Au marathon de Valence, les chronos record relancent le débat sur le dopage technologique

Kibiwott Kandie athlétisme
Le Kényan Kibiwott Kandie, ici au semi-marathon de Gdynia, en Pologne, a battu son record à Valence en portant des Adidas à lame de carbone. © MATEUSZ SLODKOWSKI / AFP
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Simon Ruben, avec Margaux Baralon
Dimanche, le marathon et le semi-marathon de Valence, en Espagne, ont laissé tout le monde sans voix : trente participants ont bouclé le premier en moins de 2h10, tandis que le record du monde du second a été battu quatre fois dans la même course. Ces performances hors normes relancent le débat autour des chaussures à plaque de carbone.

Ce sont des chronos qui laissent pantois. Dimanche, trente participants au marathon de Valence, en Espagne, l'ont bouclé en moins de 2h10, du jamais vu. Les quatre Français engagés ont même tous battu leur record personnel. Dans le semi-marathon, le record du monde a été explosé quatre fois en une seule course, sous la barre des 58 minutes. Les coureurs eux-mêmes reconnaissent d'ailleurs qu'il est difficile de prendre de tels chronos au sérieux. Et l'explication pourrait se nicher... dans les baskets des athlètes.

En effet, "sur les résultats des dernières semaines, il n'y a pas de facteur explicatif en dehors de l'affaire des semelles", estime le consultant athlétisme d'Europe 1, Jean-Claude Perrin. Les grandes marques fabriquent désormais des baskets de course avec des lames de carbone dans la semelle. Cela permet un meilleur rebond du pied, donc d'aller un peu plus vite. Et toute la question est de savoir si cela peut s'apparenter à du dopage technologique.

Le caillou dans la semelle de la Fédération d'athlétisme

La question embarrasse la Fédération internationale d'athlétisme depuis l'automne 2019, lorsque l'équipementier Nike avait sorti ses Vaporfly, chaussures intégrant une plaque en fibre de carbone. Ce sont ces baskets que portait le Kényan Eliud Kipchoge à Vienne, le 12 octobre 2019, lorsqu'il était passé sous la barre des deux heures pour le marathon. De nombreux autres athlètes équipés de Vaporfly avaient ensuite battu des records personnels ou des records tout court.

Début 2020, la fédération internationale d'athlétisme avait décidé d'interdire les prototypes de chaussures en compétition, mais aussi de limiter l'épaisseur de la semelle à 40 mm et la présence d'une seule plaque métallique par basket. Fin juillet, l'épaisseur maximale de la semelle a même été abaissée sous 40 mm pour les courses sur piste et certaines épreuves comme les lancers et les sauts. 

Le marathon de Valence, qui est donc une course sur route, n'était pas concerné. La plupart des athlètes arborait ces chaussures dernière génération, dont le Kényan Kibiwott Kandie, qui a explosé le record du semi-marthon avec des Adidas à insert de carbone aux pieds. Mais d'autres facteurs peuvent aussi expliquer les chronos incroyables, comme la météo idéale et un parcours très plat, réputé ultra-rapide.

"Là, ce n'est pas du sport"

En octobre dernier, Mahiedine Mekhissi, triple médaillé olympique sur 3.000 m steeple, avait étrillé les nouveaux records du monde sur 10.000 m masculin et 5.000 m féminin établis là aussi à Valence lors d'un meeting. "Je sais qu'il faut vivre avec son temps, évoluer avec le progrès technologique, mais là, ce n'est pas du sport", confiait-il à L'Equipe. "Notre sport est en danger. Tout le monde sait ce que les chaussures apportent. Il n'y a plus d'équité."

Mahiedine Mekhissi faisait alors le rapprochement avec la polémique autour des combinaisons en polyuréthane qui avait agité le milieu de la natation dès 2008. L'année suivante, la Fédération internationale de natation avait décidé de les interdire à partir de 2010.