"Wiwi" chez les Maoris

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SYLVAIN LABBE, envoyé spécial , modifié à
Le temps était comme suspendu ce samedi, lorsqu'à la mi-journée, Thierry Dusautoir et ses coéquipiers ont eu le privilège d'être accueillis par une tribu maori réunie au grand complet pour une cérémonie emprunte d'une profonde émotion, voire même d'un certain mysticisme. Une solennité et un instant de partage qui auront fait toucher aux Français, dits les "Wiwi" en maori, un peu plus du doigt le poids de la tradition au pays du rugby.

Le temps était comme suspendu ce samedi, lorsqu'à la mi-journée, Thierry Dusautoir et ses coéquipiers ont eu le privilège d'être accueillis par une tribu maori réunie au grand complet pour une cérémonie emprunte d'une profonde émotion, voire même d'un certain mysticisme. Une solennité et un instant de partage qui auront fait toucher aux Français, dits les "Wiwi" en maori, un peu plus du doigt le poids de la tradition au pays du rugby. En Nouvelle-Zélande, les Bleus, on le sait, bénéficient d'un statut privilégié. Leurs états de service face aux All Blacks imposent le respect de toute une nation. C'était encore plus vrai ce samedi midi, à Auckland, lorsque l'équipe de France, à peine sortie de sa séance d'entraînement matinale, a reçu l'accueil d'une tribu maori, le traditionnel "powhiri". Un privilège, couplé à la cérémonie de remise des capes -casquette traditionnelle marquant la sélection nationale- réservé à seulement cinq formations qualifiées pour ce Mondial ! Conscients de la solennité de l'évènement, Thierry Dusautoir et ses partenaires avaient revêtu pour l'occasion leur costume-cravate pour rejoindre la colline de Bastion Point. Un lieu, dont la beauté à couper le souffle, dominant Waitemata Harbour, l'une des nombreuses baies qui ouvrent sur le Pacifique, et Rangitoto Island, le plus vieux volcan d'Auckland, qui est devenu un sanctuaire de la culture maori et un symbole de la lutte de ce peuple pour obtenir la restitution de ses terres au milieu des années 1970. C'est là que se dresse l'"Orakei Marae", cette maison communautaire traditionnelle toute en bois, à l'entrée sculptée qui, dans la culture maori, matérialise le lieu de rassemblement du "whanau", la famille au sens large. Hommes, femmes, enfants : toute la tribu Ngati Whatua o Orakei, liée depuis plus de 1 000 ans à la région d'Auckland, est réunie pour accueillir les Bleus de France. Dusautoir face aux guerriers Après les premières démonstrations de l'aéroport, puis de leur hôtel, à leur arrivée, c'est un troisième haka qui attend des Tricolores encore un brin décontenancés par ces rituels répétés. "Ce sont des gens accueillants qui ont envie de partager, de donner. Il ne faut pas prendre les hakas avec de la défiance. C'est signe de bienvenue", explique ce bon vieux Jo Maso, rompu à l'exercice des tournées au pays du long nuage blanc et dont la présence vaut tous les sauf-conduits tant l'ancien trois-quarts centre et son jeu ont ici marqué les esprits. Le manager des Bleus n'est pas de trop au côté de Thierry Dusautoir quand dès l'arrivée de la délégation française, le capitaine, en tête devant ses coéquipiers, doit faire face à plusieurs guerriers l'invitant à grands renforts de hurlements et autres incantations, à s'incliner et à ramasser, sans jamais les quitter des yeux, un rameau, le "whero", pour signifier que lui et les Bleus viennent ici en paix. Et pas question d'accélérer le pas, sous peine de voir le malheur s'abattre sur l'équipe de France... La cérémonie de plus d'une heure qui va s'en suivre, rythmée par d'autres variantes de haka, féminin ou masculin, mais aussi par des chants religieux, entonnés par toute la tribu, et plusieurs discours de bienvenue, va petit à petit contribuer à décontracter nos Bleus jusqu'au fameux hongi, cette accolade front contre front, censée rapprocher les esprits. Très attaché à sa culture basque, Imanol Harinordoquy n'aura pas été le moins sensible à ce moment d'exception: "C'était une cérémonie particulière, assez étrange, commentait à chaud le Biarrot. J'ai déjà vécu d'autres cérémonies de Coupe du monde et là c'était particulier, on ressentait vraiment qu'on était sur la terre des All Blacks avec tout leur esprit. On sentait même la présence des ancêtres. On ne s'attendait pas vraiment à ça, mais c'était très agréable à vivre. Il y avait un côté un peu mystique. Quand ils vous regardent, ils ont l'air envoutés." Des maoris qui ne manquent pas non plus d'humour pour offrir à chaque joueur français un maillot spécialement créé pour la circonstance, mais aussi frappé des chiffres 29 et 9, comme le score de la finale de la Coupe du monde 1987, perdue par les Bleus face aux All Blacks. "Il y aura d'autres confrontations dans l'avenir, mais c'est de ce score dont nous souhaitons nous souvenir, déclarera ainsi Grant Hawke, le chef de tribu. Maire d'Auckland, le volubile Len Brown lui évoquera une autre finale, celle du 23 octobre, pour donner rendez-vous aux Bleus face aux All Blacks. De quoi ravir parmi les quelques cinq cents spectateurs présents les nombreux supporters français, dont les expatriés d'Auckland. Le "Debout les gars, réveillez-vous. On va au bout du monde" chanté à l'adresse des Français désormais tout à fait détendus ira droit au coeur de ces derniers, tout comme la Marseillaise entonnée par les écoles bilingues d'Auckland. Acteurs et spectateurs de cette cérémonie forcément inoubliable avaient bien mérité un bain de foule pour profiter de joueurs très disponibles. Cédric Heymans se fera plus tard, en conférence de presse, le porte-parole de son équipe: "C'est bien d'avoir pu toucher du doigt leur culture avec cette cérémonie. On en a parlé entre nous dans le bus en revenant, personne n'est resté insensible. Après, nous avons bien compris qu'ils nous attendent de pied ferme. La Coupe du monde a commencé, ça y est."