Laporte: "Mon club de coeur"

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Propos recueillis par SYLVAIN LABBE , modifié à
Dix années d'absence, passées au chevet de l'équipe de France, puis notamment au gouvernement en tant que Secrétaire d'Etat aux Sports, n'ont pas suffi à altérer le lien qui unit Bernard Laporte au Stade Français. De retour dans la capitale, l'ancien entraîneur, fort du sauvetage du club, prend de la hauteur et s'affirme comme le nouvel homme fort du Stade.

Dix années d'absence, passées au chevet de l'équipe de France, puis notamment au gouvernement en tant que Secrétaire d'Etat aux Sports, n'ont pas suffi à altérer le lien qui unit Bernard Laporte au Stade Français. De retour dans la capitale, l'ancien entraîneur, fort du sauvetage du club, prend de la hauteur et s'affirme comme le nouvel homme fort du Stade. Bernard, quel sentiment vous anime à l'heure de ce retour ? C'est un retour aux sources, le Stade Français a toujours été mon club de coeur, même si pour diverses raisons, j'ai pu en être éloigné de par mes différentes fonctions. Mais ma perspective a toujours été que Max reste le président du Stade Français. Max a été quelqu'un qui m'a beaucoup aidé à grandir. Le Stade Français, c'est Max président et moi à ses côtés. Je l'accompagne, peu importe le terme: vice-président, manager général.... L'important, c'est d'y être. Un club, il faut y être tous les jours, on ne le gère pas depuis chez soi. L'image que j'ai de ce club depuis deux ans, c'est celle d'un club en difficultés depuis deux ans, Je ne sentais pas à travers la télé ou les discours d'amour ou d'unité, pas d'âme entre eux. Il faut qu'on retrouve cet esprit de club, l'envie de faire les choses tous ensemble, mais chacun à sa place. J'ai senti que des joueurs, à travers certaines déclarations, voulaient diriger, ça c'est terminé. Comment s'est déroulé le sauvetage du club ? Il a fallu oeuvrer et chercher les investisseurs (voir : Paris, retour aux sources), ça n'a pas été simple, ça a été un mois terrible parce que je ne voyais pas ce club rétrogradé et descendre dans les profondeurs puisqu'il s'agissait de ne plus être pro et de Fédérale. Je trouvais ça tellement injuste : être rétrogradé quand tu perds sur le terrain, c'est la vie, mais quand tu es rétrogradé pour des raisons qui t'échappent (voir par ailleurs)... C'est pour ça que j'ai mis du coeur à l'ouvrage pour rattraper le coup. "Cheika a toute ma confiance" Quel sera votre fonctionnement à l'égard du terrain et notamment de Michael Cheika ? Je n'ai plus envie d'entraîner, si l'envie revient à jour, je postulerai, mais l'envie n'est pas là et je crois qu'elle ne sera plus jamais là, si ce n'est d'être proche des joueurs et du terrain. Il y a un entraîneur qui s'appelle Michael Cheika et qui reste entraîneur. Je suis de ceux qui disent que si l'on veut de la stabilité dans un club, il faut laisser le temps au temps. Il a eu une saison difficile. Quand on regarde l'effectif, finir onzième, c'est vrai que ce n'est pas une réussite, mais il n'est pas tout seul, il y a les joueurs... Il a toute ma confiance, mon rôle n'est pas de le juger, mais de l'accompagner. Je connais trop ce métier et un entraîneur, pour qu'il réussisse, il lui faut des grands joueurs; on va essayer de lui donner une équipe compétitive. C'est vrai que je peux lui apporter mon expérience. Mais en aucun cas, je ne veux intervenir, c'est lui l'entraîneur, avec un staff que rejoint Christophe Laussucq. C'est une bonne chose aussi. Parce que Christophe a le crédit d'un ancien capitaine du Stade Français, qui a gagné trois titres avec ce club. Si l'on veut transmettre un patrimoine, c'est important. Quand je vois Toulouse, qui a mis Yannick (Bru) ou Jean-Bapiste (Elissalde) entraîneurs, c'est salutaire... Parce que les joueurs ont le respect de ceux qui ont fait les choses avant eux, c'est important. Michael Cheika a-t-il selon vous pu être trop laxiste ? Les joueurs jouent, les entraîneurs entraînent, les dirigeants dirigent et le président préside. Chacun doit rester à sa place. A un certain moment, certains joueurs ont voulu tout faire... Il aurait fallu peut-être plus de "management". Les Anglos-Saxons sont différents de nous, ils croient qu'on est responsables, nous, on a besoin du gourdin (sic), on a besoin de se faire taper dessus, d'être de temps en temps flagellé, de se faire secouer les plumes, et Michael ne l'a peut-être pas assez fait. Qu'en est-il de la situation de Mathieu Bastareaud ? Mathieu est très content de rester au club. J'ai eu une discussion très franche, très honnête avec lui, les choses sont claires, nettes et précises. Le discours lui a plu, comme je lui ai dit: "Si tu n'étais pas bon, je te laisserais partir. Or, je pense que tu es un très grand joueur. Nous, les grands joueurs, on veut les garder, on veut qu'ils soient des éléments moteurs. A nous de t'accompagner pour aller plus haut. Vers l'équipe de France parce que s'il s'en donne les moyens, il ira. Mais c'est à toi de faire les efforts. Le passé, c'est le passé. Je ne veux surtout pas commenter ce que je n'ai pas vu. Ce que je veux maintenant, c'est que tout le monde pousse dans le même sens." Je crois qu'il la très bien compris. C'est une discussion qui m'a ravi et qui l'a ravi. J'ai entendu parler d'un rapport de force, mais il ne peut pas y avoir de rapport de force à partir du moment où il y a la solution. Il y aurait eu rapport de force s'il avait pu partir, mais il ne peut pas partir puisqu'il est sous contrat. Les propos du joueur dans La Provence, qui réaffirme sa volonté de quitter le club, ne sont donc plus d'actualité ? Je l'ai vu lundi après-midi, les choses sont claires et puis, je lui ai dit des choses désagréables sur Toulon, qui l'ont convaincu... (rires). Il n'y aura pas de bras de fer. Je lui ai expliqué ce que je voulais que devienne le Stade Français et surtout ce que je voulais qu'il devienne lui. N'oubliez pas que j'ai été le premier à le sélectionner alors qu'il était en Fédérale 1, c'était un cas d'école. Je lui ai rappelé... Il a compris qu'on repartait avec un esprit nouveau, avec des joueurs nouveaux, il a beaucoup de sympathie pour le demi de mêlée que vous avez déclaré vieux (Byron Kelleher), Contepomi peut être le meilleur demi d'ouverture avec lequel il peut jouer. Je lui ai dit: "Il n'y aura pas de rapport de force entre toi et moi. Je serais le premier déçu si tu ne te plaisais pas après ce que je t'ai dit. Mon objectif, c'est que tu retrouves de l'enthousiasme, que tu sois content de rester au club." Il m'a dit: "Merci de me parler comme ça, avec autant de sincérité." On s'est tapé dans la main et voilà, les choses sont claires. "On se doit d'avoir une éthique" Quelles ambitions en termes de formation ? Les investisseurs ont été clairs, nets et précis: "On veut un grand centre de formation." Ce ne sont pas de grands techniciens du rugby, mais ils veulent accompagner les jeunes dans leur scolarité, dans leur développement autour du rugby et ils vont nous aider à construire ce centre de formation, qui existe aujourd'hui, mais on connaît les difficultés à Paris d'avoir des infrastructures. Ce sera une de nos priorités et je veux que d'anciens joueurs soient impliqués. Tout le monde ne peut pas passer de joueur à entraîneur de l'équipe première. Mais mon rêve, ce serait qu'à terme, les entraîneurs du Stade Français soient d'anciens joueurs du club. Avez-vous des garanties à donner à ce nouvel investisseur en termes de résultats ? Ce nouvel investisseur, en réalité, c'est Rugby développements (la société créée par Laporte pour l'occasion, ndlr), j'en suis le président, donc il va falloir que je me rende des comptes (sourires). Mais quand on a le privilège d'avoir comme partenaire une fondation qui investit dans l'humanitaire, on se doit d'avoir une éthique. Je vais le dire aux joueurs et ça veut dire qu'on a des devoirs envers ces gens-là. Si je vais au bout de mon raisonnement, je n'accepterai pas qu'un joueur prenne soixante semaines de suspension, même si après, on crie que soixante semaines, c'est trop. Peut-être que c'est radié à vie qu'il aurait fallu. Ou on est professionnel, ou on ne l'est pas. Il y a assez de moyens sur un terrain pour faire mal, pour être agressif puisque c'est le but de ce jeu, si on dépasse les limites, c'est qu'on n'est pas professionnel. Et je n'accepterai pas les gens qui ne le sont pas dans leur attitude sur le terrain, dans leur préparation. Voilà les comptes qu'on devra rendre. Bien sûr qu'il faudra gagner, mais si on a déjà cette éthique, ce sera déjà beaucoup.