Simon: "Federer, c'est un avion"

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Propos recueillis par Krystel ROCHE Br Pour Sports.fr, à Melbourne , modifié à
Si près de l'exploit ! C'est en "ne paniquant pas" que Gilles Simon s'est accroché lors de son début de match contre Roger Federer avant d'être à deux doigts de renverser complètement le Suisse (6-2, 6-3, 4-6, 4-6, 6-3), au 2e tour de l'Open d'Australie. Le Français, qui ne "pouvait pas faire mieux" aujourd'hui, pense qu'il est encore plus fort qu'en 2008, quand il était 6e joueur mondial.

Si près de l'exploit ! C'est en "ne paniquant pas" que Gilles Simon s'est accroché lors de son début de match contre Roger Federer avant d'être à deux doigts de renverser complètement le Suisse (6-2, 6-3, 4-6, 4-6, 6-3), au 2e tour de l'Open d'Australie. Le Français, qui ne "pouvait pas faire mieux" aujourd'hui, pense qu'il est encore plus fort qu'en 2008, quand il était 6e joueur mondial. Gilles, comment sortez-vous d'un match comme celui-là ? Tu es toujours déçu quand tu as perdu... Surtout dans un Grand Chelem. Tu as toujours envie d'aller loin. Et surtout, ce n'est pas tout le temps que tu te sens aussi bien, que tu joues bien, que tu as les mêmes conditions que la semaine précédente. Je sens que je suis bien, que je peux faire quelque chose de bien ici. Malheureusement pour moi j'ai Roger au 2e tour, et je ne pense pas pouvoir jouer beaucoup mieux que ce que j'ai fait aujourd'hui, mais ça n'a pas suffi ! Cela vous donne tout de même quelques certitudes sur votre jeu ? Le problème du tennis, c'est que des certitudes, on n'en a pas beaucoup, ça change tout le tps. Je crois que ce que j'ai le plus retenu, c'est que lorsque tu es bien... il faut gagner ! Car ce n'est pas tout le temps que tu te sens bien. Tu as des hauts et des bas. Alors certains ont plus de hauts que de bas (sourire), mais ce n'est pas toujours comme tu le veux. Et quand tu sens que tu es enfin bien, tu sens que tu vas être dur à battre, que les mecs qui vont te jouer ne vont pas rigoler. Dans ces cas-là, tu espères avoir un truc un peu plus ouvert. Malheureusement, ça n'a pas été le cas.... Après, j'ai pris énormément de plaisir de jouer de match. Mais il y aura toujours la déception de perdre au 2e tour. Mais dans 3 jours, c'est oublié, je rentre et me prépare pour le prochain tournoi. A votre avis, quand est-ce que le match "tourne" ? Je ne sais pas trop... Au début, ça va vite. Physiquement, c'est incroyable. Aucun joueur ne va plus vite que lui... Je fais un bon revers croisé, il arrive à se décaler et faire son coup droit alors que ma balle est basse, pas facile. Je fais un bon revers long de ligne dans la foulée, Pam, je prends un avion croisé: il a fait 20 mètres en 2 secondes, et je me dis "c'est pas possible !". Petit à petit, je commence à moi aussi me sentir mieux. Si à la fin je suis fatigué, c'est aussi qu'au début, je suis tendu, forcément. J'arrive, c'est le Central, je n'ai pas son expérience, donc tous les efforts que je produis, je les paie à un moment donné. Mais je me sentais de mieux en mieux. Je ne pensais pas au score, car je n'ai jamais gagné en étant mené 2 sets à 0 (et je me dis que ce serait quand même un miracle que ça tombe sur lui (sourire)...). A un moment, je reviens bien : 2 sets à 1, 2 sets partout. Je sens que je joue bien. Au début du 5e, je sens que je suis même un peu mieux que lui par moments. Il ressert mieux, est plus appliqué aussi. Finalement, il arrive à monter un peu, et voilà... Je ne pouvais plus faire grand-chose (rires)... Au début, paniquez-vous ? Non. J'ai l'impression qu'il joue juste incroyable. Même si je sais que c'est le meilleur joueur du monde, même si je sais qu'il a gagné des Grands Chelems, même je sais que cela peut paraître idiot de dire qu'il joue bien, là... il joue très bien ! Et quand j'ai cette impression, en général, (même si là, c'est plus facile...) le mec se retrouve en finale. Je suis très content d'avoir réussi à vraiment me libérer, à avoir tout lâché et produit ce tennis-là mais je sais qu'au début, je jouais pas mal. Donc contre n'importe quel autre joueur, il n'y aurait pas eu 6-3 ; 4-1. Aujourd'hui, j'ai réussi à le sentir. Au lieu de perdre le fil, je me suis dit "là, il est quand même monstrueux". Donc je n'ai pas paniqué. "5 sets contre un bon Roger" Vous n'êtes pas sa bête noire, mais presque. Pourquoi ? A un moment donné, il joue tellement bien qu'il me permet de sentir qu'il faut que je lâche tout. C'est un truc que tu arrives très rarement à trouver sur le terrain. Lui, physiquement, c'est un avion. Si tu ne joues pas extrêmement bien, tu prends une valise et tu rentres... Chaque fois, contre lui, j'ai cette impression là contre lui. Très dur au début, et au bout d'un moment, j'arrive enfin à jouer ce tennis que je sais jouer mais que je ne joue pas assez souvent, pas assez régulièrement. Il vous manquait un match difficile, contre un "gros". Le voilà ! Oui. Celui là fait du bien. Car plus que de faire 5 sets, là, j'ai l'impression d'avoir fait 5 sets contre un bon Roger. C'est ça qui m'encourage. Maintenant, j'ai les boules d'avoir perdu, et c'est normal. Quand il survole la partie pendant 2 sets, à un moment- donné, vous dites-vous: "Ça va déraper, ça va trop vite" ? Non. Car si je ne joue pas mieux, ça va finir sur le même ton. Il ne peut pas baisser sans raison, c'est impossible. A moi de faire en sorte que le combat s'installe. A l'issue du 4e set, n'avez-vous pas déjà bouclé le match dans votre tête ? Non. J'ai voulu faire un gros effort dès le début du 5e, car je savais que c'était là où j'avais le plus de chances d'aller le chercher. Ça ne se joue pas à grand-chose... Mais le problème, c'est qu'à un moment-donné, j'ai l'impression d'être tellement haut que je ne peux pas le maintenir ni faire mieux. Donc je sais que ça va dépendre de lui... "J'espère que ça va continuer !" Aujourd'hui, c'était aussi bien qu'en 2008, lorsque vous étiez à votre meilleur niveau (6e mondial, ndlr) ? Mieux même. C'est encourageant pour la suite ? Oui, mais bon... Dès la semaine suivante, tu joues avec d'autres balles, sur d'autres terrains, la vitesse est différente... C'est dur de se mettre en confiance. Là, je sentais que je jouais extrêmement bien avec ces balles là, sur ces terrains là etc. Que ça marchait bien. J'espère que ça va continuer ! Étiez-vous gêné que l'on vous demande si vous pensiez retrouver un jour votre meilleur classement ? Non. Car je savais que, pour que je puisse jouer à ce niveau-là, il fallait que je puisse bouger comme j'ai bougé ce soir, ou à Sydney: ça n'a rien à voir, je bouge bien, les passings : je vais dessus. Je peux jouer normalement, sans réfléchir à autre chose que le jeu. Ça aide ! A moi de me préserver physiquement pour arriver en forme. Car même si je joue moins bien, si je suis en forme, je peux toujours essayer de m'en sortir. Mais j'ai besoin de mes jambes, quoi qu'il arrive (sourire)... Jouez-vous mieux lorsque vous « cogitez » moins ? Pour bien jouer, faut-il que vous arrêtiez de réfléchir ? Il y a toujours une nuance. Quand tu réfléchis à une tactique, ou bien que tu t'assoies sur le banc, que tu viens de te prendre 6-2 et que tu te dis "là, il faut que je change quelque chose", c'est quelque chose de constructif, de positif. En revanche, quand tu te dis : "je la frappe, je la frappe pas, il faudrait mais j'ai un peu peur on ne sait jamais, peut-être que si je la mets dans le court, il va rater"... : Ce n'est pas pareil ! Aujourd'hui, ma façon de jouer, à partir du moment où je suis bien, est claire : je sais où je vais, je sais où je ne vais pas. A partir du moment où je sais ce que je dois faire, je ne réfléchis plus.