Les secrets de Laurent de Villiers

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Fabienne Cosnay , modifié à
Dans Tais-toi et pardonne, il revient sur sa plainte contre son frère, Guillaume, pour viol.

Laurent de Villiers ne sera probablement jamais confronté en justice à Guillaume de Villiers. Le cadet accuse l'aîné de l'avoir violé à plusieurs reprises, quand il était mineur. Le 17 décembre 2010, la cour d'appel de Versailles a prononcé un non-lieu dans cette affaire. En attendant le résultat de son pourvoi en cassation, le fils cadet de Philippe de Villiers livre son témoignage dans un ouvrage autobiographique, Tais-toi et pardonne, dont des extraits ont été publiés par l'Express.fr, mardi.

"Guillaume me demande de le suivre, on va jouer"

La scène se déroule en 1994 dans la maison familiale. Laurent de Villiers a alors 10 ans. "La maison est calme. Nous sommes samedi après-midi et tout le monde vaque à ses occupations. [Mon frère] pousse la porte du pied et entre, parle de mes GI Joe. Me demande de le suivre, on va jouer... Il a des choses à me raconter... Pour une fois qu'il est gentil, je le suis. Nous entrons dans sa chambre. Il est doux. Si différent. Me dit qu'il va m'expliquer plein de choses indispensables, très importantes. Comme le sexe. [...] Il me dit que je suis son petit frère, qu'il m'aime. [...] Il me dit que nous sommes pareils, que nous avons le même problème, que nous sommes pervers, obsédés par le péché de chair... Je ne comprends pas grand-chose. Je trouve juste qu'il est gentil, pour une fois. [...] Il me dit que nous " jouons ", mais qu'il ne faut pas en parler".

"Guillaume me supplie de le pardonner"

En juin 2007, Laurent de Villiers décide de retirer sa plainte contre son frère, sur pressions familiales. Il retrouve alors les siens. En novembre 2008, Laurent de Villiers réitérera ses accusations contre son frère aîné. "Du siège arrière de la berline, je prends une seconde avant de sortir pour regarder les miens qui m'attendent, agglutinés les uns aux autres dans la cour, chacun se cachant derrière l'autre. Au milieu des enfants, je devine la présence de ma mère. Elle n'est plus que le reflet d'elle-même. Dans ce brouillard de rancoeur, Guillaume arrive. Il est très maigre [...] A ma vue, il tombe à genoux et me supplie de le pardonner. [Il] me prend à part. Nous faisons quelques pas, puis il s'écroule à nouveau dans un souffle: "Tu n'étais qu'un petit garçon, comment ai-je pu?"

"Cette histoire ne me regarde pas. C'est votre problème"

Durant l'été 2011, Laurent de Villiers est allé voir son père pour lui "parler". Et s'est retrouvé face à un mur. "Et toi, papa, qui savais mais qui esquive. Combien de fois ai-je essayé de te parler et combien de fois as-tu détourné le regard ? Cet été encore, alors que nous ne nous sommes pas vus depuis huit mois, alors que tu ne m'as pas passé un seul coup de fil outre-Atlantique, j'ose frapper à la porte de ton bureau. Tu m'accueilles, les bras grands ouverts, affichant ce large sourire qui me réconforte, que je prends pour un signe, une invitation à enfin entamer la conversation toujours repoussée à plus tard. J'ose m'asseoir face à toi, le bureau entre nous. " Papa, il faut que je te parle... de Guillaume... " Tu te lèves, fermes la porte et les fenêtres. Tu te rassois, me regardes. Enfin... " Maman t'en a parlé. " Tu acquiesces et, pour la première fois, j'entends : " Raconte-moi. " Je prends ma respiration. " Voilà, papa... " Une sonnerie résonne. Ton portable. Sans te troubler, tu décroches et commences ta conversation. Au bout de quelques instants, tu me regardes, poses ta main sur ton portable et me dis de revenir dans une demi-heure. Une invitation à quitter les lieux. Je m'exécute. La France ne peut pas attendre. Moi, si. Loin de me décourager, une demi-heure plus tard, je suis à nouveau dans ta pièce. Je n'ai pas le temps de m'asseoir. Tu coupes court en me lâchant, presque sur le ton de la confidence : " J'ai réfléchi. Cette histoire ne me regarde pas. C'est votre problème".

"Je pose mon doigt sur la détente"

Dans Tais-toi et pardonne, Laurent de Villiers évoque l'une de ses tentatives de suicide. "Je suis calme, le fusil entre mes mains. Je sais ce qu'il me reste à faire. Je regarde le papier sur lequel j'ai griffonné à l'intention de papa, maman, mes frères et soeurs, un seul mot : Pourquoi ? J'enlève la sécurité. J'arme. Je positionne le canon du fusil face à mon visage, entre mes yeux. Ça devrait être rapide. Je pose mon doigt sur la détente. J'inspire avant le grand saut. J'expire, prêt à tirer. Mais dans le silence absolu de la maison, une sonnerie retentit. Mon portable. Je pensais l'avoir éteint. Le nom de Benoît apparaît sur l'écran illuminé. Mécaniquement, je décroche. [...] Merci Benoît". 

Tais-toi et pardonne, par Laurent de Villiers, Flammarion, 292 pages.