Maho, premier boxeur transgenre autorisé à concourir dans la catégorie de son choix en France

Maho Bah Villemagne
Maho Bah Villemagne devra se soumettre à une série de tests d'une commission médicale indépendante dans les prochains mois © Nicolas TUCAT / AFP
  • Copié
avec AFP
Nouvelle victoire pour le boxeur Maho Bah Villemagne : il est le premier homme transgenre à concourir dans la catégorie masculine. Après 28 combats chez les femmes et un titre de championne de France en 2022, le boxeur prépare son tout premier combat masculin avec beaucoup de satisfaction. 

Après 28 combats de boxe anglaise chez les femmes et un titre de championne de France militaire en 2022, Maho Bah Villemagne a remporté une victoire inédite: il est le premier homme transgenre en France à pouvoir concourir officiellement dans les catégories masculines. "C'est une nouvelle incroyable", se réjouit le boxeur, qui se prépare pour son premier combat dans sa nouvelle catégorie.  

Dans le quartier historique du Panier, à Marseille, la salle d'entraînement dans laquelle Maho s'exerce tous les jours se repère grâce aux nombreux gants de boxe accrochés à la fenêtre. L'entraîneur qui le suit depuis ses débuts en 2017, Diego Negri, décrit son poulain comme "un combattant, un militaire" avec "la même mentalité, la même discipline, le même courage". Hors du ring, Maho est lieutenant dans l'armée de l'air.  

Ces dernières années, il a participé à 28 combats en amateur chez les femmes, décrochant le titre de championne de France militaire en 2022 et de vice-championne de France amateure. Mais "je n'étais pas vraiment moi", raconte-t-il, ce qui l'a amené à effectuer les démarches médicales et juridiques pour une transition de genre. Le changement à l'état civil est officiel depuis le 22 décembre 2023 et dans la foulée, Maho a demandé une modification de sa licence à la Fédération française de boxe anglaise. Le 10 mai, les membres du comité directeur fédéral ont approuvé à l'unanimité sa licence en boxe amateur en tant qu'homme: une première pour un athlète transgenre dans la boxe en France. 

 

"Jurisprudence"

Un cas unique parce que cela peut sembler absurde "de faire la compétition chez les hommes, en tant qu'homme transgenre, face à des athlètes supérieurs physiquement", décrypte Ekain Zubizarreta, sociologue du sport à l'Université du Pays Basque. Pourtant, "on n'est pas encore capable de décrire" les différences physiques entre les deux catégories, "ni de les quantifier", assure-t-il à l'AFP. 

Comme "le sport est basé sur l'idée d'égalité des chances et de la victoire pour les plus méritants", une transition de genre de la catégorie considérée comme la plus faible vers celle vue comme la plus forte passe cependant mieux que l'inverse. Le titre universitaire de Lia Thomas, nageuse américaine, avait entraîné une polémique, les détracteurs estimant qu'ayant concouru en tant qu'homme auparavant, elle bénéficiait d'un avantage physiologique injuste. Pour M. Zubizarreta, derrière la participation des athlètes transgenres, "il y a aussi la question de ce qu'est un homme ou une femme". En novembre 2021, le Comité International Olympique (CIO) a renvoyé la balle à chaque sport sur la question des athlètes transgenres, soulignant l'absence de "consensus scientifique sur le rôle de la testostérone dans la performance dans l'ensemble des sports".

Test de la commission médicale 

Maho Bah Villemagne devra se soumettre à une série de tests d'une commission médicale indépendante dans les prochains mois: "Par rapport à ma transition, je prends de la testostérone. Il y a un certain taux à ne pas dépasser, sinon c'est considéré comme du dopage". La décision concernant Maho Bah Villemagne "fait déjà jurisprudence", souligne le directeur adjoint de la Fédération française de boxe anglaise, Serge Pautot.

Reste une dernière étape: la Fédération a exigé que Maho participe à cinq combats amateurs avant la fin de l'année 2024, avant de lui décerner ou non sa licence en professionnel. Ce qui crée une pression particulière pour lui: "Si je perds ces combats, je veux que ce soit mon problème. Je ne veux pas que ça retombe sur toute ma communauté". Pour son coach, "il y a une dimension psychologique, sociale, politique différente dans ces matchs. Mais souvent, la boxe a été plus qu'un sport", rappelle-t-il. "A mon époque, c'était interdit pour les femmes de boxer. Penser ça aujourd'hui, ça serait scandaleux".