Déchéance de nationalité : ce que dit la loi

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Europe1.fr (avec agences) , modifié à
Procédure exceptionnelle, la déchéance est encadrée par de nombreux obstacles juridiques.

L’extension de la déchéance de nationalité aux auteurs de meurtres contre les agents d’Etat est sur les rails, après le feu vert donné par le président de la République. Mais cette loi pourra-t-elle être un jour appliquée ?

De sérieux obstacles juridiques risquent en effet de tempérer le volontarisme du gouvernement. Le principal d'entre eux est l'article premier de la Constitution, qui stipule que "la France (…) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion".

Or l'Elysée a précisé lundi que seules les personnes ayant acquis la nationalité française depuis moins de dix ans seraient potentiellement concernés par la déchéance.

Garant du texte fondateur de la République, le Conseil Constitutionnel devra vérifier que le projet de loi du gouvernement n’est pas contraire au principe d’égalité devant la loi. "A mes yeux, l’article 1 de la Constitution interdit une telle extension de la déchéance", a analysé Guy Carcassonne, spécialiste du droit constitutionnel, lundi sur Europe 1.

L’article 1 aménagé pour le seul terrorisme

Le Conseil constitutionnel n’a admis à ce jour qu’une seule exception à l’égalité des Français devant la loi : les actes de terrorisme. Les "Sages" avaient admis en 1996 qu’il était alors possible de déchoir de leur nationalité des Français d'origine étrangère coupables de faits qualifiés de terroristes.

Pour le gouvernement, attenter à la vie de représentants de l'Etat pourrait être interprété juridiquement comme une atteinte symbolique à son pays d'adoption. Mais cette extension pour des faits de terrorisme "ne concerne que les atteintes à la nation, même pas celle faites à l’Etat ou à ses représentants", a nuancé Guy Carcassonne.

Que deviennent les enfants ?

Le sort des enfants est l’autre principal obstacle à la déchéance de nationalité. Ces derniers pourraient être touchés indirectement en perdant leur accès à la nationalité française.

Or certains deviendraient apatrides, donc inexpulsables, car ils ne pourraient pas légalement prendre la nationalité de leurs parents.

Eviter les doubles peines

Selon le projet du gouvernement, au terme de sa peine de prison pour meurtre, susceptible de durer au moins trente ans, un Français d'origine étrangère ayant perdu sa nationalité serait expulsé.

Or, cette mesure contredirait la suppression de la "double peine", l’accumulation d’une sanction pénale et d’une expulsion, que Nicolas Sarkozy avait fait voter en 2003 alors qu'il se trouvait au ministère de l'Intérieur.