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Colin Abgrall , modifié à
Membre du comité directeur du Paris Saint-Germain depuis 1986 et ancien président du club de la capitale entre 2006 et 2008, Alain Cayzac est l’invité exceptionnel d’Europe 1 Sport. Il a répondu ce samedi aux questions du journaliste et éditorialiste Jacques Vendroux et de Cédric Chasseur pendant près de 25 minutes dans Europe 1 Sport, présenté par Lionel Rosso.
EXCLUSIF

À la veille du choc entre le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille, l’ancien dirigeant de 80 ans Alain Cayzac a accordé une interview exclusive à Europe 1. Il y évoque la genèse du "classique" entre le PSG et l’OM, ses souvenirs de ces matchs historiques mais également la relation contrariée entre les supporters parisiens et les dirigeants du club de la capitale, qu’il estime à la hauteur du club et dans le respect de l’histoire.

L’histoire du Classique PSG-OM : "C'était un peu une création marketing"

"L'histoire du clasico à la française, c'est qu'à un  moment, Canal+ a racheté le PSG et Canal+ avait les droits du football. Ils voulaient, pour valoriser leurs droits, qu'il y ait des matchs de haut niveau et en particulier, créer une confrontation qui soit un derby entre eux et Marseille. C'était un peu une création marketing. Puis, au fil du temps, la passion s'est développée. Je dirais qu'au début, il y avait de la ferveur. Et puis, très rapidement, la ferveur est devenue un peu plus guerrière et il y a eu un peu de violence, malheureusement. Une sorte de guerre civile à certains moments. Ça a été progressif, mais je pense qu'aujourd'hui il y a peut-être un peu moins de passion, un peu moins de violence verbale qu'avant. On verra demain."

Une rivalité qui veut encore dire quelque chose ? "J'ai toujours le cœur qui bat"

"Ça dépend à qui vous parlez. Si vous parlez à quelqu'un qui est indifférent et qui n'est pas supporter ou ancien dirigeant, ils vont dire que maintenant, ils s'en moquent un peu. Le PSG est plus riche, n'a pas de concurrence. Le PSG a une vocation internationale. Marseille, même s'ils font un bon parcours actuellement, non. Mais si vous parlez à un supporter du PSG et j'en suis un, j'ai toujours le cœur qui bat quand il y a un match. Pour moi, c'est un match qui n'est absolument pas comme les autres. C'est quelque chose de très particulier. Je ne dis pas que ça peut sauver une saison. Je ne pense pas que si on gagne, ça effacera la déception de la Coupe d'Europe. Mais ce sera quand même un bon petit pansement."

La rivalité Michel Denisot - Bernard Tapie et Canal + - TF1 : "Il y avait pas mal d'amitié"

"C'était un affrontement professionnel et sportif. Mais il y avait entre Michel et Bernard pas mal d'amitié. Je ne sais pas si le mot amitié est le bon. Moi, je connaissais bien Bernard Tapie par la publicité. Je connaissais très bien Bernard. J'ai toujours apprécié Bernard. Jusqu'à sa mort, j'ai vraiment eu de très bonnes relations amicales avec lui. Les relations entre Michel et Benard étaient plutôt bonnes. Au départ, Tapie donnait même quelques conseils. Il y a eu beaucoup d'échanges de joueurs, rappelez vous, il y a eu un Germain (Bruno) qui était à Marseille et qui est venu à Paris, il y a eu Fournier (Laurent), qui était à Marseille et qui est venu à Paris, il y avait Roche (Alain), qui était Marseille.

Ça s'est envenimé avec Fiorèse (Fabrice). C'est l'époque Halilhodzic (Vahid, entraîneur du PSG de 2003 à 2005). Je suis président de l'association, donc j'étais un peu le vice-président. J'allais à tous les matchs, je suivais l'équipe et Vahid exigeait qu'à chaque match, je fasse un discours aux joueurs et surtout avant les matchs OM-Paris ou Paris-OM. Je trouvais toujours un message à passer. Et effectivement, il y a eu l'époque Fiorèse, un bon joueur du PSG qui est allé à Marseille."

Son meilleur souvenir de clasico : "Un match qui m'a mis K.O de joie"

"J'ai un souvenir précis en 2002, je ne sais pas pourquoi. Une victoire en Coupe de France aux tirs au but contre l'OM au Parc des Princes. (Jérôme) Alonzo était gardien de but. J'étais fou de joie. En 2003, il y a eu un match qui m'a personnellement mis K.O. de joie au stade Vélodrome, où on gagne 3-0, avec deux buts de Ronaldinho. J'étais sur un petit nuage, comme drogué. Et puis, en 2004, il y a eu aussi des choses très intéressantes. Il y a eu le fameux lob de Pauleta sur Barthez et il y a eu deux victoires de suite en une semaine.

On joue à Paris en championnat et on gagne 2-1 et en Coupe de la ligue, trois jours après, le coach décide de mettre une équipe presque réserve du PSG. Il y avait Benachour (Sélim). Il n'y avait pas Pauleta et on gagne 3-2, dont deux buts de Boskovic, et un but de Bernard Mendy sur une erreur de Lizarazu."

Comment vit-il les clasicos ? "Je ne supporte aucun commentaire"

"Je ne supporte aucun commentaire. Malheureusement, je ne peux plus me déplacer au stade à cause de mon handicap. Je vais le regarder ici avec ma femme, qui ne fait aucun commentaire ! C'est un match hors norme pour moi mais je ne le manifeste pas par des cris parce que ce n'est pas mon tempérament. Je retiens tout. Donc quand j'étais président, j'avais aussi des hommes politiques à côté de moi. Mais ces gens là étaient formidables parce que quel que soit le match, ils ne parlaient pas."

Sur la relation entre l'équipe du PSG et les supporters : "Je en comprend pas qu'il y ai un fossé"

"Moi, je ne comprends pas qu'il y ait un fossé. Je ne comprends jamais qu'on se fâche. On est dans la famille. Moi, c'est maintenant que j'ai le plus envie de soutenir le PSG. Et le soir de la défaite du Réal, j'ai envoyé des messages à Nasser, à Léonardo, à Jean-Claude Blanc. Aujourd'hui, je suis avec eux quoiqu'il arrive. Et quand j'étais président, je dois reconnaître que les supporteurs étaient un peu comme moi. On n'a pas eu que des résultats très positifs à l'époque, puisqu'on a frôlé aussi la descente. Et quand je faisais appel à l'union sacrée, les supporters venaient à 45 000 contre Nantes, contre Auxerre."

Son regard sur le PSG actuel : "On est devenu une franchise mondiale alors qu'on était un bon club"

"Je vais peut être vous surprendre, mais je suis hyper positif. De mon temps on jouait la Coupe de la Ligue et maintenant la Coupe d'Europe. Ça n'a plus rien à voir et c'est grâce aux Qataris. Ce n'est pas qu'on avait mal travaillé avant, il y a eu des fondateurs comme Borelli et Hechter. Mais les moyens et l'intelligence avec lesquels ce club s'est constitué en dix ans, pour moi, est merveilleux. Contrairement à beaucoup, je dis que Nasser est un grand président. Leonardo a recruté les premiers joueurs qui ont fait le succès des Qataris. Quand on m'a dit Verratti (Marco), quand on m'a dit Pastore (Javier), je savais pas qu'ils existaient.

Alors maintenant, on va retenir les erreurs qu'il a faites, comme j'en ai fait quand j'ai recruté. Je trouve que Leonardo est bon, que Nasser a été bon aussi. Ils ont eu l'élégance de me voir tout de suite. Je n'avais pas mis d'argent, je comptais pour pas grand chose, sinon que j'avais une certaine image auprès des supporters. Nasser m'a vu, nous avons pris un thé. Il m'a écouté, je lui ai expliqué le club. Je lui ai dit que par exemple, si on déménage du Parc des Princes au Stade de France, je ne serai plus supporteur du PSG. Ce n'est pas pour ça qu'ils sont restés, mais je pense que ça a joué quand même.

Ils n'ont pas fait une erreur de ce côté là et pour moi, ils ont bien travaillé. On est devenu maintenant une franchise mondiale alors qu'on était un bon club. On est un jeune club, 50 ans d'histoire, c'est rien et dix ans avec les Qataris, ce n'est pas grand chose. Bien sûr qu'il y a beaucoup de progrès à faire, il y a des choses à améliorer, mais j'ai eu une réunion hier au PSG sur le déménagement à Poissy. Un espace de 74 hectares pour la formation et pour le médical, pour les joueurs pros, ce sera fantastique."

Son départ du PSG : "Je ne suis plus un vrai président"

"Il y a eu un match à Caen où on a pris 4-0. J'ai dit à Sébastien Bazin (actionnaire du club) 'on se voit demain, j'ai un plan pour la fin de saison.' J'avais des idées en tête avec Houillier (Gérard). Le lendemain, il est venu au Parc des Princes comme on l'avait prévu, Le Guen (Paul) était là aussi. Il m'a dit 'Tu restes président, mais je mets Michel Moulin comme conseiller sportif.' J'ai dit dans la minute 'écoute Sébastien, moi, si je suis président avec quelqu'un que je n'ai pas recruté, quelles que soient ses qualités, peu importe, je ne suis plus un vrai président.

Ce soir, je réunis mon clan familial composé de ma femme, mes deux fils et mes deux filles et toi, tu réfléchis encore la nuit et on prend un petit déjeuner ici le lendemain. Soit tu as changé d'avis, soit je change d'avis et on en discute. Ou bien on reste campé sur nos positions.' On s'est vu le lendemain et j'ai dit 'je ne changerai pas un iota' et lui m'a dit 'pas de problème.' Il y a eu une conférence de presse trois heures après."

Sur le maillot Hechter : "La mode évolue"

"Je ne vais me faire que des amis, mais j'estime que les choses évoluent. La mode évolue. Tant qu'on garde le maillot de base couleur bleu et rouge, c'est déjà très bien. Le berceau a disparu. Pour moi, c'est tellement capital qu'on ait gardé les couleurs bleu et rouge, qu'on soit au parc, que des gens comme moi soient respectés. Quand je vais au Parc des Princes aujourd'hui, j'ai l'impression d'être un premier ministre. Ils montrent qu'ils ont un respect, quoi qu'on en dise, des racines du club. Est-ce que c'est partout pareil ?"

Le PSG respecte-t-il le passé ? "Globalement, oui"

"Globalement, oui. Et je n'ai aucune raison de le dire si je ne le pense pas puisqu'ils n'ont pas besoin de moi. Je n'attends rien d'eux. Je ne veux pas être président du Paris Saint-Germain. Alors ça peut toujours être mieux mais globalement, oui."

Son joueur préféré du PSG ?

"Safet Sušić"

L'entraîneur qu'il a le plus apprécié ?

"Gérard Houillier"

L'équipe qu'il a le plus aimé ? "Une équipe où il y aurait tous mes idoles"

"C'est plutôt un mélange. Ce serait une équipe où il y aurait tous mes idoles. Elle ne serait pas très équilibrée, très offensive. Safet Sušić, Javier Pastore, Rai, Pauleta, Neymar, Messi aussi, Luis Fernandez, Alain Roche, Ricardo serait là et Joël Bats."

Sur Kylian Mbappé : "À Madrid, il ne marquera pas l'histoire"

"Je ne sais pas si il m'entendra. Je pense qu'il me connait un peu parce qu'il m'a envoyé des photos, très gentiment. Oublions le fait que j'ai envie qu'il reste, c'est évident. Si j'étais son conseiller, je lui donnerais fortement le conseil de rester au Paris Saint-Germain au moins pendant deux ans. Pour quelles raisons ? Madrid est un très beau club. Je ne vais pas cracher sur Madrid. Madrid a déjà beaucoup de Coupe d'Europe, beaucoup de joueurs qui ont marqué l'histoire de Madrid.

Et aujourd'hui, si Mbappé va au Réal Madrid, il sera très brillant. Mais il ne marquera pas l'histoire. Je pense qu'il est très attaché aux records, aux palmarès et à marquer son époque. Et je pense qu'il a beaucoup plus de chance de marquer son époque au Paris Saint-Germain. Si Mbappé réussi à nous mener à être numéro un européen, ce sera la victoire de Mbappé."