Le docteur Muller définitivement acquitté du meurtre de sa femme

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avec AFP , modifié à
Condamné à deux reprises à 20 ans de prison, il comparaissait pour la troisième fois dans cette affaire.

L'INFO. C'est la fin de 14 ans de lutte judiciaire. Le  Dr Jean-Louis Muller a été définitivement acquitté jeudi à Nancy de l'accusation de meurtre de sa femme en 1999, au terme d'un calvaire judiciaire qui lui avait valu deux condamnations à 20 ans de prison. "Ce n'est pas une victoire de la défense, c'est une victoire de la justice sur l'injustice", s'est réjoui Me Eric Dupond-Moretti, le défenseur du médecin. Le ténor du barreau  remporte d'autre part une nouvelle bataille judiciaire et renforce ainsi encore un peu plus sa réputation de champion de l'acquittement.

20 ans requis par l'avocat général. Jeudi matin, l'avocat général avait requis une nouvelle fois 20 ans à l'encontre du Dr Muller, l'accusant d'avoir maquillé en suicide le meurtre de son épouse Brigitte, le 8 novembre 1999 à leur domicile d'Ingwiller, dans le Bas-Rhin. D'abord classée, l'affaire avait été exhumée plus tard par la famille de la victime, qui estimait ce geste fatal improbable. Pour la partie civile comme pour l'accusation, le mobile était "évident" : la liaison entamée par Brigitte avec un autre homme peu avant sa mort. Selon l'avocat général, cette femme, qui souffrait du peu d'attention que lui accordait son mari, aurait annoncé à ce dernier qu'elle le quittait.

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Des experts et des doutes, pas de preuves. Le procès, entamé le 21 octobre, avait vu une succession de 18 experts de toutes sortes expliquer à la barre que le suicide de Brigitte était "plutôt peu probable", "bizarre", "pas vraiment plausible", mais sans jamais pouvoir être catégorique. Pourtant, des éléments souvent troublants, voire accablants, avaient été mis en évidence contre le docteur Muller. L'absence d'empreintes sur l'arme, la présence de poudre sur ses mains, en quantité supérieure à celle retrouvée sur les mains de la victime, avait notamment nourri l'accusation, qui avait cru déceler "le machiavélisme" de Jean-Louis Muller. Mais "rien n'est exclu, rien n'est probant", avait résumé l'un des experts, laissant une forte empreinte de doute à l'ensemble des débats.

Dans son réquisitoire, l'avocat général avait cependant exhorté jeudi les jurés à se détacher de "la prudence des experts", pour "interpréter leur travail de manière énergique". "Vous ne pourrez pas dire que cette femme s'est suicidée", avait encore affirmé le représentant de l'accusation, en dépeignant cette documentaliste de 42 ans en mère de famille aimante et gaie.

La démonstration de Me Dupond-Moretti… "Ce que vous ne démontrez pas, ça n'existe pas. Votre réquisitoire est une ratatouille", avait vivement rétorqué Me Eric Dupond-Moretti. Lors de sa plaidoirie, le ténor du barreau de Lille s'était livré à une "reconstitution" de la scène du drame. Dans la salle d'audience, devant la table au pied de laquelle le cadavre de la victime avait été retrouvé au sous-sol du pavillon familial,  l'avocat avait insisté : "le meurtre est absolument impossible. Avec cette table, on a démontré qu'il était totalement innocent. J'atteste que Jean-Louis Muller est totalement innocent", a déclaré Eric Dupond-Moretti jeudi soir après ce verdict, qui marque le 120e acquittement de sa carrière.

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… puis la délivrance pour l'acquitté. Après quatre heures de délibéré, l'absence de preuves formelles et de témoins a fini par emporter l'intime de conviction des jurés. Dans son box, Jean-Louis Muller a éclaté en sanglots à l'énoncé du verdict, avant de prendre dans ses bras ses deux fils et la compagne avec laquelle il a refait sa vie. Sur le banc des parties civiles, où siégeait la famille de la victime, plusieurs cris et pleurs ont accueilli la décision des jurés populaires.

Evoquant "tous ceux qui sont passés par là, qui ont été injustement accusés, qui ont essayé de croire en la justice", Jean-Louis Muller a reconnu que "ça fait des dégâts". "Il faut laisser maintenant un peu retomber le soufflé, dire : 'je suis libre'", a ajouté l'acquitté devant les journalistes, avant de quitter la Cour d'assises entouré de ses proches."Mon histoire judiciaire, j'espère, s'arrête là", a encore déclaré Jean-Louis Muller avant de conclure, au micro d'Europe 1 : "j'ai croisé un homme formidable qui s'appelle Eric Dupond-Moretti. Maintenant on va rentrer chez nous, on va être entre nous.  Je n'en dirais pas plus".

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