Soumaré: "J'aime être première"

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Propos recueillis par NICOLAS FILLON , modifié à
Championne d'Europe du 200m à Barcelone l'été dernier, Myriam Soumaré dispute en fin de semaine ses premiers Championnats d'Europe en salle, à Bercy. A 24 ans, la sprinteuse française, si elle préfère rester dans l'anonymat médiatique, n'en reste pas moins ambitieuse, elle qui confie ne connaître ni ses concurrentes sur 60m, ni les meilleurs chronos.

Championne d'Europe du 200m à Barcelone l'été dernier, Myriam Soumaré dispute en fin de semaine ses premiers Championnats d'Europe en salle, à Bercy. A 24 ans, la sprinteuse française, si elle préfère rester dans l'anonymat médiatique, n'en reste pas moins ambitieuse, elle qui confie ne connaître ni ses concurrentes sur 60m, ni les meilleurs chronos. Quels sont vos objectifs pour l'Euro en salle de Bercy ? Me faire plaisir, comme avant chaque grande compétition. J'ai passé le cap des meetings et des Championnats de France, je suis donc prête. J'ai envie de courir, je suis pressée d'y être et on verra ce que ça va donner. Je veux battre mon record (7"19 sur 60 mètres le 25 février à Metz, ndlr), mais je ne vise pas plus une demi-finale qu'une finale ou même un podium. Je prends chaque course l'une après l'autre. 2010, l'objectif, c'était les Championnats d'Europe de Barcelone et du monde (indoor) à Doha. 2011, je me concentre sur Bercy, parce que c'est l'objectif principal de la saison. Quelles sont les adversaires dont vous vous méfierez le plus ? Je ne connais aucune de mes concurrentes. Je ne vais pas regarder la start-list avant de courir. Tout simplement parce que je me méfie autant d'une fille qui court en 7"10 qu'en 7"40. Comme me disent souvent mes entraîneurs, les compteurs sont remis à zéro avant une course. Je n'ai donc pas envie de me fixer sur telle ou telle personne car si cela se trouve, la championne d'Europe sera dans le dernier couloir à Bercy. Je n'ai peur de personne, mais je me méfie de tout le monde. Y a-t-il une excitation particulière avant d'aborder Bercy, votre première compétition continentale à domicile ? C'est vrai que c'est la première fois que je cours dans un grand championnat en France, c'est aussi mon premier Championnat d'Europe en salle, donc je fais d'une pierre deux coups. Je pensais avoir la pression au début de la saison par rapport à ce que j'avais fait à Barcelone, mais au final, j'ai réussi à bien gérer le tout. A Bercy, je ne sais pas trop ce que ça va donner, si je vais être plus stressée, si ça va plus me couper les jambes ou si ça va plus me motiver. Je compte sur mes entraîneurs pour m'aider à appréhender cet aspect, et me préparer au mieux à l'attente du public. Je pense tout de même que ça va plus me faire plaisir qu'autre chose. Il y aura ma famille, même si je n'ai pas vraiment invité ma mère (Rires). Elle n'est pas encore au courant, mais je pense que la voir dans le stade va me mettre un stress négatif. Je préfère donc qu'elle me regarde à la télé (Rires). "Peut-être suis-je une compétitrice née" Vos meilleurs temps sont toujours établis lors de grands championnats. Avez-vous plus de motivation lors de ces compétitions ? J'aime bien être sous pression. Quand je participe aux meetings, je connais les filles, l'ambiance. Quand je participe à un grand championnat où je ne connais personne, et que je représente ou mon club ou mon pays, j'ai encore plus de motivation, et apparemment ça marche. Peut-être suis-je une compétitrice née. J'aime avoir des filles plus fortes à côté de moi, ça me tire vers le haut. J'aime être première. Plus la concurrence est forte, plus je suis motivée pour me dépasser. Sur quelle distance vous sentez-vous la plus performante ? Ma distance préférée pour le moment, c'est le 60 mètres, car mon point fort, c'est le départ. Tout s'y joue en quelques secondes, on donne tout. C'est court, mais sur le premier appui, on oublie tout le stress. On est concentré sur ce que l'on fait, sur sa technique. On ne pense à rien, à personne, on ne pense qu'à soi, jusqu'au moment où l'on casse sa course. C'est vraiment un moment exceptionnel. Après avoir battu votre record sur 60 mètres, vous vous rapprochez du record de France (7"06 par Christine Arron en février 2006)... Je suis gourmande, donc mon objectif sera encore et toujours de battre mon chrono, de l'écraser complètement. Je ne connais pas le record de France et je ne veux pas le savoir. Le jour où je le battrai, on me le dira, ça sera donc une double surprise. Je n'ai pas envie d'être fixée sur les temps des autres personnes, ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'importe, ce sont mes propres records. Apparemment, j'ai réalisé la quatrième performance européenne, je vous le dis là, mais je n'étais pas au courant car je ne suis pas les bilans. Si je bas mon record et que ça m'emmène encore plus près de la première place, tant mieux. "Je préfère rester dans mon petit monde" Depuis vos trois médailles glanées lors des championnats d'Europe à Barcelone l'été dernier, vous êtes beaucoup plus médiatisée. Cela change-t-il votre façon de vous préparer ? J'évite de trop faire attention à la médiatisation, c'est pour cela que je ne parle pas beaucoup aux journalistes. Ce sont plutôt mes entraîneurs qui gèrent cet aspect, car je préfère rester dans mon coin, m'entraîner à Sarcelles sans journaliste qui me filme ou qui me photographie. J'ai toujours fonctionné comme ça, donc je n'ai pas vraiment envie que ça change, car pour le moment, ça me réussit. Je me prépare comme les années précédentes, en faisant abstraction, en me concentrant sur ma course et ma technique. Arrivé à Bercy, même si c'est devant mon public, je serai concentrée et ferai tout pour me faire plaisir. On vous sent réservée, timide... Quand j'ai commencé, j'étais un peu dans l'anonymat, personne ne faisait trop attention à moi. J'ai quand même fait des trucs intéressants quand même ! Quand j'ai battu Arron et Hurtis (aux Championnats de France 2009, ndlr) et que j'ai constaté qu'un seul journaliste est venu me voir pendant que tous ses collègues sont allés voir les autres concurrentes, je me suis renfermée et je me suis dit: "Si ça se passe comme ça, je préfère ne pas trop m'exposer". Quelques années plus tard, c'est le contraire, mais je sais que ça ne va durer qu'un temps. Si demain je me blesse ou qu'une autre devient championne d'Europe, vous (les journalistes, ndlr) allez vite m'oublier. Ça ne dure qu'un moment. Je préfère rester dans mon petit monde, c'est-à-dire ma famille, mon club, mes amis. Etre toujours sur le devant de la scène, ça ne m'intéresse pas. Mais ça ne me dérange pas par exemple de faire une photo ou signer un autographe, je le fais même avec plaisir, car la personne repart avec le sourire. Quels souvenirs gardez-vous de votre sacre à Barcelone ? Il y en a tellement... Ce n'était que du bonheur. Quand je vois mon prénom affiché, j'attends plusieurs secondes pour voir si c'est vraiment moi ou une autre. C'est mon tour d'honneur, mon podium, mon retour avec la famille, c'est toutes ces choses que je garde en moi. Maintenant, je fais la part des choses, l'objectif prioritaire, c'est Bercy !