Landis: "Il faut légaliser le dopage"

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François TESSON Br De Sports.fr , modifié à
En se prononçant en faveur de la légalisation du dopage, c'est presque un tabou que Floyd Landis vient de briser. Retiré officiellement des pelotons depuis quelques jours, l'Américain, ancien dopé qui s'était lancé depuis dans la chasse aux tricheurs, appele désormais les dirigeants du monde du cyclisme, l'UCI et l'AMA en particulier, à se résoudre à accompagner le dopage, faute de pouvoir l'éliminer.

En se prononçant en faveur de la légalisation du dopage, c'est presque un tabou que Floyd Landis vient de briser. Retiré officiellement des pelotons depuis quelques jours, l'Américain, ancien dopé qui s'était lancé depuis dans la chasse aux tricheurs, appele désormais les dirigeants du monde du cyclisme, l'UCI et l'AMA en particulier, à se résoudre à accompagner le dopage, faute de pouvoir l'éliminer. La bombe Landis, acte 3. Il a été le premier vainqueur du Tour à être déclassé pour dopage. Puis il s'est mué en fer de lance de la chasse aux tricheurs. Aujourd'hui, Floyd Landis, devant ce combat qu'il juge impossible à remporter, dépose les armes. "Il faut légaliser le dopage, clame à présent l'ancien coureur, interrogé par le site Cyclingnews. Les testeurs sont tellement loin (des tricheurs, en matière de recherche, ndlr) qu'ils n'ont plus aucune chance de changer quoi ce que ce soit. Il faut l'accepter, le dopage ne disparait pas, et cela ne va pas s'améliorer. Dans dix ans, ce sera encore quatre fois plus dur de détecter les nouveaux produits." Le cyclisme propre, une douce utopie selon Landis. "Il y aura toujours des 'méchants' (bad guys) qui se doperont et forceront les 'gentils' (good guys) à en faire de même", affirme l'ancien coureur Phonak, pour qui les efforts faits en la matière sont inutiles. "Ils (les testeurs) ne sont même pas proches d'attraper quelqu'un, c'est juste une blague. Vous pouvez toujours utiliser autant d'EPO que vous voulez, à moins d'être un idiot vous ne vous ferez pas prendre". Un autre vainqueur du Tour, Alberto Contador, se trouve pourtant actuellement dans la tourmente, et risque de perdre sa victoire acquise 2010. Ennemi public n°1 d'Armstrong Mais Landis, décidément, n'en est pas à son premier contre-pied. Son histoire est jalonnée de coups de théâtre. Sportifs, pour commencer. Favori du Tour 2006, l'Américain, alors maillot jaune, est victime d'une terrible défaillance dans la Toussuire, et perd neuf minutes son rival au général, Oscar Pereiro. Le lendemain, il réalise un exploit trop géant pour être vrai: parti seul dès l'entame de la 17e étape, il parcourt 150 kilomètres seul en tête, et reprend sept minutes à tous les autres grands leaders. Vainqueur final sur les Champs-Elysées, il sera contrôlé positif à la testostérone quelques jours après, et déchu de son titre un an plus tard. En mai 2010, Landis fait son retour sur la scène médiatique, dans un tout autre rôle. Dans une interview accordée au Wall Street Journal, le natif de Pennsylvanie déballe tout, et charge son ancien leader, Lance Armstrong, dont il relate les pratiques dopantes, dans un article intitulé Blood Brothers. Depuis, Landis n'a cessé de réitérer ses accusations à l'encontre du septuple vainqueur du Tour, au point de devenir son ennemi public n°1, avec l'inspecteur fédéral Jeff Novitsky, en charge de l'enquête Armstrong. Fin 2009, Landis avait tenté de rejoindre Radio Shack, l'équipe d'Armstrong, en tant que coureur. On lui prête l'intention d'avoir voulu piéger le champion texan, comme il l'a fait avec l'équipe Rock Racing. Muni d'une caméra, Landis avait pu filmer des hormones de croissance dans le frigo de Michael Ball, le manager de la formation américaine, spécialisée dans la relance d'anciens bannis (Mancebo, Sevilla, Botero, Hamilton, ...). "Il faut encadrer le dopage" Les questions ne manquent pas de se poser autour de Landis. Quelles sont ses motivations ? Mais aussi, quelle est sa crédibilité ? Tout en répondant à Bradley Wiggins (voir encadré), Landis a répété ce qu'il avait suggéré en mai dernier: "Je le fais juste pour être en paix avec moi-même". L'Américain se défend de vouloir tuer son sport. Au contraire, il entend l'aider. Et prône donc aujourd'hui, faute de mieux, la légalisation du dopage. "Je suis convaincu qu'on n'arrêtera pas le dopage. Puisqu'on ne peut pas l'arrêter, il faut alors le prendre en compte, faire avec, d'une manière rationnelle. Il faut l'encadrer, et s'assurer que les gens ne se font pas de mal à eux-mêmes." Landis n'est évidemment pas le premier à soulever la question de la légalisation du dopage. Le skieur Bode Miller avait fait une sortie très remarquée en 2005 (*). Certains scientifiques y sont favorable, où en tout cas le cautionneraient. C'est le cas d'Andy Miah, enseignant en bioéthique à Paisley (Royaume-Uni). "L'AMA (Agence mondial antidopage) devrait davantage se pencher sur la qualité des produits en collaborant avec les commissions scientifiques, de façon à être au fait des dernières technologies, et ainsi limiter les risques pour l'athlète, jugeait-il en 2007, dans Libération. Aujourd'hui, les contrôles ne touchent que le sport d'élite pendant que dans le sport grand public le dopage augmente, et sans présence médicale. Les plus pauvres ne bénéficient pas des produits de pointe et font toujours appel aux vieilles pratiques, souvent plus dangereuses." "En investissant dans un suivi médical et scientifique, cela permettrait de développer un savoir basé sur des preuves. Cela conduirait à mieux comprendre la science du dopage, comme pour la génétique", ajoute Andy Miah. Avec le dopage légalisé, le cyclisme deviendrait alors un sport mécanique pour laboratoires pharmaceutiques, avec le corps humain en guise de moteur. Faudra-t-il s'y résoudre ? (*) "Autoriser le dopage, c'est juste, car juste, cela veut dire l'égalité des chances pour tout le monde et cela n'a rien à voir avec 'bon' ou 'mauvais'. Si tout est autorisé, c'est juste. Si tout est interdit, c'est juste aussi", avait alors déclaré Bode Miller à l'édition dominicale du quotidien Die Welt.