Paris : une note interne pour "évincer" les Roms

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avec AFP , modifié à
MALAISE - Une note au commissariat du VIe arrondissement préconise d'"évincer systématiquement" les Roms. Embarras.

La directive est illégale. Et pourtant, elle émane du commissariat du Vie arrondissement de Paris. Cette note interne préconise d'"évincer systématiquement" les Roms de l'arrondissement. Une directive, approuvée par le maire UMP de l'arrondissement, mais qui suscite un certain malaise auprès des fonctionnaires de police concernés.

>> Mise à jour le 15/04/14 à 15h10 : Dans un communiqué publié jeudi, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve a indiqué que "la consigne interne au commissariat du 6ème arrondissement de Paris publiée dans la presse ce matin a été rectifiée", sans toutefois préciser de quelle manière. D'autre part, le ministre "rappelle le principe selon lequel aucun contrôle de police ne peut être effectué en ciblant une personne en fonction d’une nationalité réelle ou supposée".

Que dit cette note interne ? Cette note demande "dès à présent et jusqu'à nouvel ordre pour les effectifs du VIè arrondissement, de jour et de nuit, de localiser les familles roms vivant dans la rue et de les évincer systématiquement". La présence des roms a massivement augmenté, ces deux derniers mois dans le VIe arrondissement de Paris. Selon le Secours catholiques, certains enfants, âgés de quelques mois, passent même la nuit dehors.

Qui a rédigé cette note ? C'est la préfecture de police qui a donné les directives au commissariat de police du Vie arrondissement. "Des instructions ont bien été passées au commissariat", confirme la préfecture de police de Paris qui reconnaît toutefois "une facilité de langage malheureuse. Le directeur de cabinet du préfet, Laurent Nunez, a mis les choses au point mardi matin. Selon lui, cette main-courante est tout simplement le fait d'un policier qui a mal retransmis les directives de la commissaire d'arrondissement. 

Comment se justifie la préfecture de police ? La préfecture de police assure que la solution privilégiée est bien celle de "l'aide sociale" et que les opérations de police se font "dans le cadre légal". L'idée serait ainsi de venir en aide aux enfants Roms en leur proposant un hébergement. "La situation d’illégalité, c'est celle des familles qui se maintiennent sur la voie publique avec des enfants en bas âge et qui les mettent en danger. Nous pensons notamment à une famille de quatre enfants, dont le dernier à quatre mois et l'avant-dernier un mois et demi. C'est pour cela que nous proposons des hébergements, mais jamais dans la contrainte", assure le cabinet du préfet.

Interrogé par Le Parisien, le maire de l'arrondissement, l'UMP Pierre Lecocq, a déclaré quant à lui n'être "pas choqué" par le ton de cette note. Le maire UMP se dit toutefois, lui aussi, "choqué de voir des familles de Roms dans la rue avec des enfants en bas âge". Ce qui pour lui, n'est "pas acceptable sur le plan humain et social".

Qu'en disent les fonctionnaires de police ? Du côté des policiers chargés d'appliquer cette directive, c'est l'embarras qui se fait ressentir. C'est donc sous couvert d'anonymat qu'un haut fonctionnaire de la préfecture de police dénonce "une consigne maladroite et inadmissible stigmatisant une population". Pour Jean-Pierre Colombies, délégué du syndicat de police Snop-SCSI, cette directive est sans utilité. "On chasse les Roms d'un endroit à un autre, d'un arrondissement à un autre, ça ne résout rien", déplore le syndicaliste des cadres de la sécurité intérieure, interrogé par Le Parisien.

Comment réagissent les défenseurs des Roms ? Pour l'association de défense des populations roms en France, La voix des Rom, une police "qui recense les roms sous prétexte de 'prochaines opérations d'éviction et d'assistance' n'est pas une police d'un État démocratique". "Il s'agit là de la mise en œuvre d'une politique réfléchie au plus haut niveau de l’État. Les déclarations de M. Valls alors qu'il était ministre de l'Intérieur l'expriment de manière claire" selon lesquelles les roms ne "souhaitent pas s'intégrer, pour des raisons culturelles ou parce qu'ils sont dans les mains de mafias", ajoute l'organisation dans un communiqué.