 la décision de Xavier Emmanuelli de "cri d'alarme parfaitement justifié". "Il y a manifestement une forme de désengagement des pouvoirs publics et de l'Etat dans ce domaine très particulier qui est l'accueil d'urgence", a-t-il ajouté.

"L’urgence sociale, personne n’y croit"

Ancien secrétaire d'Etat chargé de l'action humanitaire, Xavier Emmanuelli regrette le peu de soutien accordé par l'Etat à l'association qui vient en aide aux plus démunis dans la capitale. "L’urgence sociale, personne n’y croit", dit-il.

"C’est comme dans le dessin animé de Tex Avery, tout le monde se refile le bâton de dynamite avant qu’il pète. On est dans le 'c’est pas moi, c’est toi': c’est du ressort de l’État, non, c’est celui de la mairie. Ils se tirent dans les pattes, ils n’ont pas les mêmes objectifs, c’est à celui qui ne paiera pas ou, au contraire, qui se dira le plus généreux", poursuit le Dr Emmanuelli.

Une réduction des moyens

En mai dernier, l'Etat, qui finance le Samu social à 92%, avait annoncé une réduction drastique des moyens alloués à l'hébergement d'urgence. Le Samu social a vu le nombre de nuits financées en hébergement hôtelier amputé de 25%.

C'est en 1992, lors de consultations au Centre d'hébergement et d'assistance aux personnes sans abris de Nanterre dans les Hauts-de-Seine, que Xavier Emmanuelli avait eu l'idée d'appliquer aux problèmes sociaux les méthodes de "l'urgence" médicale. Avec l'aide de Jacques Chirac, alors maire de Paris, il avait créé le 22 novembre 1993 les premières "équipes mobiles d’aide" du Samu social de Paris, chargées d'"aller à la rencontre" des sans-abris.

"Un cri d'alarme" selon Aubry

La démission de Xavier Emmanuelli de la présidence du Samu social est "un cri d'alarme qui traduit la gravité de la situation de l'hébergement d'urgence en France", a estimé mardi la candidate à la primaire socialiste Martine Aubry.

"Si une personne comme Xavier Emmanuelli, qui a consacré sa vie à cet engagement, est poussée aujourd'hui à une telle extrémité, c'est que la situation est plus qu'alarmante", écrit-elle dans un communiqué. "Le désengagement de l'Etat décidé par ce gouvernement est inacceptable et "relève de la non-assistance à personnes en danger", a-t-elle ajouté.

Un avis partagé par le maire de Paris, Bertrand Delanoë. "Cette démission intervient dans un contexte difficile pour le Samu social, alors que le gouvernement a considérablement réduit les moyens dévolus à l'hébergement d'urgence", a-t-il écrit dans un communiqué. "Aujourd'hui, l'accueil des enfants, des femmes et des hommes sans abri, qui est de la pleine responsabilité de l'Etat, vit une crise sans précédent qui ne pourra que s'accentuer avec l'arrivée de l'hiver", estime-t-il.

Fillon "prend acte"

"Le Premier ministre a pris acte de la démission" de Xavier Emmanuelli, indique un communiqué de ses services, envoyé mercredi. "Il tient à lui rendre hommage pour son engagement déterminé au service des plus démunis et à le remercier pour l'action qu’il a menée à la tête du Samu social depuis dix-huit ans", ajoute Matignon. "Le Premier ministre rappelle que la situation des personnes sans abri constitue une préoccupation permanente du gouvernement et qu'il est, à titre personnel, très attentif aux difficultés rencontrées par ces personnes et à la situation du secteur du logement et de l'hébergement d'urgence", poursuit-on.