Sans-papiers : une brèche dans le droit

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Plana Radenovic , modifié à
Des juges ont empêché des centaines de sans-papiers d’être reconduits à la frontière.

Depuis le 24 décembre dernier, un vide dans le droit français a permis à des centaines d’étrangers en situation irrégulière d’éviter la reconduite à la frontière. Cause de ce vide juridique, la non-transposition en droit national de la directive européenne surnommée "retour". Pour intégrer cette directive dans son droit interne, la France avait jusqu'à la veille de Noël. Mais la transposition est incluse dans la loi "Besson" sur l’immigration, tout juste examinée au Sénat mardi, donc pas encore votée.

Jusqu'à l'adoption de cette loi, les avocats qui défendent les sans-papiers "peuvent invoquer directement" le texte européen, explique à Europe1.fr Serge Slama, expert au Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés). En effet, l’article 7 de la directive "retour" oblige les Vingt-Sept à laisser à tout immigré qui ferait l’objet d’une reconduite à la frontière un délai de 7 jours minimum pour organiser son départ, volontairement. Or, en France, les sans-papiers sont le plus souvent placés en rétention après leur arrestation, puis renvoyés à la frontière après jugement. Ce vice de procédure permet de contester le renvoi des sans-papiers à la frontière, et par conséquent de libérer des sans-papiers.

"Une traînée de poudre" dans toute la France

C’est "une traînée de poudre" qui se répand "dans toute la France", se réjouit Claire Rodier, présidente du Gisti. Une décision du tribunal administratif de Paris du 10 janvier a ouvert la brèche, permettant aux juridictions de Lille, Lyon et Rouen de se baser sur sa jurisprudence. Ainsi, une ressortissante chinoise a été libérée le 10 janvier, première d’une série de plusieurs centaines de sans-papiers.

Mais, si invoquer cette directive empêche les reconduites à la frontière, elle "ne favorise pas les régularisations", précise à Europe1.fr Sarah Stadler, avocate spécialisée en droit des étrangers.

Saisi du cas d’un sans-papiers chinois, le tribunal de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, a demandé l’avis du Conseil d’Etat avant de rendre sa décision.

En attendant, avec la remise en liberté de centaines de sans-papiers, 2011 démarre plutôt mal pour les préfectures, à qui l’Etat impose des objectifs chiffrés de quelque 20.000 reconduites à la frontière par an.