La mêlée au rapport

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SYLVAIN LABBE, envoyé spécial , modifié à
Attendue comme l'un des points forts du XV de France face aux All Blacks, la mêlée tricolore a subi l'impact des avants néo-zélandais, sans pouvoir tirer profit de son expertise supposée dans ce secteur, où l'arbitrage en vigueur lors de cette Coupe du monde semble laisser les Bleus perplexes. Des réponses sont à trouver avant de se frotter à une mêlée tongienne à fort tonnage.

Attendue comme l'un des points forts du XV de France face aux All Blacks, la mêlée tricolore a subi l'impact des avants néo-zélandais, sans pouvoir tirer profit de son expertise supposée dans ce secteur, où l'arbitrage en vigueur lors de cette Coupe du monde semble laisser les Bleus perplexes. Des réponses sont à trouver avant de se frotter à une mêlée tongienne à fort tonnage. Pris par les Blacks "C'est l'une des spécificités de la mêlée néo-zélandaise d'être très forte à l'impact. On doit être à la limite sur les commandements, ils ont pris l'impact systématiquement ; quand on a voulu le faire, on a pris des bras cassés." Marc Lièvremont le signalait dès l'issue de la défaite contre les All Blacks (37-17), la mêlée française n'aura jamais vraiment trouvé la solution au problème posé par son homologue néo-zélandaise souveraine au moins jusqu'à l'heure de jeu, alors que le score était déjà acquis. "C'était une mauvaise surprise, avouera encore le sélectionneur. J'espérais faire jeu égal avec ce paquet d'avants-là et derrière prendre le dessus en seconde période." Une véritable déception, alors que les joueurs et leur entraîneur avaient misé forcément beaucoup sur ce secteur de jeu réputé comme l'un des derniers bastions du jeu français. "C'est vrai qu'on s'est fait prendre", confirme Lièvremont, suivi par son vice-capitaine, Lionel Nallet, un brin moins catégorique: "On a été un peu en difficultés..." Pour Fabien Barcella, "Ça a été 50-50, même si on s'est fait prendre sur certaines..." Admise du bout des lèvres par les principaux intéressés, la domination de la mêlée française surprend d'autant plus qu'on soupçonnerait presque les Bleus d'avoir nourri un petit complexe de supériorité en la matière. Pourtant, Barcella n'est pas dupe: "On a joué une des meilleures mêlées du monde, notamment au niveau de l'impact. Les Néo-Zélandais, c'est un peu un mix de tout, ils sont capables de prendre les points forts de toutes les autres équipes. [...] Je ne les jamais vus moribonds dans ce secteur-là" Et cet aveu du Biarrot, qui tendrait à prouver que c'est à l'intelligence que les Blacks ont fait la différence: "On a manqué de jugeote à certains moments, on n'a pas su anticiper leur impact." Débutant dans un match de cette envergure, Luc Ducalcon se fait sage de reconnaître qu'"à trop vouloir déglinguer en force pure le mec en face, on se crame, mais il faut savoir aussi faire son travail efficacement et proprement." L'arbitrage en question Encore fallait-il pouvoir le faire dans les règles de l'art. Et là à écouter les Bleus sur le sujet, cela n'avait rien d'évident: "M. Rolland s'est peut-être fait un peu abusé...", souligne Lièvremont, qui s'en est ému auprès de l'Irlandais. Nallet lève le voile sur les dessous de la mêlée: "Le pilier gauche néo-zélandais prenait appui sur la main, ce n'est pas faute de l'avoir précisé à l'arbitre avant le match, qui est passé de l'autre côté en deuxième mi-temps, il a commencé à les pénaliser et du coup, la mêlée a été tout de suite plus stable." Reste cette fameuse prise d'impact à la néo-zélandaise: "Nous, on est habitués à ne pas trop transgresser la règle, admet Barcella. Il faut qu'on s'habitue à aller le près possible de la faute sans la faire." Car à l'évidence, les avants français, débarqués du Top 14 et de ses moeurs en la matière, sont un brin déboussolés: "C'est assez cohérent sur nos trois matches, mais très différent du Top 14. Il y a des choses qu'on est autorisé à faire ici qu'on n'est pas autorisés à faire en championnat. C'est un capharnaüm cet arbitrage de la mêlée. On a tenté d'anticiper une fois, on s'est fait pénaliser par un coup-franc, alors qu'eux le faisaient depuis le début." En attendant l'effet Mas C'est aussi la réalité de cette mêlée française, aux allures de chef d'oeuvre en péril, orpheline des deux héros du Grand Chelem 2010, Thomas Domingo, forfait depuis le mois d'août, et Nicolas Mas, qui se bat pour être remis sur pied avant les quarts de finale, quand William Servat, le troisième larron, revient lui juste de blessure. Une absence de Mas, "l'un des meilleurs piliers droits du monde", dixit Lièvremont, qui n'est pas neutre, loin de là, jusqu'à obliger le staff à envisager le plus improbable (voir par ailleurs), même si le ménage à trois Barcella-Poux-Ducalcon offre de vraies garanties. "Sur les trois matches qu'on a faits, ça a tourné entre la mi-temps et la 45e minute, explique Barcella. De toute façon, au-delà de soixante minutes, ça commence à tirer dans les jambes et dans le dos. Surtout qu'on tourne à trois, vu que Nico est encore en délicatesse avec sa cuisse. Ça permet d'économiser tout le monde et de jouer sur la fraîcheur." Doublure de Mas, Ducalcon, remplacé à la mi-temps pour son baptême du feu face aux Blacks, mais reconduit face aux Tonga, avoue avoir beaucoup appris: "Je dirais plutôt déçu que vexé parce qu'on peut construire là-dessus, commente le Martiniquais. En termes de vécu et d'expérience, ça m'a beaucoup appris et ce premier grand match en tant que titulaire face à une équipe de l'hémisphère sud, c'est une expérience supplémentaire, je compte m'en servir pour la suite. Peut-être a-t-on parfois un peu trop tendance à les « bader »... Parce que physiquement, on n'a pas non plus l'impression d'être passé dans une machine à laver." Le défi des Tonga Le programme de lavage qui attend les Bleus dimanche, à Wellington, face aux Tonga pourrait être tout aussi musclé. "La mêlée tongienne est à prendre en considération, elle a notamment fait un bon match face à la Nouvelle-Zélande, soutient Lièvremont en référence à cet essai de pénalité qu'aurait pu mériter les joueurs du Pacifique. Ils ont l'habitude de jouer régulièrement avec deux premières lignes sur la feuille de match." Et une problématique qui pourrait se reposer: "Encore une fois, il ne va pas falloir prendre l'impact parce que c'est une mêlée très massive", prévient Ducalcon. Barcella fait les présentations: "De sacrés clients, les deux gauchers très solides, Tonga'Uiha (1,92m, 130kg) de Northampton et Tomalolo (1,85m, 112kg), qui joue ici à Waïkato, et à droite, Pulu (1,80m, 114kg) et Filise (1,90m, 120kg), c'est très costaud, entourés par un talonneur, qui joue à Lyon, Taukafa, c'est très massif. C'est une première ligne qui va se livrer à fond dans le combat, ne va pas chercher à faire tourner la mêlée, à faire des pas chassés, ce genre de bêtises comme ça. Il faudra être présent en termes d'engagement physique." Moins de vice, "c'est plus facile, même s'il faudra être prêt pour le combat, annonce le Biarrot. "Tonga'huia en a renversé plus d'un avec Northampton." Nico Mas, humilié par le colosse en demi-finale de la H Cup, peut en témoigner...