Lièvremont: "Me battre avec eux"

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Propos recueillis par SYLVAIN LABBE , modifié à
Barbe de trois jours et visage plus fermé que jamais, Marc Lièvremont, le sélectionneur du XV de France, a tenté d'expliquer l'inexplicable à l'issue de la lamentable défaite (19-14) concédée par les Bleus samedi, à Wellington, lors du dernier match de la Poule A, qui malgré tout qualifie les Tricolores pour les quarts de finale de la Coupe du monde. Malgré les évidences, le coach des Bleus refuse d'abdiquer et estime qu'il peut encore apporter à ses joueurs.

Barbe de trois jours et visage plus fermé que jamais, Marc Lièvremont, le sélectionneur du XV de France, a tenté d'expliquer l'inexplicable à l'issue de la lamentable défaite (19-14) concédée par les Bleus samedi, à Wellington, lors du dernier match de la Poule A, qui malgré tout qualifie les Tricolores pour les quarts de finale de la Coupe du monde. Malgré les évidences, le coach des Bleus refuse d'abdiquer et estime qu'il peut encore apporter à ses joueurs. Marc comment expliquer une telle faillite mentale, physique et technique de la part de votre équipe ? Je crois que rarement une qualification a eu un goût aussi amer, mais il y a quand même qualification. Evidemment, en ce qui me concerne, le poids des mots va beaucoup compter ce soir et cette semaine. Et je crois, malgré tous les défauts qu'on me prête, des mots comme orgueil, fierté, solidarité et sincérité me parlent. Je crois que c'est de cela qu'il va falloir parler beaucoup entre nous. Je veux insister sur trois choses : d'abord rendre un grand hommage à cette équipe tongienne, qui nous a bousculés pendant quatre-vingt minutes. Ensuite, penser à cette qualification. Même après cette défaite -parce que deux défaites en quatre matches, c'est du rarement vu, je ne sais pas si ça s'est déjà fait pour aller en quart de finale, quelque part l'équipe de France entre dans les annales de la Coupe du monde- on est toujours vivant. C'est aussi manifester toute ma tristesse malgré tout aux nombreux Français présents, qui n'ont pas cessé de nous encourager au quotidien, les gens restés en France, qui croient en nous. Et enfin espérer qu'au sein de mon groupe, les mots dont j'ai parlé veulent encore dire quelque chose. Vous parliez avant ce match de retrouver la confiance. Mais rien dans ce match n'a semblé montrer que votre équipe avait retrouvé des certitudes. Bien au contraire... Il va falloir qu'on échange encore beaucoup. J'ai le sentiment, malgré tout ce qui se dit sur le groupe, que c'est le cas. Mais il va falloir le faire encore plus. Vous pouvez comprendre qu'il est difficile de donner des explications à tout. Là aussi, aux mots dont j'ai parlés, je crois qu'assumer ses actes et ses responsabilités fait partie de mon vocabulaire. Et que ce sentiment-là, encore plus que les autres, j'ai envie de l'exprimer avec mes joueurs et avec mon staff. Il y a évidemment beaucoup à redire sur le contenu. Et malgré nos deux premiers matches poussifs, malgré notre défaite de la semaine dernière, on avait affiché une progression intéressante. Plus le match avançait, plus on s'est fragilisé. Il faut bien reconnaître qu'on a failli sur la conquête et la discipline. "J'ai toujours confiance en eux..." Qu'attendez-vous de vos joueurs désormais ? J'attends une réaction parce que j'ai toujours confiance en eux tout simplement, je leur garde ma confiance ; on n'a pas le choix de toute façon, on est parti sur cette aventure ensemble, on est vivants et j'ai toujours envie de me battre et je pense que les joueurs aussi, même s'ils sont évidemment déçus ce soir. Dans un club, on dirait que cela ne sert à rien de s'entraîner, il faut aller dans un bar et se mettre la tête à l'envers. N'êtes-vous pas désormais dans cette situation d'un club qui ne sait plus à quel recours se vouer pour se relancer ? On vit dans n'importe quel groupe, que ce soit un club ou quel que soit le niveau. Je n'ai jamais été contre quelques bières partagées ensemble et la convivialité pour se dire les choses, c'est une option qui peut être envisageable. Les critiques de la presse cette semaine ont-elles pu perturber le groupe ? Je ne pense pas. On a parlé de la fébrilité de mon groupe du fait de cette année difficile, mais en interne, ça se passe bien. J'ai plutôt le sentiment que ces critiques ont renforcé l'état d'esprit du groupe, même s'il n'est pas très confortable d'évoluer dans ce climat, pour moi comme pour les joueurs. Sur l'échelle de "la honte", où situez-vous cette défaite par rapport aux revers concédés face à l'Australie ou l'Italie ? Je le disais, elle a un goût particulier puisqu'elle nous qualifie pour les quarts de finale ; évidemment, depuis trois ans et demi, quatre ans, oui, j'ai vécu des moments durs. Mais on n'est pas là pour parler de moi, on est là pour parler de la qualification de l'équipe de France en quart de finale. Que pensez-vous pouvoir encore apporter à cette équipe ? Je vais me battre avec eux. J'assume, ça ne suffit pas, je ne suis pas sur le terrain, mais, n'en déplaise et malgré les résultats de mon équipe ces derniers mois, j'estime que j'ai quelques qualités, et en tant qu'entraîneur aussi, je ne parle pas que qualités humaines, je pense que je sais ou je vais, je pense que j'assume mes convictions et j'ai le sentiment aussi que malgré tout, en semaine, même si ces quatre matches de poule ne vont pas dans ce sens-là, le message est compris et partagé par mes joueurs.