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Noël Le Graët : «La VAR ne m'emballe pas»

Colin Abgrall . 8 min
Noël Le Graët
Noël Le Graët © FRANCK FIFE / AFP

Noël Le Graët est le nouvel invité exceptionnel d’Europe 1 Sport. Depuis la ville de Guingamp, dont il est originaire, le président de la Fédération Française de Football répond aux questions de l’éditorialiste Jacques Vendroux et de Lionel Rosso. Un entretien de 30 minutes, diffusé en intégralité dans Europe 1 Sport.

Noël Le Graët est un homme de football, mais pas que. Ancien président de l’En Avant de Guingamp, de la Ligue de Football Professionnel du Paris FC et depuis 2011 de la FFF, il a aussi créé en 1984 sa propre société d'agro-alimentaire, reprise depuis 2015 par ses filles. En exclusivité pour Europe 1, le breton de 80 ans livre ses impressions sur le conflit entre l’Ukraine et la Russie, revient sur sa carrière, évoque l’avenir de Didier Deschamps et analyse également la campagne présidentielle actuelle.

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Sur la Guerre en Ukraine : "Imaginer une guerre, ça paraissait impossible"

"Je crois que pour chacune et chacun d'entre nous, imaginer une guerre, ça paraissait complètement impossible. Qu'il y ait des heurts entre les pays, des différences d'appréciation sur tel ou tel sujet. Je n'imaginais plus revoir des chars dans une ville et des bombardements. Donc, lorsque c'est un pays qui n'est pas membre de l'OTAN, qui est juste aux frontières européennes, la France et l'OTAN se doivent effectivement de prendre des positions. Le pays agressé, c'est l'Ukraine, qu'on le veuille ou non. On pourra toujours trouver mille excuses mais c'est bien l'Ukraine qui a été agressée pendant les derniers jours."

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Sur les sanctions sportives adressés à la Russie : "La FIFA est incontestable"

"Je regrette ce genre de choses parce qu'en général, le sport est un argument de paix. J'ai souvent essayé de réunir des pays qui étaient en conflit, d'organiser un match. Ça n'a pas toujours marché. Mais c'est un cas quand même beaucoup plus grave. Vous avez vu peu de situations comme celle-là ces dernières années. Donc, que la Russie soit pénalisée par des instances mondiales, c'est incontestable. Ce qui me fait plaisir, c'est que les deux instances (FIFA et UEFA), qui ont souvent des petits désaccords, aient pris la décision commune de donner une position ferme. Ça me réjouit parce que c'est deux instances importantes. La FIFA est incontestable et l'UEFA en Europe est incontestable. Donc que les deux aient pris cette décision, ça me fait plutôt plaisir."

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Mbappé et le PSG : "J’aimerai qu’il reste à Paris" 

"Moi, je le vois souvent, vous vous en doutez bien. Très souvent. J'aimerais qu'il reste à Paris, c'est une réponse banale. Il est encore jeune. Je ne vois pas ce qu'il peut trouver de plus grand que Paris. Paris a une marge de progression énorme, autant que les clubs espagnols aujourd'hui. Je le vois mal en Angleterre. Je me trompe peut-être. Mais c'est un Parisien. Il joue bien au ballon. Il est estimé. Techniquement, il est très, très fort. Il est beau. Et il est heureux à Paris. Il peut tenir encore trois ou quatre ans au PSG."

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Quelle partie de sa carrière était la plus excitante : "On ne fait rien tout seul"

"Vous savez, on ne fait rien tout seul. J'ai eu la chance d'avoir de bons copains, des gens qui partageaient les mêmes envies. Donc, on a très certainement eu un parcours un peu atypique malgré tout, mais en tout cas très passionnel, avec des envies légitimes. Le foot a fait partie de ma vie très jeune. Ensuite, créer une entreprise, c'est passionnant et très dur. Mais je vais vous dire quelque chose : le foot est plus dur. Une entreprise, vous grimpez ou bien vous sentez que vous ne pouvez pas y arriver et vous pouvez modifier. Dans le foot, il m'est arrivé de grimper comme ça, mais quelquefois d'avoir des revers. Vous devez rendre des comptes, même si c'est une petite ville, à plein de gens."

"Vous avez beau travailler, quelques fois vous vous trompez. Vous allez prendre des décisions, par exemple à la fédé, de ne pas garder Laurent Blanc et mettre Didier. Aujourd'hui, tout le monde trouve ça formidable, mais je voudrais vous donner les papiers de l'époque. Vous serez un peu étonné de ce qui se lisait. Défendre. Estimer que Corinne (Diacre, sélectionneuse de l'équipe de France féminine) est la meilleure. Je n'avais pas de supporters tous les jours. Je ne lis pas les réseaux sociaux parce que cela vous fout le moral en l'air. Mais aujourd'hui, la plupart des gens commencent à la reconnaître. Être à 18 matchs sans défaite, ce n’est pas si mal."

Le retour de Benzema : "Je n’attendais que ça"

"Je n'étais pas fâché contre Benzema. C'est une erreur. J'ai souvent vu Benzema quand il ne jouait pas. Il est même venu à la maison à Paris pour discuter. Donc, je n'ai jamais mis une barrière pour que Benzema ne joue pas, au contraire. Il y a sûrement une erreur d'interprétation, de compréhension. Ensuite, quand Didier m'a dit 'écoute, franchement, il est tellement au top, je vais le reprendre.' Je lui ai dit que je n'attendais que ça."

L’après Deschamps : "Laissons passer la Coupe du Monde"

"On doit discuter. Didier est venu ici après le Championnat d'Europe, on a passé la journée. D'habitude, je prolonge avant une grande compétition. Didier, pour le moment, ne montre aucune lassitude dans la compétition ni dans l'estime que les joueurs ont pour lui. Laissons passer nos deux compétitions importantes. Celle d'été (la ligue des Nations) où il y a quand même quatre matchs. Et puis ensuite laissons passer la Coupe du Monde."

Christophe Galtier pourrait-il devenir sélectionneur ? "C’est un excellent entraîneur français"

"Évidemment, Galtier aussi. Regardez ce qu'il a fait, cet homme. Je ne le connaissais à peine. Il faut que je sois honnête. Ou en tout cas pas à ce niveau là. Ce qu'il a fait à Lille et ce qu'il fait à Nice mérite le respect. C'est un excellent entraîneur français. Il y a de bons entraîneurs sur notre territoire. De toute façon, si j'étais encore en poste et que Didier devait nous quitter, ce qui est loin d'être fait, ce sera de toute façon un Français."

Les matchs amicaux face à l'Afrique du Sud et face au Cameroun : "Je suis ravi"

"Depuis un moment, on ne peut plus jouer l'Afrique. Et ça, ça m'agace. Je vois souvent des rapprochements qui se font entre l'Europe et l'Amérique du Sud. Je veux bien. Sauf qu'on a plus que dix dates. Rencontrer un pays d'Afrique, impossible. Alors, on en fait venir deux d'un seul coup. Je suis ravi et je souhaiterais effectivement que les futurs calendriers puissent nous faire rencontrer nos amis africains. Beaucoup ont critiqué la CAN. Je crois qu'il y a cent soixante neuf joueurs dans notre championnat qui jouent en Afrique. La CAN est une compétition remarquable qu'il faut jouer sans aucune critique. Quand on les prend, on sait qu'on risque certaines absences pendant quelques jours."

Sa position sur les violences dans les stades : "Il faut qu’on rabâche une prise de conscience"

"Je trouve ça tellement stupide que des hommes descendent sur le terrain pour soutenir leurs joueurs, mais plus souvent pour agresser l'adversaire. On a tout fait. Huis clos. Enlever des points. Tout ça, ça va un peu à l'inverse du foot. On doit respecter l'adversaire. Il y a eu une dégradation, je ne sais pas si c'est l'après COVID qui a rendu une liberté un peu folle à tout le monde, mais on avait perdu l'habitude. Ça s'est passé chez nous, un peu en Angleterre, un tout petit peu en Italie, un peu trop chez nous. Bien sûr, je suis très contrarié. Les huis clos, je trouve que ça dénature complètement, mais c'est personnel. D'autres peuvent avoir un autre avis. J'étais plutôt partisan d'enlever un point de temps en temps. Mais ce n'est pas non plus la bonne vérité. Non, ce qu'il faut, c'est qu'on rabâche une bonne prise de conscience. Un match de foot, c'est un spectacle, c'est un jeu et on doit effectivement respecter les acteurs."

Des sanctions trop faibles ? "On peut sûrement mieux faire"

Vous avez sûrement raison puisque la plupart de nos clubs sont tellement bien équipés au niveau de la possibilité de reconnaître le visage de Pierre, Paul ou Jacques. On peut sûrement mieux faire, mais ça ne peut pas durer. Il faudra faire en sorte que dans les mois qui viennent, dans les jours qui viennent, les gens restent assis. Déjà, c'est un vrai bonheur de pouvoir aller au stade depuis un mois ou deux. C'est un vrai bonheur d'assister à une rencontre et je crois qu'il est temps d'arrêter cette rivalité stupide, qui se transforme en bagarre.

Sur la VAR : "Ça ne m’emballe pas"

"En fait, moi, je suis pour le respect de l'arbitrage. La VAR c'est bien. C'est bien mais ça ne m'emballe pas. Est-ce qu'il y a un progrès incontestable ? Allez, peut-être sur un but sur hors-jeu. Je crois que tout le monde doit faire des efforts et ça montre surtout que l'arbitre, celui qui a la responsabilité, doit rester le patron et non pas rester sept minutes en train d'attendre pour dire 'alors, qu'est ce que tu en penses Pierre ? Et toi, Paul ?' Pendant ce temps-là, on est ridicule. L'arbitre doit trancher et peut se tromper, comme les joueurs, comme les dirigeants, comme chacun d'entre nous. Je préfère que l'arbitre soit le patron du match et qu'il n'interroge pas toutes les cinq minutes. C'est lui le patron. On doit encore mieux les former, ils doivent prendre des risques, mais ce sont eux les patrons."

Son rôle de président de la Fédération Française de Football : "Il ne faut pas faire trop d’erreurs"

"Etre président de la fédé, c'est un honneur. Il ne faut pas faire trop d'erreurs. Si vous ne remplissez pas la mission qui est la vôtre, il faut savoir quitter. Dans mes affaires, j'ai eu beaucoup de bonheur. Donc l'entreprise et le foot ont fait partie de ma vie."

Ses opinions politiques et son analyse de la gauche actuelle : "Il n’y a pas de forte personnalité"

"J'ai été élu maire de gauche à Guingamp pendant 13 ans et j'ai voté Macron deux fois. Je pense que c'est le meilleur président. Je trouve qu'il s'en sort, qu'il réussit dans un contexte extrêmement compliqué à garder une personnalité forte à montrer que la France existe. Il y a d'autres candidats qui s'expriment. En ce qui concerne la gauche, je suis navré. Je trouvais que c'était mieux avant. Voir la gauche avec deux et demi ou trois %, ça me parait assez invraisemblable. La maire de Paris est de gauche, on a beaucoup de petites communes de gauche, mais il n'y a pas de personnalité.

"Je pense que Macron a épuisé la droite et épuisé la gauche. Et puis, il n'y a pas de forte personnalité capable de rivaliser. Mais est ce qu'il y a besoin de rivaliser avec Macron ? Voir la gauche aussi basse, ça me gêne. Ça reviendra. Vous savez, la politique est un truc un peu éternel. Ça tourne en rond. Ce ne sera pas la même gauche et surtout pas la même droite, j'espère. Mais ça viendra. C'est mieux quand les gens ont des idées à débattre. J'adore regarder les débats. Vous êtes souvent déçu parce que vous avez envie que, quel que soit le candidat, il soit à la hauteur du débat."