37 ans après, elle se souvient de son viol

Zahia Hameurlaine a l'intention de déposer plainte, même si les faits sont prescrits.
Zahia Hameurlaine a l'intention de déposer plainte, même si les faits sont prescrits. © MAXPPP
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avec AFP
Une Lyonnaise dit avoir subi une amnésie et ne se souvenir qu'aujourd'hui d'avoir été violée en 1973.

L'histoire est digne d'un thriller. Zahia Hameurlaine, une Lyonnaise de 56 ans affirme avoir été victime d'une amnésie de 37 ans et se souvenir aujourd'hui d'un viol dont elle aurait été victime en 1973. Elle demande justice mais les experts médicaux sont troublés.

En août 2010, cette petite femme brune, paralysée du côté gauche depuis 1973, est opérée, pour la onzième fois, dans un hôpital de Toulon. Après son réveil, la mémoire lui revient : elle aurait été frappée et violée par un homme, et non blessée dans un accident de balançoire comme sa mère, morte entre-temps, le lui avait raconté.

"Laissée pour morte"

"Zahia Hameurlaine a vu apparaître [dans ses souvenirs], quelques jours plus tard, le visage de son agresseur et pu revivre la scène de viol", raconte Alain Vighetto, chef de service de l'hôpital neurologique de Lyon. La quinquagénaire effectue alors des recherches, retrouve son dossier hospitalier de l'époque, "censé être détruit", ainsi que des témoins. Zahia Hameurlaine reconstitue alors son histoire. En 1973, elle aurait été violée par "un jeune homme qui voulait l'épouser de force". "Violemment frappée", elle aurait été "laissée pour morte en tombant du camion" où son agresseur l'avait emmenée, relate son avocat, Me Jean Sannier.

Cette ouvrière, de confession musulmane, recourt même aux services d'un détective privé pour retrouver la maison où se serait produit le viol, identifier l'agresseur et le localiser. Elle consulte plusieurs spécialistes, comme le professeur Daniel Malicier, directeur de l'institut médico-légal de Lyon. Mais celui-ci ne cache pas son scepticisme. "On reste assez circonspects et on est plus qu'étonnés, car on n'a jamais vu une amnésie se révéler au bout de 37 ans", assène-t-il.

Un enfant né du viol

Un autre élément vient encore compliquer cette affaire : en 1973, Zahia Hameurlaine a eu un enfant, né du viol. Elle assure pourtant n'avoir "pas cherché à savoir d'où il venait". "Dans ma mémoire, rien ne surgissait, j'étais amnésique", soutient-elle. Pour son avocat, "c'est un phénomène parfois constaté qu'une anesthésie peut provoquer une résurgence de la mémoire".

Même analyse pour le professeur Alain Vighetto, de l'hôpital neurologique de Lyon, pour qui "des phénomènes de mémoire peuvent ressurgir". Mais l'existence d'un enfant issu du viol fait qu'"on a peine à croire à un réveil soudain et à une prise de conscience". De quoi "remettre en doute la crédibilité de l'histoire", selon lui.

Zahia Hameurlaine a de son côté l'intention de déposer plainte vendredi. Plus qu'une indemnisation, c'est la "vérité" qu'elle cherche, "pour faire la lumière sur ce qui s'est passé, selon son avocat. Les faits sont aujourd'hui prescrits, mais Me Jean Sannier veut y croire : "face à l'extraordinaire énergie qu'elle a déployée, j'ai un devoir de tenter de convaincre que quand quelqu'un a l'impossibilité absolue de déposer plainte, cela puisse effacer la prescription".