Poitrenaud: "On rentre dans le dur"

  • Copié
Propos recueillis par LAURENT DUYCK , modifié à
Absent en novembre, remplaçant contre l'Ecosse, Clément Poitrenaud profite de la blessure de Maxime Mermoz pour retrouver une place de titulaire à l'arrière du XV de France face à l'Irlande. S'il insiste sur l'importance des remplaçants dans un rugby qui se joue aujourd'hui à 22, le Toulousain sait qu'il joue peut-être là sa place en Coupe du monde, une compétition qu'il voudrait vivre sur le terrain.

Absent en novembre, remplaçant contre l'Ecosse, Clément Poitrenaud profite de la blessure de Maxime Mermoz pour retrouver une place de titulaire à l'arrière du XV de France face à l'Irlande. S'il insiste sur l'importance des remplaçants dans un rugby qui se joue aujourd'hui à 22, le Toulousain sait qu'il joue peut-être là sa place en Coupe du monde, une compétition qu'il voudrait vivre sur le terrain. Clément, vous êtes de retour dans cette équipe en qualité de titulaire. Comment accueillez-vous ce statut retrouvé ? Bien, bien, évidemment. Depuis la blessure de Maxime (Mermoz), on ne savait pas trop ce qu'envisageait le staff, faire rentrer Yannick (Jauzion) poste pour poste ou commencer la rencontre comme on a fini celle contre l'Ecosse. La deuxième solution a été choisie. C'est en ma faveur, donc évidemment je suis content. Mais je n'aurais pas été particulièrement déçu d'être remplaçant parce que ça fait plusieurs années maintenant, on l'a d'ailleurs compris depuis longtemps à Toulouse comme ailleurs, que le rugby se joue à 22 et que les remplaçants ont leur importance, surtout au niveau international où les cadences sont plus élevées. Vous n'étiez pas là en novembre après avoir été titulaire lors du dernier Tournoi. Comment vivez-vous ces allers retours ? Finalement, je n'ai raté que les tests de novembre car j'étais de cette tournée malheureuse dans l'hémisphère sud. En novembre, Vincent et moi n'étions pas très loin non plus de la sélection. Je fais des allers retours, mais mes absences sont moins longues qu'à une certaine époque. Je reviens régulièrement dans le groupe. Pour ce qui est d'une installation durable, ce n'est pas encore ça. Mais, l'important à quelques mois de la Coupe du monde, c'était d'être dans les 30. Et l'important est de réussir ce Tournoi. Après, on verra ce qu'il adviendra... "Je ne pense pas être faible sur les ballons hauts ou sur mon jeu au pied" N'est-ce pas frustrant de voir un de ses collègues titulaire à l'arrière en équipe de France, alors qu'il n'y joue pas en club ? J'ai dépassé ce stade de la frustration. En 2007, j'étais le seul arrière de l'équipe de France et c'est Cédric Heymans qui a débuté la compétition. Je m'attends à tout maintenant... On sait que Damien (Traille) est hyper-polyvalent, qu'il peut jouer à tous les postes. Ils ont essayé. Ça a plutôt bien marché. Contre l'Irlande, il est de retour au centre, moi à l'arrière. On est habitués à ce genre de turn-over au Stade Toulousain. Du moment que c'est justifié d'un point de vue tactique ou technique, ça me va. Je suis prêt à l'accepter sans aucun souci. Ce que je n'aime pas, c'est quand on fait les choses par dépit. Face à l'Irlande, une équipe qui risque de vous tester sur les ballons aériens, l'un des points forts de Damien Traille, n'avez-vous pas le sentiment de jouer d'une certaine manière votre place ? On me fait un peu un faux procès. Je ne pense pas être faible sur les ballons hauts ou sur mon jeu au pied, même si ça a été le cas au début de ma carrière. J'ai beaucoup travaillé dans ce secteur. Je pense assurer, du moins je pense l'avoir prouvé lors du dernier Grand Chelem. Même quand ça grêle et que c'est difficile, je peux répondre présent. C'est sûr que je n'ai pas la même longueur de jeu au pied que Damien (Traille), mais je pense être capable de rassurer mes coéquipiers dans ce secteur. En tout cas, j'y trouve un certain plaisir aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas par le passé. Au-delà de ça, il faut savoir que chaque sortie en équipe de France désormais sera un test grandeur nature en vue de la Coupe du monde. Quel que soit le poste, il y a pas mal d'attentes individuelles et collectives. A choisir, vous préfèreriez gagner votre place à l'arrière ? Je préfère la gagner à l'arrière ou au centre, plutôt que sur le banc. Mais, comme je l'ai dit, aujourd'hui on joue à 22 ou à 23, et un remplaçant a un rôle important. Même si c'est parfois un peu dur à avaler, ou si c'est un rôle un peu ingrat, il faut quand même le prendre au sérieux. Je n'aurais pas parlé comme ça il y a quelques années, mais aujourd'hui, au-delà de ma déception naturelle quand je suis remplaçant, je prends ça au sérieux. "J'espère être sur le terrain pour ma troisième Coupe du monde car il n'y en aura pas quatre" Vous souvenez-vous de votre dernière sortie en Irlande ? Oui, c'était dans le Tournoi 2009. On avait produit beaucoup de jeu, mais cela s'était retourné contre nous. Les conditions météo étaient dures. Individuellement, je n'étais pas au mieux de ma forme. Je revenais de ma fracture de la cheville et de la jambe. J'étais de retour en équipe de France, mais je ne me sentais pas légitime comme je le suis peut-être depuis l'année dernière au vu de mes performances. N'avez-vous pas le sentiment d'être obligé de refaire vos preuves à chaque fois ? On a tous à les refaire. Même Damien (Traille) qui a 70 sélections (78 pour être précis, ndlr), ou Yannick (Jauzion) qui sera sur le banc... On n'a pas le loisir d'exiger quoi que ce soit. Même si on a fait le Grand Chelem l'an dernier, on a fait une tournée d'été catastrophique, une tournée de novembre avec un dernier match tout aussi catastrophique. On a encore tout à prouver. Ça a commencé avec l'Ecosse. Là, contre l'Irlande, on rentre dans le dur. Au-delà de l'affaire de la lettre de Guy Moquet (lire par ailleurs), n'avez-vous pas eu l'impression de payer vos critiques sur le jeu de l'équipe de France après la Coupe du monde 2007 ? Je ne sais pas ce que vous essayez de me faire dire, mais je n'ai jamais craché dans la soupe. J'ai toujours eu des rapports cordiaux avec Bernard Laporte. J'ai plutôt un franc-parler et quand j'ai quelque chose à dire à quelqu'un, je lui dis en face. J'aime bien qu'on fasse la même chose avec moi. Je n'ai pas voulu changer ma façon de jouer de manière significative. Et s'il attendait de moi que je tape neuf fois sur dix dans le ballon, il ne fallait pas me faire jouer. Et c'est ce qu'il a fait. Après, était-ce la bonne solution ? Ça l'était contre les Blacks (à Cardiff), mais peut-être moins contre les Anglais en demi-finale. On n'a pas changé notre tactique, on a perdu. Mais on ne va pas refaire l'histoire. Il m'a donné 35 sélections (32 pour être précis), j'ai de très bons souvenirs avec lui. Du moment que les choses sont clairs, je n'ai pas de problème avec les gens. Voyez-vous Maxime Médard comme un concurrent direct ? Max, c'est aussi un arrière en plus d'être un ailier. Donc, il peut aussi envisager d'y jouer. Mais aujourd'hui, la vraie menace en ce qui me concerne si ça doit en être une, c'est plutôt Damien. Après, l'émulation est toujours là dans la concurrence. Mais, ça se passe plutôt bien, plutôt très bien même. Il faut que l'on sorte de cette logique individuelle ou même de ces 15 titulaires. La Coupe du monde approche. Il y a ce Tournoi à jouer. On va passer pas mal de temps ensemble. Il faut qu'on essaye de raisonner pour le groupe. Reste qu'une Coupe du monde en costume, ce n'est pas pareil qu'une Coupe du monde sur le terrain ? Non. Mais une Coupe du monde dans les 22, c'est mieux qu'une Coupe du monde en costume. Moi, j'ai fait la première (en 2003) en costume, la deuxième (en 2007) sur le terrain ou sur le banc. Il y a quand même une grande différence entre les deux. Le mieux, ça reste quand même d'être sur le terrain. Et j'espère que ce sera pour la troisième. Car il n'y en aura pas quatre.