Top 14 : avec les corticoïdes, "on est totalement sur du dopage"

Les deux joueurs néo-zélandais, Carter et Rokocoko, avaient été déterminants dans la victoire de Racing contre Toulon. Image d'illustration.
Les deux joueurs néo-zélandais, Carter et Rokocoko, avaient été déterminants dans la victoire de Racing contre Toulon. Image d'illustration. © BEN STANSALL / AFP
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Emilie Bonnaud avec J.R. , modifié à
Les traces de corticoïdes retrouvées dans les urines de Dan Carter, Joe Rokocoko et Juan Imhoff, trois stars du Racing 92, champion de France en titre, embarrassent les instances de l’ovalie. 
INTERVIEW

Le débat sur le dopage dans le rugby a été brutalement relancé par "l’affaire des corticoïdes". La semaine dernière, L’Équipe révélait que des traces de ce produit, interdit sans autorisation en compétition, ont été retrouvées dans l’urine de trois stars du Racing 92, Dan Carter, Joe Rokocoko et Juan Imhoff, lors d’un contrôle surprise réalise en marge de la finale du Top 14, en juin dernier. Le club francilien, champion de France en titre, s’est dans la foulée vivement défendu, niant tout dopage organisé et assurant qu’il s’agissait "de traitements administrés par voie autorisée" et ne "nécessitant pas d’AUT (autorisation à usage thérapeutique)". 

Les trois joueurs ont cependant dû s’expliquer devant la Commission de première instance de la lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby (FFR), avant le verdict attendu dans les prochains jours. Cette "affaire des corticoïdes" n’est cependant pas une première : Laurent Bénézech, ancien joueur du XV de France, avait dénoncé les pratiques dopantes dans le rugby dans un ouvrage explosif, Rugby, où sont tes valeurs ?, publié en octobre 2014. Deux ans après, il ne se fait aucune illusion sur la volonté des instances dirigeantes de l’ovalie de lutter contre le dopage.

  • Êtes-vous surpris par la révélation de cette "affaire des corticoïdes" ?

"Non, je ne suis pas surpris. La pratique est systématisée : les corticoïdes sont un moyen de surperformer. Cette hormone permet d’éteindre les signaux de la fatigue, de la douleur, voire de fabriquer du muscle. Contrairement à ce qui a été dit, ce n’est pas un traitement en tant que tel. C’est même plutôt le contraire : en éteignant les signaux de la douleur, on risque au contraire d’aggraver la blessure. On est totalement sur du dopage."

  • Faut-il des règles plus sévères pour lutter contre le dopage ?

"Il faut arrêter avec cette hypocrisie. En théorie, il y a des règles intransigeantes et on voit derrière des pratiques qui vont beaucoup plus loin. Il faudrait revenir à la problématique de départ : quoi faire pour aider les athlètes sans mettre en danger leur santé. Il y a cette surmédicalisation, de fait, mais encore faut-il être capable, par des études épidémiologiques, de savoir ce qu’on peut donner aux athlètes. Il y a également toute une économie derrière : le spectacle doit être le plus beau et le plus performant."

Entendu sur europe1 :
Le cas des joueurs du Racing va être rapidement classé.
  • La Fédération peut-elle être motrice dans la lutte anti-dopage ?

"Certainement pas. La Fédération est juge et partie. Le cas des joueurs du Racing va être rapidement classé. Les Fédérations sont là pour assurer le bon fonctionnement de leur sport. La dimension spectacle doit être présente et la discipline doit être performante. Ils ne sont pas les mieux placés pour lutter contre le problème. Il faudrait un changement complet de mentalité, tout revoir à la base."

  • Cette affaire peut-elle servir d’exemple ?

"Le sport aime bien de temps en temps faire un exemple. Problème : il s’agit, dans ce cas, de la tête de gondole du Top 14, du joueur le plus vendeur pour ce championnat (Dan Carter, l’ouvreur néo-zélandais double champion du monde, ndlr). La question ne se pose même pas d’en faire un condamné pour l’exemple : la Fédération va classer l’affaire et bien évidemment éviter de se poser les bonnes questions. Pour se poser les bonnes questions, il faudrait reprendre tout le problème dans sa globalité."