Moins de contrôles en 2017 : faut-il s’inquiéter pour la lutte antidopage en France ?

L’Agence française de lutte contre le dopage prévoit 20% de contrôles en moins l’an prochain.
L’Agence française de lutte contre le dopage prévoit 20% de contrôles en moins l’an prochain. © AFP
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avec Emilie Bonnaud , modifié à
Alors que le ministère des Sports a décidé de geler une partie des subventions prévues pour l’Agence française de lutte contre le dopage, celle-ci prévoit déjà 20% de contrôles en moins en 2017.

Menace sur la lutte antidopage en France. Pour des raisons officielles d'économies, l’État a décidé de geler les crédits alloués à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), en charge des contrôles. Sur les 8,5 millions d’euros prévus par le projet de loi de finances 2017, seuls 7,8 millions seront effectivement versés. Un manque à gagner de 700.000 euros qui pourrait ruiner les efforts réalisés ces vingt dernières années.

De moins en moins de contrôles. Plus inquiète que jamais, l’AFLD s’est insurgée de la situation dans un communiqué, mardi. L’agence prévoit en conséquence une baisse de 20% des tests réalisés l’an prochain. Environ 5.000 échantillons pourraient ainsi être analysés, contre 6.200 l’an passé et 9.000 en 2010. "Une réduction du nombre des contrôles porterait une atteinte sévère à la crédibilité du dispositif de lutte contre le dopage en France", écrit l’AFLD. "Si rien n’est fait, elle est pourtant inéluctable dès 2017".

Le milieu amateur en première ligne. Et c’est le milieu amateur qui sera sans doute le plus impacté par cette baisse. L’agence, justement, s’apprête à publier un rapport qui montre que le dopage explose chez les jeunes champions pas encore professionnels, nombreux à être contrôlés positifs aux stéroïdes, notamment dans les sports de combat, mais aussi dans le rugby. Avec moins de gendarmes, les mauvaises pratiques risquent donc de perdurer, si ce n’est pire. "Nous avons des frais fixes très importants. Et si on diminue la subvention versée à l’agence sur des crédits budgétaires, ça réduit notre activité", alerte ainsi Bruno Genevois, le président de l’agence, au micro d'Europe 1.

" Cette lutte antidopage évolue en permanence et nécessite des moyens supplémentaires. "

Pourquoi faut-il plus de moyens ? Depuis peu, l’AFLD travaille avec un laboratoire en pointe pour détecter les nouveaux produits dopants. Une qualité qui a malgré tout un prix. "La France fait partie des leaders de la lutte antidopage dans le monde", précise de son côté Valérie Fourneyron, présidente du comité médical de l’Agence mondiale antidopage (AMA). "On fait des progrès en matière de recherche et du coup, les contrôles antidopage peuvent être plus chers parce qu’on cherche plus de substances, parce qu’il y a également besoin d’avoir des moyens pour le suivi des passeports biologiques, c’est-à-dire de tous les prélèvements réalisés tout au long de l’année. Cette lutte antidopage évolue en permanence et nécessite des moyens supplémentaires", plaide également l’ancienne ministre des Sports (2012-2014). Autant d’acquis qui pourraient donc être rapidement dilapidés, si le gouvernement venait à maintenir le gel de ces crédits.

Le dialogue dans l’impasse. Lors du dernier Tour de France, Bruno Genevois avait pourtant déjà alerté le Secrétaire d’État aux Sports, Thierry Braillard, de la baisse envisagée. Et proposé plusieurs solutions pour combler ce déficit. Parmi celles-ci, l’augmentation de 0,1% du taux de contribution à la lutte antidopage sur les droits de retransmission des compétitions sportives (5,01% contre 5% actuellement). Sans succès : l’amendement proposé en ce sens a été rejeté à l’Assemblée le 4 novembre dernier. "Une telle mesure nous aurait, sur le plan budgétaire, favorisés et permis de maintenir tout à fait notre action. D’où notre réaction", confie le président de l’AFLD, qui s’interroge par ailleurs sur le contexte de cette décision.

" L’efficacité du contrôle antidopage ne passe pas forcément par la quantité de tests. "

Un contexte qui interroge. L’année sportive a en effet été marquée par une succession de scandales liés au dopage, de l’affaire du meldonium au rapport McLaren, en passant par la divulgation des AUT (Autorisation d’Usage à des fins thérapeutiques) de Christopher Froome ou encore de Rafael Nadal. Surtout, le message est difficile à comprendre, au moment où Paris ambitionne d’organiser les Jeux olympiques en 2024, se plaçant même comme le garant d’une candidature "propre". "Cela survient à un moment qui n’est pas très heureux", s’inquiète Bruno Genevois. "Et les dispositions à prévoir pour la lutte contre le dopage sont un élément important du dossier", confirme-t-il,

Mieux plutôt que plus ? "Je pense que c’est une valeur forte de notre candidature", acquiesce Tony Estanguet, le co-président du comité de candidature de Paris-2024, toujours sur Europe 1. "Mais pour moi, l’efficacité du contrôle antidopage ne passe pas forcément par la quantité de tests. Je pense qu’il faut d’abord qu’on progresse sur ce qu’on appelle l’intelligence des tests, c’est-à-dire aller mieux investiguer, savoir où et quand on doit contrôler les athlètes. Et je pense que là, on a une vraie marge de progression, plutôt que de faire beaucoup de tests un peu aléatoires".

 

Égratigné, le Ministère des Sports a tenu à se défendre dans un communiqué, mardi soir. "La subvention effectivement versée à l’AFLD aura augmenté de plus de 8% entre 2015 et 2017. Il est donc inapproprié d’indiquer qu’il n’y a pas d’augmentation des crédits de l’État en faveur de l’AFLD. Aussi, au-delà des efforts importants du gouvernement,  on reste dans l’attente des propositions de l’AFLD pour diversifier ses ressources et optimiser ses coûts de fonctionnement, au profit d’un renforcement des contrôles effectués".