La finale en tremblant !

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SYLVAIN LABBE, envoyé spécial , modifié à
La France disputera bien la troisième finale de Coupe du monde de son histoire ! Après 1987 et 1999, les Bleus se sont en effet qualifiés pour la finale de l'édition 2011 en battant le Pays de Galles samedi à l'Eden Park d'Auckland (9-8). Mais le XV tricolore, en supériorité numérique quasiment toute la rencontre, aura énormément souffert face à quatorze Gallois valeureux.

La France disputera bien la troisième finale de Coupe du monde de son histoire ! Après 1987 et 1999, les Bleus se sont en effet qualifiés pour la finale de l'édition 2011 en battant le Pays de Galles samedi à l'Eden Park d'Auckland (9-8). Mais le XV tricolore, en supériorité numérique quasiment toute la rencontre, aura énormément souffert face à quatorze Gallois valeureux. Comment ont-ils fait ? Comment une équipe de France redevenue aussi faible a-t-elle ce samedi, à l'Eden Park, décroché la troisième finale de Coupe du monde de son histoire ? Jamais, ô grand jamais, nous n'aurions pensé ressentir si peu d'enthousiasme dans un tel instant, plongé dans des abîmes de perplexité par ces Bleus à des années-lumière de leurs prédécesseurs de 1987 (Blanco et l'essai de Sydney) et de 1999 (l'exploit de Twickenham face aux Blacks). Winning ugly, disent les Britanniques: Gagner salement. Cette équipe de France préfèrera sans doute penser, et comment l'en blâmer, que plus que jamais: Seule la victoire est belle ! C'est pourtant au terme d'une demi-finale d'une extrême faiblesse - "la plus vilaine de l'histoire du rugby mondial", selon marc Lièvemont à la fin du match - sans doute détruite, malgré lui, par l'arbitre M. Rolland, que la France arrache son Graal à des Gallois que l'on devine déjà inconsolables sur plusieurs générations. Un XV du Poireau qui, malgré la perte de son capitaine, Sam Warburton, symbole d'une jeunesse rattrapée par l'enjeu, avait cette finale à portée de mains, à défaut de l'avoir au bout du pied de ses buteurs, qui auront égaré onze points en route. Une explication parmi d'autres. Ou le spectacle improbable de vainqueurs français sifflés quand les vaincus gallois ont droit au tour d'honneur... Warburton voit rouge ! Cette demi-finale, c'est d'abord un signe: cette pluie qui, à un quart d'heure du coup d'envoi, vient réveiller le cauchemar de Sydney 2003. On est pourtant loin du déluge du Telstra Stadium. Tout juste un pipi de chat, qui n'altère en rien le jeu de mains de Gallois qui attaquent leur match, perchés sur le même nuage, prêts à prendre les Bleus à la gorge. Une pression de tous les Diables rouges qui met leurs adversaires à la faute. Vincent Cerc (5e), puis le capitaine Thierry Dusautoir sont pris la main dans le sac pour offrir à James Hook les premiers points du match (3-0, 8e). Loin de l'entame tout feu tout flamme face à l'Angleterre, l'équipe de France pointe aux abonnés absents. Même la mêlée tricolore doit rendre des comptes à M.Rolland, mais renvoie tout de même au frigo la plus belle crinière du tournoi: cassé, le pilier Adam Jones doit sortir sur blessure (9e). Un premier coup dur qui n'est rien en regard de celui qui suit. Sur ce démarrage au ras de Clerc, Sam Warburton, l'icône de tout un peuple, jeune capitaine émérite à 23 ans rattrapé par la pression, commet l'irréparable: un plaquage cathédrale terrible sur l'ailier toulousain qui, selon la jurisprudence en vigueur dans ce tournoi, aurait pu mériter le carton jaune... L'Irlandais M.Rolland ne le voit pas de cet oeil et, sans le savoir sans doute, joue un incroyable remake: comme en 1987 (*), les Gallois voient rouge en demi-finale de la Coupe du monde (19e) ! Une décision très lourde de conséquence qui laisse l'équipe britannique sous le choc, privée de son jeune flanker et timonier, et semble placer le XV de France dans des abîmes d'indécision. Les Bleus, désormais forts d'un avantage décisif en mêlée fermée notamment, peuvent bien égaliser par Morgan Parra (3-3, 22e), on les devine vite incapables de profiter de cette supériorité numérique, à l'image de Maxime Médard, auteur d'une improbable tentative de drop des soixante mètres (27e). Parra peut bien prendre la valise dans l'axe et servir un bon jeu au pied de pression, le contre de Dimitri Yachvili sur Leigh Halfpenny à l'entrée de l'en but, ne profite pas à Maxime Mermoz, dont l'en-avant annihile cette unique occasion d'essai française (25e). On croit rêver: les Gallois, capables d'une série à dix temps de jeu, produisent plus à quatorze que les quinze Bleus, mais sont victimes de la maladresse de Hook sur cette pénalité en bonne position (30e), puis sur ce drop totalement raté (39e) ! A la pause, grâce à la botte de Parra, parfait pour sanctionner la faute au sol de Dan Lydiate (34e), c'est pourtant la France qui fait la course en tête (3-6). Un petit miracle accueilli par les sifflets de l'Eden Park. Cette équipe du Pays de Galles mérite cent, mille fois sa finale Cette demi-finale, au goût de Pro D2 prononcé, ne peut échapper aux Français, sous peine d'être la risée de la planète rugby. L'option Hook a vécu à la reprise quand le vétéran Stephen Jones est appelé à la rescousse. L'espoir est légitime côté gallois, tant l'adversaire continue de déjouer, branché sur son seul jeu au pied jusqu'à l'écoeurement. Ou l'insensé avec cette touche directe d'un Médard totalement hors sujet. Seul Parra, chef de défense impeccable et unique danger dans le jeu, paraît capable de secouer le cocotier tricolore quand il ne creuse pas l'écart (3-9, 51e). Mais rien n'y fait, cette équipe de France est comme tétanisée, incapable de gérer ce match qui lui tend les bras. "On a joué avec la peur au ventre", reconnaîtra Vincent Clerc. Jusqu'à l'irréparable et ce départ de Mike Phillips derrière sa mêlée dans le fermé, qui laisse Pascal Papé impuissant devant l'essai imparable que ne transforme pas Stephen Jones pour laisser les Bleus devant au score (8-9, 60e). La même maladresse au drop de l'ancien Clermontois, qui préserve l'essentiel (61e). Jusqu'à quand... La faiblesse des Tricolores est aveuglante en cette fin de match, mais le miracle demeure ! Il ne doit pas résister à cette dernière faiblesse de Nicolas Mas, pris pour hors jeu à cinquante mètres de ses perches. Mais Leigh Halfpenny (22 ans) n'est pas Jonny Wilkinson et sa frappe vient mourir sous la barre (76e). Formidable de courage, cette équipe du Pays de Galles mérite cent, mille fois sa finale, mais vient buter invariablement sur le seul rempart encore debout côté français, cette défense, qui plie à n'en plus finir devant cette ultime séquence à vingt-six phases de jeu, qui à la 81e minute et 46 secondes, meurt sur un en-avant aux allures de délivrance. Les Bleus sont en finale de la Coupe du monde pour la troisième fois de leur histoire et on ignore encore comment ils s'y sont pris... (*) Le Gallois Huw Richards fut le premier joueur expulsé dans un match de Coupe du monde en demi-finale de la Coupe du monde 1987 face aux All Blacks, vainqueurs 49-6.