Lacourt, le monde à ses pieds ?

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Laurent DUYCK , modifié à
Il a conquis l'Europe l'été dernier à Budapest et séduit la France. Après avoir joui sans retenue de sa popularité, Camille Lacourt veut désormais étendre sa suprématie à l'occasion des Mondiaux de Shanghai. Mais le Marseillais, troisième des demi-finales, devra se méfier de son compatriote Jérémy Stravius pour espérer croquer son premier titre mondial, mardi sur 100 m dos.

Il a conquis l'Europe l'été dernier à Budapest et séduit la France. Après avoir joui sans retenue de sa popularité, Camille Lacourt veut désormais étendre sa suprématie à l'occasion des Mondiaux de Shanghai. Mais le Marseillais, troisième des demi-finales, devra se méfier de son compatriote Jérémy Stravius pour espérer croquer son premier titre mondial, mardi sur 100 m dos. Comme tous ses camarades de l'équipe de France, il a glissé le 9 juillet dernier son petit double mètre (1,97 m) dans le siège confort d'une classe affaires entre Paris et Singapour, dernière étape sur la route des Mondiaux. Trois semaines plus tard, il pourrait encore les faire fructifier, ses affaires, à son retour de Shanghai. Né à Budapest l'été dernier, où il s'est auto-proclamé roi d'Europe, fort de ses trois titres (50 et 100m dos, 4x100 m 4 nages), Camille Lacourt s'est imposé comme la nouvelle icône de la natation française, l'égal masculin d'une Laure Manaudou qui ne tardera pas à retrouver son statut de superstar, pour peu qu'elle parvienne à se qualifier pour les Jeux olympiques de Londres. Belle gueule comme la jeune maman sur le retour, le Narbonnais a réussi la difficile performance de sortir du cadre trop étroit des bassins. Depuis ses exploits hongrois, la presse française se l'arrache. Comme les sponsors. La marque de cosmétique Clarins en a fait son égérie contre quelque 200 000 euros par an, un contrat qui pourrait doubler en cas de titre mondial. Il touche 70 000 euros pour porter les montres Chanel. Dernier venu dans la tirelire, Tyr, déjà équipementier officiel de la Fédération française de natation, l'a choisi pour développer sa marque et ses produits. Un contrat annuel dont la part fixe atteint les 80 000 euros, mais pourrait monter jusqu'à 150 000 euros. Et ce n'est peut-être pas fini... "On est en négociations avec une marque de prêt-à-porter", avouait son agent, Jean-François Salessy, fin juin. "Mais on n'ira pas beaucoup au-delà, il n'y a pas d'intérêt à transformer Camille en arbre de Noël", s'amuse-t-il souvent à répéter. Le nageur prend lui ce qu'il y a prendre: "J'ai l'impression d'entrer un peu dans le monde Manaudou. Laure a ouvert la porte. Je m'y engouffre et j'espère que beaucoup d'autres nageurs suivront. Ce n'est que positif. Ce qui est flippant, c'est ce côté un peu people." Une notoriété toute neuve qu'il a pourtant soigneusement entretenue, en fricotant avec une ancienne miss France ou en participant au spectacle des Enfoirés. Voilà pour le revers de la médaille. Mais après l'avoir lui-même volontairement un peu oublié à la sortie d'un été 2010 doré, le pensionnaire du Cercle des nageurs de Marseille veut rappeler qu'il est avant tout un nageur. Le meilleur dossiste sur 50 et 100 m. Stravius, une vraie menace ? A la veille des Mondiaux de Shanghai, Lacourt était en effet le seul Français à pouvoir se targuer d'être en tête des bilans mondiaux, que ce soit sur 50 m (24"36) ou sur 100 m dos (52"44). Une position qui en fait le favori sur ces deux distances. "Je m'entraîne six heures par jour pour être là, en tête des bilans, donc je ne vais pas rougir maintenant d'y être arrivé", assume-t-il. "Pour le voir ces derniers temps, je pense que ça lui ajoute quelque chose de positif", tente de rassurer Romain Barnier, son entraîneur au CNM. "C'est excitant d'être l'homme à abattre", renchérit son élève, ravi de susciter la crainte chez ses adversaires dans la chambre d'appel: "C'est plus valorisant que d'arriver dans un total anonymat." Reste à savoir comment ce grand échalas résistera à la pression. Celle du public, des médias et du clan français, qui mise beaucoup sur lui pour ramener ce premier titre masculin tricolore de l'histoire des Mondiaux. "Si je ne gagne pas, personne ne sera plus déçu que moi", aime-t-il répéter pour se délester d'une partie de ces attentes. En ne réussissant lundi que le troisième chrono seulement des demi-finales (53"09), il laisse planer un doute. "Le but était de passer en finale sans y perdre trop de plumes", rassure l'intéressé. "C'est mardi qu'il faudra mettre tout sur la table", ajoute-t-il dans un message visiblement adressé à son compatriote et adversaire Jérémy Stravius, meilleur temps de l'après-midi (52"76, son record sans combinaison). Ce dernier peut-il venir chatouiller celui qui l'avait devancé sur la plus haute marche du podium à Budapest ? "Je ne vais pas me mettre en tête que je suis favori, je ne l'ai jamais été, j'ai toujours été derrière Lacourt", répond le Picard. "Quand je vois nager Lacourt en demi-finales, je me dis qu'il en a encore largement sous le pied, appuie Michel Chrétien, l'entraîneur du vice-champion d'Europe du 100 m dos. Pour moi, c'est le favori. Stravius est réaliste." Un favori invité mardi à assumer et assurer. Sous les yeux d'une France qui l'a découvert l'été dernier. "Il est dans son monde. Il ne s'occupe pas des autres, surtout pas avant les courses", certifie Barnier, qui conclut: "Il a tout à gagner. Même dans l'échec. Il a cette chance extraordinaire de pouvoir gagner des médailles aux championnats du monde ou aux Jeux olympiques. J'espère qu'il en a conscience. J'espère qu'il prend le côté excitant de l'affaire. Il n'a rien à perdre. Il a déjà gagné tellement de choses, après 15 années de labeur sans rien gagner autour." Et encore beaucoup de choses à gagner...