Ils ne font pas les fiers

  • Copié
Propos recueillis par SYLVAIN LABBE , modifié à
Consciente des lacunes récurrentes, qui continuent de polluer son jeu, le XV de France, s'il a fêté sa victoire sur l'Irlande (25-22) dans la nuit dublinoise, ne se gargarise pas de ce succès étriqué acquis au terme d'un match jamais tout à fait maîtrisé. Pas de quoi jouer les fanfarons surtout quand se profile à l'horizon une équipe d'Angleterre tout feu tout flamme. Si les Bleus ne partent pas déjà battus, ça y ressemble fort...

Consciente des lacunes récurrentes, qui continuent de polluer son jeu, le XV de France, s'il a fêté sa victoire sur l'Irlande (25-22) dans la nuit dublinoise, ne se gargarise pas de ce succès étriqué acquis au terme d'un match jamais tout à fait maîtrisé. Pas de quoi jouer les fanfarons surtout quand se profile à l'horizon une équipe d'Angleterre tout feu tout flamme. Si les Bleus ne partent pas déjà battus, ça y ressemble fort... Fidèle à sa réputation sur le terrain, où il n'était pas du genre à prendre des gants, Lawrence Dallaglio a tiré le premier et déjà lancé à sa façon le "Crunch" en se gaussant du niveau de jeu du XV de France analysé à la lumière de la nouvelle démonstration de force (59-13) des hommes de Martin Johnson aux dépens de l'Italie (voir par ailleurs). On appréciera au passage le ton condescendant emprunté par l'ancien joueur des Wasps, mais on peut difficilement lui donner tort au regard du gouffre, qui à douze jours de l'échéance semble s'être un peu plus creusé entre les deux rivaux historiques à la faveur de ce deuxième week-end dans le Tournoi. Un jugement que Dallaglio aura émis avant même que les Bleus de Lièvremont ne s'imposent à l'Aviva Stadium dans les conditions que l'on sait, si bien qu'on n'ose imaginer ce qu'aurait été la chronique d'un Sir Lawrence informé de la victoire sur un fil des Bleus (25-22). Marc Lièvremont lui-même ne cachait pas ce lundi sa perplexité après une nuit passée à s'user les yeux sur la vidéo non pas d'un, mais de deux matches: "J'ai revu notre match et celui des Anglais dans la foulée, souligne le sélectionneur, pourtant frais et dispos dans l'un des salons de l'hôtel de l'équipe de France. Des Anglais que j'ai trouvé excellents, en pleine forme et en pleine confiance. Nos trajectoires se sont croisées depuis dix mois à la faveur du dernier France-Angleterre (victoire 12-10, synonyme de Grand Chelem en 2010, ndlr), à travers un match pas forcément très abouti, mais qu'on avait su gagner au forceps. (...) J'espère que nos trajectoires vont de nouveau se croiser dans quinze jours, on peut penser que les vainqueurs de ce match iront au bout, a fortiori si c'est l'Angleterre que je ne vois pas perdre en Ecosse, ni face à l'Irlande, même ici à Dublin..." "C'est le bonus défensif au mieux qu'on va jouer", ose Lièvremont L'Angleterre est déjà dans toutes les têtes et elle leur donne plutôt la migraine à nos Bleus tant la maîtrise semble anglaise quand Dusautoir et ses coéquipiers continuent de balbutier leur rugby, incapables de retrouver leurs certitudes de 2010 entre une défense à faire peur et une attaque à peine renaissante, toute heureuse d'inscrire enfin un essai sur première main dimanche. "Les avants font la différence sur la mêlée d'abord, décrivait Morgan Parra, ravi, et puis cette bonne passe de François (Trinh-Duc), puis de Damien, qui donne à Aurélien à hauteur. C'est une combinaison annoncée dès le départ, donc c'est vrai que pour une fois, sur une première main, c'est vraiment bien d'aller au bout." Les Bleus en sont là quand la Rose se déchaîne avec déjà dix essais inscrits en deux matches, dont six pour le seul Chris Ashton. A écouter Marc Lièvremont, on jurerait presque que le coach sort déjà le parapluie en prévision de ce match à très très hauts risques pour son équipe. Déjà teinté d'une profonde inquiétude dimanche après le match, son discours tenait lieu ce lundi de paratonnerre: "C'est le bonus défensif au mieux qu'on va jouer si on commet les mêmes erreurs, ose même le sélectionneur, si on fait autant de fautes dans la maîtrise du match face à une équipe dans cette forme. Il faut faire beaucoup mieux, c'est une certitude..." Dans ces conditions, autant ne pas y aller... Même si on croit deviner aussi une manière pour Lièvremont de piquer ces joueurs dans leur orgueil: "Quand on voit leurs internationaux évoluer dans le championnat anglais, ils sont vraiment au-dessus du lot. Ce qui n'est pas le cas de nos joueurs..." Des joueurs qui naviguent entre lucidité sur le niveau actuel de cette équipe de France et l'espoir de réussir à se mobiliser en moins de deux semaines. "On a vu qu'en dix jours de travail, on commence à avoir plus d'automatismes, note Parra avec une pointe d'optimisme. En se donnant dix jours de plus, avec l'évolution et la continuité de ce qui s'est passé durant deux semaines, on peut peut-être arriver à rivaliser avec cette équipe." Peut-être... Médard: "On a l'impression qu'ils ont doublé de volume..." Pour Maxime Médard, qui n'a rien oublié de la déroute venue sanctionner la dernière visite des Bleus à Twickenham en 2008 (défaite 34-10) - "Ça m'avait marqué..." - l'ascendant psychologique anglais semble déjà bien réel: "C'est fréquent de les voir très bons avant les Coupes du monde, relève le Toulousain. On a l'impression qu'ils ont doublé de volume et qu'ils vont deux fois plus vite que les autres, c'est assez impressionnant. Nous, on a nos qualités, mais il n'y a pas de raison..." Toute de même, lui mieux que quiconque peut juger de l'état de grâce actuel d'un Chris Ashton: "Ses essais, c'est pas mal hein ?, lance-t-il dans un sourire. C'est aussi la chance du moment, peut-être que dans deux semaines, ça aura changé, je sais que ça peut vite tourner. A nous de faire attention et de rendre notre défense un peu plus solide qu'elle ne l'a été aujourd'hui (dimanche). Ça va être compliqué, mais on peut faire un exploit là-bas." Une note d'espoir, que reprend à son compte, mais à sa façon Lièvremont: "Le constat est là, mais on a quand même des arguments à faire valoir. Je ne pense pas qu'on ira la trouille au ventre à Twickenham, mais plutôt avec une saine pression." L'espoir fait vivre...