Maurel: "Difficile mais jouable"

  • Copié
Axel Capron , modifié à
C'est avec trois jours de retard que les 35 tandems inscrits sur la dixième édition de la Transat Jacques-Vabre s'élancent mercredi à 15h, la direction de course ayant décidé de repousser le départ en raison d'une forte de dépression en sortie de Manche. Vainqueur de cette Jacques-Vabre en monocoque en 1995, le directeur de course Jean Maurel explique ce choix et détaille les conditions, plutôt musclées, du «nouveau départ».

C'est avec trois jours de retard que les 35 tandems inscrits sur la dixième édition de la Transat Jacques-Vabre s'élancent mercredi à 15h, la direction de course ayant décidé de repousser le départ en raison d'une forte de dépression en sortie de Manche. Vainqueur de cette Jacques-Vabre en monocoque en 1995, le directeur de course Jean Maurel explique ce choix et détaille les conditions, plutôt musclées, du «nouveau départ». A partir de quand vous êtes-vous posé la question de reporter le départ de la Jacques-Vabre ? Je me suis vraiment posé la question le samedi en recevant les fichiers météo, même le dimanche matin. C'est là que je me suis dit que c'était un peu compliqué et qu'il y avait une grosse prise de risques pour passer à travers cette dépression qui était en travers de la route et vraiment très creuse. Y avait-il des demandes particulières de la part de certaines classes, plus fragiles a priori pour affronter le gros temps, comme les Multi 50 ou les Class 40 ? Non, pas vraiment. Les classes se sont réunies, les marins ont pas mal parlé entre eux, je les ai rencontrés individuellement pour certains, puis collectivement. Ce n'était pas vraiment une demande de report, tout le monde regardait la situation et voyait bien qu'elle ne s'améliorait pas. Un moment, il a fallu trancher, il y en a toujours qui veulent partir et d'autres non, je n'ai pas de regret d'avoir pris cette décision. D'un autre côté, ce n'est pas parce que la course a été retardée qu'elle ne va pas être difficile. Elle sera longue, la première partie musclée. On a certes échappé à la grosse grosse dépression, mais il y en aura d'autres en travers de la route des concurrents. Avez-vous pensé à l'éventualité de ne laisser partir dimanche que la classe Imoca, a priori mieux armée pour affronter la dépression ? Oui, j'y ai pensé, mais à un moment, les coureurs Imoca m'ont dit: "Non, c'est un peu comme un mariage, on est là pour le meilleur comme pour le pire, ensemble. Là, le pire, c'est d'attendre tout le monde, mais on le fait." Donc j'y ai pensé, mais je pense qu'au niveau médiatique, le fait de séparer les classes aurait rendu la lecture difficile pour le grand public. En plus, il y a des gens en Class 40 qui souhaitaient partir parce qu'ils étaient armés pour. Ce n'est pas la première fois qu'une transat affronte des grosses conditions comme ça, cela ne fait-il pas partie du jeu de la course au large ? Ça fait partie du jeu, oui ou non. Sur une descente olympique en ski, même si c'est un grand rendez-vous, dans le box de départ, il peut y avoir grand beau temps et une épaisse brume dans le mur d'arrivée, on retarde quand même. Il y a un moment où il ne faut pas faire n'importe quoi. La course à voile, ce n'est seulement franchir le mauvais temps, c'est un ensemble de choses. Tous les marins, les marins-pêcheurs ou les marins qui font du commerce, savent que le mauvais temps, ce n'est pas une partie de plaisir, pour la course non plus. Alors si on peut l'éviter, on l'évite. Au moment de prendre la décision du report, avez-vous eu une certaine pression de la part des partenaires de la course, qui invitent beaucoup de monde sur le départ ? Non, je n'ai pas eu beaucoup de pression, et je n'ai pas besoin d'avoir de la pression pour savoir qu'il y a des enjeux importants. Mais on a quand même eu une belle démonstration dimanche en faisant un parcours côtier, c'était un moindre mal pour tous les gens qui étaient présents au Havre. Et tous les partenaires de la course et des bateaux savent bien que c'est certes un spectacle, mais qu'il y a aussi deux personnes à bord et que le jour où on en perd un ou deux, c'est un drame. Ils sont assez lucides, les partenaires savent bien qu'ils ne font pas que coller une affiche, il y a un côté humain dans tout ça. "L'absence de grands multicoques ? Ce n'est pas très grave" Parlons maintenant du «vrai» départ de mercredi, toujours à 15h ? Pour l'instant (*), c'est bien parti pour 15h, la météo est difficile pour le départ mais ça reste jouable. Et les marins savent qu'en partant comme ça au mois de novembre, la première partie de course est difficile, ils ne vont pas être déçus. Pouvez-vous préciser les conditions des premiers jours de course ? Au départ, des vents de sud-sud-est de 20-25 noeuds, donc une sortie de Manche rapide avec une mer encore forte générée par les dépressions qui sont là depuis un moment, donc il va falloir lutter contre la mer. Après, très rapidement, au large de l'Angleterre, un premier passage de front puis une sorte de thalweg dépressionnaire (creux barométrique, ndlr) qu'il va falloir franchir avec des vents pouvant ponctuellement monter jusqu'à 35-40 noeuds. Mais ça ne durera pas, très rapidement, il y aura une amélioration avant d'aller sur la route directe, quasiment sur l'orthodromie (route la plus directe possible entre deux points, ndlr) vers les Açores. Donc une trajectoire assez claire et peu d'options ? La trajectoire semble en effet assez claire. Il faudra aller assez vite, ne pas faire de près serré, mais plutôt du travers vers l'ouest pour franchir au plus vite ce thalweg avant de plonger vers la route directe, mais certains feront peut-être le choix de ralentir un peu et de faire un cap plus au sud, sachant que ce sera plus facile à gérer pour le bateau, en revanche, les vents de nord-ouest plus favorables seront plus longs à venir. Donc je pense que le but de tous sera de gagner dans l'ouest le plus rapidement possible. Pour finir, les multicoques Orma sont absents depuis 2009, y a-t-il une réflexion visant à faire revenir des grands multicoques, comme cela a été le cas l'an dernier sur la Route du Rhum avec la classe Ultime, ce qui a plutôt été une réussite ? Je ne sais pas. Le multicoque en ce moment évolue pas mal, il y a des nouvelles séries (MOD70), des gens qui avaient de grands bateaux et sont partis faire autre chose, je pense notamment à Franck Cammas. Il ne faut pas tout mélanger. La Route du Rhum, c'était quelque part historique le fait que ce soit une course ouverte à tous, alors que la Transat Jacques-Vabre a toujours été avec des bateaux ne dépassant pas 18 mètres. La classe Ultime, pourquoi pas ? Mais déjà, il n'existe pas beaucoup de bateaux et le décalage par rapport aux plus petits serait encore plus évident évident. Chaque course est différente, le Rhum, ça a fonctionné, tant mieux, maintenant, est-ce qu'il faut le faire à chaque fois ? Je ne sais pas. Et qu'il n'y ait pas de multicoques Orma depuis deux éditions, c'est peut-être gênant pour certains, pour moi, ce n'est pas très grave, d'autant qu'on a beaucoup de bons bateaux en classe Imoca. Parfois, je préfère avoir un peu moins de classes, mais des classes très homogènes, plutôt que d'avoir plus de bateaux mais que ce soit très disparate. (*) Entretien réalisé mardi à 15h, à 24 heures pile du départ prévu