Ils ont fait 2010: Thierry Dusautoir (2e partie)

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François TESSON Br De Sports.fr , modifié à
Qui dit fin d'année dit bilan. Et à l'heure des bilans, la rédaction a choisi de donner la parole à plusieurs sportifs français qui, à un degré ou un autre, ont marqué l'année sportive 2010. L'occasion pour eux d'évoquer leur discipline, mais également de revenir sur les événements qui les ont marqués au cours de ce millésime particulièrement riche. Après Franck Cammas lundi, Thierry Dusautoir, capitaine du XV de France.

Qui dit fin d'année dit bilan. Et à l'heure des bilans, la rédaction a choisi de donner la parole à plusieurs sportifs français qui, à un degré ou un autre, ont marqué l'année sportive 2010. L'occasion pour eux d'évoquer leur discipline, mais également de revenir sur les événements qui les ont marqués au cours de ce millésime particulièrement riche. Après Franck Cammas lundi, Thierry Dusautoir, capitaine du XV de France. LIRE LA PREMIERE PARTIE JUILLET-AOUT: "Teddy Riner, un phénomène" Juillet, c'est traditionnellement le mois du Tour de France. Vous avez pu le suivre ? Pas du tout, j'étais en vacances. J'ai quelques souvenirs de l'époque Indurain, Ullrich... Malheureusement, c'est un sport qui a été entaché par pas mal d'affaires de dopage. Pour l'image, c'est difficile. Les institutions travaillent dessus. Plus généralement, on revient à la question du sportif synonyme de « Saint-Patron ». Le dopage, c'est quelque chose qui nous concerne réellement en tant que sportif et en tant qu'individu. Est-ce qu'on veut gagner en trichant, ou non ? C'est une question à laquelle les personnes qui sont tentées de le faire doivent réfléchir, sans parler des problèmes de santé. On ne peut pas cautionner ça. La suite de l'été a ensuite été marquée par des images nettement plus positives. Il y a eu les Mondiaux de natation, d'athlétisme, et de judo. Vous qui avez pratiqué ce sport, j'imagine tout le bien que vous devez penser de Teddy Riner... C'est un phénomène, un grand de son sport. Physiquement, il est vraiment énorme. C'est aussi un phénomène médiatique car il fait une bonne promotion de son sport. Le souci, quand un athlète écrase sa discipline, c'est que le spectateur a tendance à banaliser la performance. Lorsqu'il gagne, c'est normal, lorsqu'il perd, on se demande ce qui lui est arrivé... Non, quand il réussit ce genre de choses (quatrième titre mondial, à 21 ans, ndlr), c'est un exploit. Tout simplement. Du même calibre que ceux réalisé par Christophe Lemaitre, triple champion d'Europe. C'est génial pour l'athlétisme français d'avoir un nouveau champion qui s'affirme, qui est de plus en plus régulier. Maintenant, ce qui va être difficile pour lui, c'est de confirmer au niveau mondial, notamment lors des JO. L'Europe est un peu le parent pauvre de l'athlé, surtout en sprint avec les Jamaïquains et les Américains. Mais avec Lemaitre, certains auront du souci à se faire. Il ira sans pression, jouera le coup à fond. Le sprint se joue beaucoup dans la tête, c'est un peu une histoire de poker menteur. Ils essayent de s'impressionner, et souvent c'est le plus détendu qui gagne. Face aux cadors, Lemaitre n'aura rien à perdre. Plus généralement, quelle est la part du mental dans la réussite sportive ? C'est 80%. Vous avez beau vous entraîner plus que l'autre, si mentalement vous n'avez pas la volonté, la détermination, vous n'avez aucune chance. SEPTEMBRE: "Quand il y a la pression des clubs..." En septembre, il y a avait les Mondiaux de basket, où l'équipe de France, amputée de la moitié de ses cadres, et notamment des joueurs NBA, n'a pas pu vraiment défendre ses chances... C'est dommage pour l'équipe. Ils se retrouvent dans un milieu professionnel différent du système européen. Ils sont énormément rémunérés, et leurs clubs ne peuvent pas vraiment prendre de risques. Après, c'est dommage pour une nation comme la France de ne pas pouvoir être représentée par ses meilleurs joueurs. C'est un souci. Je ne crois qu'il s'agisse d'un désintérêt des sportifs pour les sélections, jouer pour son pays c'est le summum, mais ce sont des pros sous contrat. Quand il y a la pression des clubs derrière... Au rugby, le problème ne pose même pas. Ceux qui refusent la sélection pour des raisons non justifiées ne peuvent plus jouer avec leur club. OCTOBRE: "Loeb fait de l'exploit une banalité" Vous évoquiez à propos de Teddy Riner le manque de reconnaissance à propos des sportifs qui écrasent leur sport. C'est aussi le cas pour Sébastien Loeb, septuple champion du monde... On en parle, mais on a l'impression que c'est normal. Non, ce n'est pas normal. C'est énorme. Et il en fait une banalité... Schumacher l'a vécu, dans le cas inverse, avec ce retour manqué en F1. Mais cela prouve aussi la valeur du travail sur le long terme ? Exactement. C'est un compétiteur, mais je pense qu'il avait envie de retrouver des sensations, de se faire plaisir. Le stress, la satisfaction de réussir, de voir son travail récompensé. Attention aux conclusions, il ne faut jamais enterrer des phénomènes comme Schumacher. Les jeunes sont là, mais il va repartir pour une nouvelle saison. NOVEMBRE: "L'état d'esprit a disparu" Novembre est marqué la lourde défaite du XV de France contre l'Australie (16-59), qui faisait suite à deux matches décevants dans le jeu contre les Fidji (34-12), et l'Argentine (15-9). Qu'est-ce qui faisait votre force lors du Grand Chelem, et qui a disparu depuis ? L'état d'esprit. Un état d'esprit d'équipe, de corps. On était très solidaires, ce qu'on a perdu par la suite, et qui explique les raclées qu'on a pris par la suite. Il y a eu ensuite une perte de confiance, après l'enchaînement des défaites. Mais je crois surtout qu'on n'a pas su réagir en équipe, appréhender les choses en équipe. On est dans un sport où la solidarité est essentielle, lorsqu'on n'arrive pas à la retrouver, on prend l'eau de toutes parts. On peut se dire qu'il vaut mieux que cela arrive à ce moment-là, qu'en septembre prochain pendant la Coupe du monde ? S'il fallait retenir quelque chose de positif, ce serait ça. On a encore huit mois pour se remettre d'aplomb. Il va d'abord y avoir un tournoi des VI Nations où l'on va chercher à retrouver la flamme qui nous animait quelques mois plus tôt. Je ne fais pas de soucis pour l'équipe de France. Huit mois, c'est assez long ? C'est long et court à la fois. On n'aura que deux rassemblements, avec le Tournoi. Il ne faudra pas perdre de temps. J'espère que, tous ensemble, on pourra retrouver les acquis engrangés durant les années précédentes, et oublier ces dernières semaines, pour aller de l'avant. DECEMBRE: "En bleu, il y a de l'attente" En fin d'année, il y a eu cette finale de Coupe Davis, une compétition qui a vu les Français élever tous ensemble leur niveau de jeu, tout au long de l'année, malgré la défaite au bout. Mais on a eu l'impression que le fait d'évoluer ensemble les a transcendés... Je ne sais pas s'il y a vraiment une explication, mais le fait d'être en équipe peut transcender. J'ai fait du judo en compétition, quand j'étais plus jeune, et lors des épreuves par équipes, il y avait un autre état d'esprit. Lorsqu'on est avec d'autres mecs, quand c'est un peu plus dur, on se sent le devoir de ne pas lâcher, pour eux. Gaël Monfils dit souvent que le maillot bleu est lourd à porter. Ce n'est pas vous allez le contredire ? C'est une pression différente. Il y a une attente particulière lorsqu'on porte ce maillot. Cela peut parfois être difficile, mais je crois qu'il faut prendre le bon côté des choses et se dire qu'on a rêvé de ces moments-là, qu'à une époque on aurait tout donné pour le porter. Ce maillot a certains "points négatifs", mais il faut aussi prendre en compte tout le bonheur qu'il vous apporte. Pour finir, quel est votre plus beau souvenir de l'année ? Pour moi, il y en a eu deux. Le Grand Chelem, et la Coupe d'Europe. Impossible de séparer les deux, c'est trop exceptionnel de réaliser cela en une saison. Tous sports confondus, j'ai bien aimé voir l'Espagne, championne du monde de foot. J'adore la Liga. Ils ont un jeu génial, et tout simplement beau à voir. Et, selon vous, le sportif français de l'année ? Riner ? Loeb ? Omeyer ? C'est difficile de les départager. On fait du sport pour gagner des titres. Eux, ils le font tous les ans, tous les deux ans. Je vais voter pour Riner, parce que c'est un judoka. On devine votre voeu pour 2011... On en est encore loin, mais l'objectif, vous le connaissez. LIRE LA PREMIERE PARTIE