Ibanez: "Mettre en valeur l'arbitre"

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Propos recueillis par Olivier CHAUVET , modifié à
S'il a pris sa retraite sportive en 2009, Raphaël Ibanez n'en reste pas moins très actif. Consultant pour France Télévisions et conseiller technique au sein du cabinet de la ministre de la Santé et des Sports, l'ex-capitaine du XV de France est aussi l'un des parrains des Journées de l'Arbitrage. L'occasion pour lui de faire un point sur l'évolution du rôle de l'arbitre dans le rugby mais aussi dans les autres sports collectifs.

S'il a pris sa retraite sportive en 2009, Raphaël Ibanez n'en reste pas moins très actif. Consultant pour France Télévisions et conseiller technique au sein du cabinet de la ministre de la Santé et des Sports, l'ex-capitaine du XV de France est aussi l'un des parrains des Journées de l'Arbitrage. L'occasion pour lui de faire un point sur l'évolution du rôle de l'arbitre dans le rugby mais aussi dans les autres sports collectifs. Pourquoi avoir accepté d'être le parrain des Journées de l'Arbitrage ? C'est la deuxième année pour moi. C'est un parrainage de fidélité. J'ai été sollicité par le groupe La Poste pour être le représentant rugby des ambassadeurs de ces Journées de l'Arbitrage, mais aussi pour promouvoir les actions en faveur de l'arbitrage. Je suis ravi, c'est une excellente initiative. L'idée, c'est de mettre en lumière, en valeur, des gens qui, tous les week-ends, sur tous les terrains de France, sont impliqués, s'engagent et ne sont pas toujours récompensés. Ce sont des gens qui travaillent parfois dans l'ombre et qui ont besoin d'être mis en valeur. Pensez-vous qu'aujourd'hui l'arbitrage a besoin d'être défendu ? Oui, enfin je ne sais pas s'il faut vraiment le défendre, mais le mettre en valeur pour qu'il soit reconnu, oui. Aujourd'hui, c'est un élément essentiel dans le fonctionnement des disciplines sportives. Il est plus facile d'arbitrer aujourd'hui qu'il y a quinze ans, parce qu'on a une forme de rapprochement avec les acteurs du jeu. Il n'y a pas la distance que l'on pouvait avoir auparavant. Cet échange, cette communication me plaît, car ça me fait penser qu'on est sur la bonne voie avec les arbitres. "Les sportifs s'intéressent à la psychologie, à l'attitude de l'arbitre" Pensez-vous que les problèmes de l'arbitrage sont les mêmes dans tous les sports et peut-on y répondre de façon globale ? Oui, un arbitre mérite avant tout le respect que ce soit dans le foot, le basket, le hand ou le rugby. Il y a forcément des principes fondamentaux comme celui-ci qui permettent à l'arbitre d'être impliqué. Auparavant, l'arbitre était un peu isolé, plutôt vu comme un juge, la personne qui allait sanctionner, que l'on regardait d'un oeil distant, méfiant. Aujourd'hui, on évolue dans le bon sens, car les sportifs s'intéressent à la psychologie, à l'attitude de l'arbitre. Au sein d'une équipe, ça peut rentrer d'ailleurs dans une stratégie collective: connaître la sensibilité de l'arbitre pour mieux le comprendre et mieux communiquer afin d'être plus performant sur le terrain. En tant que capitaine de l'équipe de France, vous deviez avoir une relation particulière vis-à-vis de l'arbitre ? Oui, je ne fais que raconter mon propre parcours, ma propre approche avec le corps arbitral. Plus jeune, je voyais l'arbitre comme le garant du jeu, mais surtout le censeur, la personne qui juge, qui sanctionne. Petit à petit, et notamment grâce à mon rôle de capitaine, j'ai compris qu'à travers les échanges que l'on pouvait avoir avec le corps arbitral, on pouvait aussi permettre à son équipe d'être plus performante. Il y a aussi une forme de liberté, on s'affranchit de l'arbitre. On n'est plus dépendant de lui, car on connait les limites à ne pas dépasser. Le rapport à l'arbitre a beaucoup évolué chez moi. "On attend de l'arbitre qu'il ait confiance en lui" En tant que joueur, ça vous est déjà arrivé d'avoir des problèmes avec les arbitres ? Quelques discussions un peu tendues, des désaccords, bien sûr. Mais c'est humain aussi. Ce qu'on attend d'un arbitre, c'est quoi ? C'est qu'il soit ferme dans ses décisions et le plus précis possible, en lui laissant le droit à l'erreur. On attend aussi de l'arbitre qu'il ait confiance en lui, qu'il montre qu'il a confiance en lui à travers les décisions qu'il prend. Ça a des répercussions sur le jeu, car les acteurs évoluent alors en pleine confiance. Il n'y a plus de suspicions, de discussions, de questionnements. La vidéo est devenue monnaie courante dans le rugby. Etes-vous favorable à son introduction dans le football ? C'est une question délicate que Michel Platini, le président de l'UEFA, ne souhaite pas aborder à l'heure actuelle. Dans certaines conditions, ça a été prouvé dans d'autres disciplines, comme le rugby, le tennis, l'escrime, si on parvient à orienter l'usage de la vidéo, ça peut être utile. Pourqouoi pas dans le foot ? Dans le rugby, on parle beaucoup d'harmonisation de l'arbitrage, lors des compétitions européennnes ou internationales. Est-ce que faire arbitrer la 9e journée de Top 14 par des arbitres anglais (et un italien) est une solution pour vous ? Cette initiative, qui a été prise par la commission de l'arbitrage sous l'égide de la Ligue nationale de rugby, a été excellente, car elle a permis aux joueurs français impliqués dans des compétitions internationales, que ce soit en Coupe d'Europe ou dans le Tournoi des Six nations et les grandes échéances internationales, de connaitre la sensibilité des arbitres britanniques et surtout de ne pas avoir d'excuses en cas de contre-performance. C'est un atout supplémentaire pour le joueur qui, une fois qu'il a compris la sensibilité de l'arbitrage, peut s'impliquer, s'engager à fond dans le rugby. Le rugby devient de plus en plus médiatique et populaire. Craignez-vous que l'on assiste à des dérives comme au football autour de l'arbitre ? Il y a des principes fondamentaux quand on joue au rugby, c'est une question de formation et d'éducation aussi: le respect de l'arbitre, des adversaires, des partenaires. C'est un jeu qui demande un engagement total, au cours duquel on met en jeu son intégrité physique. Je pense que l'arbitre est toujours au centre des débats, mais il est plus dans un rôle de prévention. Ce qui est remarquable aujourd'hui dans l'évolution de l'arbitre, c'est la prévention et la communication. Ce sont deux maîtres mots de l'arbitrage. C'est plutôt une évolution positive de l'arbitrage, donc c'est porteur d'espoir.