Lunven: "Le travail paie"

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Propos recueillis par LAURENT DUYCK , modifié à
Premier de la Transat Bénodet-Martinique mais déclassé, Nicolas Lunven, s'il ne comprend toujours pas cette décision, entend passer à autre chose. Satisfait de sa préparation hivernale, lui qui s'est beaucoup entraîné depuis sa contre-performance sur la Solitaire 2010, le skipper de Generali, lauréat de la Solitaire 2009, fait du titre de champion de France de course au large en solitaire un objectif, et donc la victoire sur la Generali Solo une étape.

Premier de la Transat Bénodet-Martinique mais déclassé, Nicolas Lunven, s'il ne comprend toujours pas cette décision, entend passer à autre chose. Satisfait de sa préparation hivernale, lui qui s'est beaucoup entraîné depuis sa contre-performance sur la Solitaire 2010, le skipper de Generali, lauréat de la Solitaire 2009, fait du titre de champion de France de course au large en solitaire un objectif, et donc la victoire sur la Generali Solo une étape. Avez-vous digéré la perte de votre victoire sur la Bénodet-Martinique ? (*) Pas vraiment. Je reste toujours sur ma position, celle d'avoir le sentiment d'être tombé sur des personnes qui n'ont pas appliqué les règles de bon sens et qui ont surtout changé leur fusil d'épaule. Mais il est temps de passer à autre chose. Je n'ai pas envie de perdre mon temps et mon énergie avec cette histoire. Ce n'est pas pour ça que je comprends cette décision. Cela n'enlève rien à votre très belle course. On vous imagine très satisfait de la façon dont vous avez navigué ? Oui, quand on arrive premier, on est forcément content car ça veut dire qu'on a été meilleur que les autres ou du moins on a fait moins de bêtises qu'eux. Maintenant, c'était quand même très serré avec cinq bateaux en 25 minutes à l'arrivée. C'est que les autres ont aussi bien navigué. Mais ça reste satisfaisant. Ça permet d'aborder la suite avec confiance, de valider le travail hivernal qui a été effectué, la préparation, la façon de naviguer, etc. Votre victoire ne s'est jouée à pas grand-chose. Peut-on mettre le doigt sur ces détails ? Malheureusement, c'est un peu compliqué. Si on savait, on pourrait renouveler l'opération... Ce n'est malheureusement pas une science exacte. La différence, ça peut être l'exploitation du bateau en terme de potentiel de vitesse, ça peut être la stratégie météo de la course, ça peut être la gestion de son sommeil sur la course, savoir se reposer quand il faut pour ne pas perdre de terrain ou pour attaquer si nécessaire, une gestion qui permet de garder sa lucidité... Le dosage précis, on ne le connaît pas. Dans mon cas, je n'ai pas réussi à isoler l'élément central qui m'a permis de terminer premier. J'essaie de faire en sorte de répéter ça mais c'est loin d'être facile (sourires). "Une saison 2010 paradoxale" Aviez-vous besoin de cette victoire pour reprendre confiance après une saison 2010 moins fructueuse que la précédente ? J'ai fait une saison 2010 paradoxale. J'avais gagné la Solitaire du Figaro en 2009 donc j'avais un statut de favori sur les épreuves 2010. Et il se trouve que j'ai fait une très mauvaise Solitaire en 2010 (26e). C'est notre épreuve phare, donc c'est ce que les médias, le grand public, ont retenue, pas à tort, je ne reproche rien à personne (sourires). Maintenant, l'analyse est rapide, je fais 26e parce que je perds beaucoup de temps sur la première étape à cause d'un spi déchiré au moment où il ne faut pas. A ce moment, le classement général est perdu pour moi. Mais sur les trois autres étapes, je fais 9, 10 et 11, trois résultats plus que corrects. Et sur les autres épreuves, que les gens retiennent peut-être un peu moins, je fais sixième de la Transat AG2R avec Jean Le Cam et cinquième de la Cap Istanbul en gagnant une étape. Ce sont des résultats honorables. Quand on regarde dans le détail, il y a eu du mauvais mais aussi du bon. Il ne faut pas dramatiser. Mais pour répondre à la question, je n'avais pas besoin d'être remis en confiance par rapport à ma Solitaire du Figaro, parce que je connaissais la cause de mon mauvais résultat, mais j'ai ressenti le besoin de beaucoup m'entraîner, de beaucoup naviguer. Le résultat ne s'est pas fait attendre... Oui, le travail paie. J'essaie de continuer sur cette lancée. A l'arrivée de notre Transat, il a fallu attendre nos bateaux. Mais dès que le cargo est arrivé, j'ai tout de suite navigué. J'ai fait le convoyage jusqu'à Marseille, puis trois jours d'entraînement jusqu'à mardi après-midi pour essayer de se remettre dans le bain. Sur un exercice particulier, car la Generali Solo est très différente d'une Transat. C'est l'exact contraire de ce que l'on a fait en traversant l'Atlantique (sourires). Entre traverser l'Atlantique et faire une course comme la Generali Solo en Méditerranée, c'est deux opposés. Aussi bien au niveau du format de course puisque là on va enchaîner de petits parcours mais aussi en terme de navigation parce qu'on ne sera pas soumis aux mêmes phénomènes météo, là on va devoir gérer une météo complexe, capricieuse, avec du vent faible, du vent très fort comme aujourd'hui (mercredi), beaucoup d'effets thermiques. "C'est épuisant, aussi bien physiquement que nerveusement" Appréciez-vous ce terrain de jeu ? (Il hésite) Réponse dans trois semaines (sourires). C'est un terrain de jeu que j'ai beaucoup pratiqué puisque j'ai beaucoup navigué sur le Tour de France à la voile. Donc je connais les eaux que l'on va retrouver sur cette Generali Solo. Je n'ai pas d'aprioris négatifs, loin de là. Ça peut être de la navigation très opportuniste, sur le papier ça me plait. Est-ce plus exigeant qu'une transatlantique ? C'est différent. Sur une transat, il y a des moments où on peut se reposer car on sait que la différence ne va pas se jouer à ce moment-là. Sur une course comme celle-ci, ça nécessite d'être à 100% tout le temps. C'est intense. Physiquement, c'est presque plus exigeant que sur une transat car on fait beaucoup de manoeuvres. Pour peu que les conditions soient musclées, il faudra être plus que toniques. C'est épuisant, aussi bien physiquement que nerveusement. Il faut bien gérer ça mais la gestion se fait plus à terre parce que sur l'eau, on est à 100%. Il ne faut rien lâcher. Quel est votre objectif ? L'objectif, c'est la victoire. Mais il faut rester lucide, on est en Méditerranée, sur de petits parcours, ça va être difficile. Il faut être capable d'accepter d'être moins bon. Ce qui ne veut pas dire être mauvais. Et puis, je ne suis pas le seul à avoir cet objectif de gagner le titre de champion de France de course au large en solitaire donc il faudra qu'on se partage le gâteau. François Gabart sacré en 2010 avant de passer en 60 pieds, cela vous donne-t-il des idées ? Avec Generali, on réfléchit, non pas à l'après, mais à notre projet global de sponsoring. Pour le moment, nous n'avons pas trouvé d'autre projet, autre que le Figaro, en adéquation avec nos objectifs respectifs. Il n'y a rien dans les cartons, ni 60 pieds, ni autre support. Mais si demain une opportunité se présente, elle sera étudiée. Ce qui me tente le plus, c'est évidemment le 60 pieds. Mais le palier à franchir est immense, que ce soit en terme de budget pour le sponsor, de technicité de bateau pour le skipper, de format d'équipe, de format de course... Je n'ai pas encore décidé de franchir le pas. (*) Vainqueur au temps, Lunven a été sanctionné par le jury de la course "d'une pénalité de 35 minutes pour avoir été contrôlé au départ de Bénodet avec un contenant pouvant recevoir du liquide venant en dépassement des 25 litres autorisés par la jauge." Sa victoire sur l'eau s'est donc transformée en cinquième place sur tapis vert.